Dans les yeux d’un bleu #7 : François Trinh-Ducpar Damien Try 25 October 2011 7 Comme vous le savez, la Boucherie a des yeux partout. Et dans une démarche de “responsabilisation du groupe”, Marc Lièvremont a décidé de laisser à ses joueurs l’opportunité de s’exprimer s’ils le veulent afin de raconter leurs journées passionnantes, et ce, sans qu’il n’ait aucun droit de regard. Après Lakafia, Parra ou encore Estebanez, et Alexis Palisson (utilisez la fonction recherche, la flemme de coller des liens) c’est aujourd’hui François Trinh-Duc qui nous confie ses impressions, après une finale dont il aurait pu être le héros… Bon voilà. Cette Coupe du Monde est finie. Finalement j’aurai joué qu’un match, et encore, pas titulaire. Parce que Marc m’a fait comprendre qu’on pouvait décemment pas compter les matchs de préparation poule que je nous ai sortis. Marc… Je m’en rappelle comme si c’était hier. Il était venu me chercher à Montpellier. C’était avant. Y avait pas Galthié et ses Argentins, et quand le président avait sorti son « champion de France dans 3 ans », tout le monde avait rigolé. Avec Louis et Fufu, on essayait de se débrouiller pour pas descendre en ProD2, mais on était de ce niveau en fait. Alors qui de mieux qu’un entraineur de ProD2 pour reconnaitre notre talent ? Quand il était venu me voir en me demandant si j’avais envie d’être champion du monde, ça avait été directement le coup de foudre. Tout le monde se foutait de nous, on en prenait plein la gueule. « Pas de jeu au pied », « joue trop près de la défense », « pas encore le niveau ». Y a eu des hauts et des bas pendant 4 ans, mais il m’est toujours resté fidèle. Y avait bien Skrela, mais un mec qui se fait assommer plus souvent que Tintin n’est pas bien crédible dans le rôle de numéro 10 de l’équipe de France. On avait réussi à bâtir une belle relation, malgré tous les moqueurs. Mon demi de mêlée changeait un peu souvent ce qui pour le fonctionnement de la charnière n’est pas top, mais de toute façon je joue comme un centre, alors la charnière… On a fini par me caser le morveux, j’ai fait avec. Le Biarrot est monté en puissance (enfin, par rapport à l’autre), je trouvais ça cool, il m’évitait d’avoir à trop jouer au pied (j’aime pas trop ça). L’an dernier c’était vraiment super. En club, personne ne nous attendait, et on se retrouve en finale face à ceux qui ne peuvent pas perdre. Du coup ils ont pas perdu, mais mon pseudo-rival a tout raté au pied. En équipe nationale, ok y a eu les Anglais. Et les Italiens. Mais tout de même. On m’a laissé tranquille moi, en considérant que j’avais plus ou moins fini par atteindre le niveau international. Le match contre l’Australie en novembre avait même coulé le peu de crédibilité qu’avait Traille pour prendre ma place. La seule question qu’on se posait autour de moi c’était plutôt sur le 9. Et puis tout s’est effondré… Y a eu le match contre les Japonais. C’était pas la joie, mais bon, tout le monde s’en foutait. J’étais un peu déçu de sortir, mais voir Skrela par terre m’a remonté le moral. Là je me suis dit que j’étais tranquille, qu’on ne serait peut-être pas champions du monde, mais que ça serait avec moi. Parra a pris la place de Crash-test pour la fin du match, mais comme une rustine de fortune. Marc a appellé Doussain comme joker médical. Lol. Autant je me serais un peu senti menacé par Wiz ou même la starlette sud-africaine, mais un 9 avec zéro sélection… J’ai rien vu venir. Contre le Canada on a refait la même, et Parra a fait genre il est 10 en jouant les 10 dernières minutes. Et derrière contre les Blacks, il est titulaire… Même les Néo-Zélandais y croyaient pas et ont gueulé contre une équipe B. J’ai commencé à flipper quand le staff a dit que non non, c’était l’équipe-type. Du coup j’ai fait banquette, et j’ai regardé. Avec ses 60 kg à 15 mètres de la défense, c’était l’autre qui faisait le jeu. Les gros peuvent pas le blairer, alors il me pique ma place pour ne pas avoir à les gérer… Bon du coup on a pris une branlée, on jouera donc contre les Anglais, comme prévu. Les Tonga honnêtement j’y suis pour rien, j’étais pas vraiment dans ce match. Comme le reste de l’équipe tout compte fait. De toute façon, j’étais plus dans le groupe. Pendant les entrainements c’était pénible, à faire de l’opposition avec le chasuble de la mauvaise couleur. A l’hôtel c’était pire. Comme le morveux n’a aucune expérience avec cette paire de centre (moi non plus remarque), ils répétaient les lancements de jeu dans le couloir. Quand je croisais Marc, il baissait la tête ou faisait semblant de parler à N’Tamack. J’ai donc fait comme tout le monde aurait fait, je me suis bourré la gueule en ressassant ma relation perdue sur du Billy Joel. Le midol d’or. Le grand chelem. Mon drop contre les Irlandais cet été, qui avait fait découvrir au monde entier (moi compris) que j’avais un pied. Un soir Fufu m’a invité dans sa piaule, pour me remonter le moral je crois. Genre on était dans la même situation. Y a une légère différence tout de même. Lui a pour concurrence : 6 le meilleur joueur IRB 2011, 7 le meilleur joueur du monde pour Lièvremont, et 8 le capitaine de l’équipe (enfin, le vrai capitaine, je veux dire). Ils ont tous 10 ans de plus que lui, il peut prendre son mal en patience. Ma concurrence à moi elle a eu l’âge de Palisson y a pas longtemps et un melon pas croyable depuis qu’elle se prend pour le Messie qui a offert à l’ASM son premier titre. Je suis retourné à ma chambre. Dans le couloir j’ai croisé Rougerie qui m’a proposé de répéter les annonces, avant de me dire « Oups pardon François, avec mes cheveux devant les yeux, dans le noir je t’ai pris pour Traille ». Je me suis vite cassé dans ma chambre pour ne pas qu’il voit que je pleurais, et j’ai rematé pour la 10ème fois la finale de Challenge Européen Northampton-Bourgoin, en attendant avec impatience le placage de Lawes. Quand il est rentré en quart, j’ai eu un peu d’excitation. C’était ma chance. Et puis finalement rien… Contre les Gallois je ne suis même pas rentré, et la révélation de l’année a fait 3 percées qui étaient ma marque de fabrique… Alors quand McCaw lui a mis un bon coup de genou, j’en revenais pas. Sortie sur saignement mon cul, il est revenu car visiblement il voulait une seconde couche. Il l’a eue. A ce moment-là du match, j’avais tellement de gratitude pour Richie qu’il aurait pu faire ce qu’il voulait, je l’aimais. C’était un peu aussi l’état d’esprit de l’arbitre a-t-on dit, mais je ne reviendrai pas là-dessus. Après j’ai enfin pu jouer. Ah putain que ça faisait du bien ! J’ai rappelé aux Blacks qui avait planté un essai à Christcurch en 2009, avec mes prises d’intervalles aléatoires « rebonds sur les défenseurs ». On a repris le contrôle du ballon, et là tout le monde y croyait. Moi un peu trop en fait. Pénalité à 50 en face, je choppe le ballon et écarte Traille en lui disant « si on a besoin de perdre un ballon au contact on t’appellera ». J’avais juste oublié que même à 15 mètres en face, j’ai pas un super taux de réussite… La suite vous la connaissez… Maintenant on reprend l’avion et on rentre à Montpellier, où m’attendent l’entraineur dépressif d’une équipe qui joue de nouveau le maintien, et un nouveau-né qui me réveillera pendant mes gueules de bois. Chienne de vie.