France – Pays de Galles: l’avis de Vern Crotteur
par Vern Crotteur

  • 13 October 2011
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A l’heure où l’on entre dans le «money time» de cette coupe du monde, la Boucherie s’est de nouveau tournée vers son expert maison. Vern Crotteur se montre cette fois plus optimiste que le week-end dernier. S’il reconnaît les progrès d’une jeune équipe galloise, il croit cependant aux chances de l’équipe de France.

Salut les Frenchies !

Cette fois, ça y est, on est dans le dur, presque dans la dernière ligne droite. Avec de belles oppositions en perspective, comme il y a quatre ans. Et un invité-surprise, comme il y a quatre ans aussi ! Non, je ne parle pas de la France, qui s’est glissée dans le dernier carré à la faveur d’un match plutôt réussi, après une phase de poule calamiteuse. Non, l’invité surprise c’est bel et bien le Pays de Galles. Et plus surprenant encore, les Gallois sont les favoris de la première demi-finale, si l’on en croit les bookmakers d’Auckland.

Alors il est vrai que les prestations de cette jeune équipe ont été convaincantes. Les Dragons rouges, ce n’est plus seulement du beau jeu, du rugby de mouvement. Non, les Gallois ont prouvé par des actes que leurs ambitions n’étaient pas que des paroles en l’air. Les médias en tout cas les adorent. D’ailleurs, il y a comme un bruit de fond lancinant qui se dégage des salles de presse et conférences de rédaction. Un buzz en quelque sorte…  Au départ, l’idée est simple. Les nouvelles règles avantagent désormais l’attaque, là où c’étaient auparavant les défenses qui avaient le dernier mot. Ce sera donc l’équipe la plus offensive qui l’emportera. Selon cette logique, qui n’en est pas une, le dragon gallois doit s’imposer face au coq français.

Et entre Cardiff et Llanelli, on y croit dur comme fer ! Une véritable crise d’hystérie collective s’est emparée du public… Un peuple tout entier s’est mis à rêver. Samedi, le millenium stadium de Cardiff accueillera 80 000 spectateurs à partir de 6h30 du matin, pour la retransmission d’un match qui se déroulera à 10 000 km de distance.

Chapeau les supporters, mais tout de même. Le pays de Galles favori contre la France ? En demi-finale de coupe du monde ? C’est pas un buzz, ça, c’est un bug ! Peut-être que je commence à perdre la mémoire, mais il me semblait pourtant que sur les résultats passés il n’y avait pas vraiment photo entre les deux équipes. Alors je ressors mes stats perso… Mais non, je ne me suis pas trompé. Neuf victoires françaises sur les onze dernières rencontres. Avec notamment un score sans appel de 28-9 en faveur des Bleus, il y a six mois environ.

Certains vont me dire que la coupe du monde, c’est pas les six nations. Exactement ! Parce qu’en coupe du monde, lors des matchs-couperets, il n’y a pas beaucoup plus dangereux qu’une équipe de France revancharde et remontée. Et remontés, ils le sont les Français ! D’abord contre eux-mêmes certainement, et puis sans doute contre ceux qui les voient déjà perdants samedi. Les Bleus sont toujours capables d’un exploit, c’est bien connu, mais depuis quand est-ce un exploit de battre le Pays de Galles ? Non, l’exploit de l’équipe de France, si exploit il doit y avoir, ce sera en finale…

Toutefois, rien ne serait plus déplacé que de sous-estimer ces Gallois. Ils sont à la portée des Bleus, mais ils sont quand même sacrément impressionnants. Leurs traditionnels points forts n’ont pas changé. Des passes. Beaucoup de passes. Des passes devant la défense. Des passes au contact. Des passes dans la défense. Des passes en avançant. Ou en reculant. Des passes toujours.

Mais cette vision stéréotypée n’est plus tout à fait vraie. Ou plutôt, la passion débridée des Gallois pour le jeu à tous crins a été canalisée par leur sélectionneur néo-zélandais et mise au service de l’avancée collective de l’équipe. D’ailleurs, en matière d’avancée justement, les Gallois sont en net progrès. Ils ont ajouté une dimension physique à leur palette ovale. Que ce soit en troisième ligne ou au centre, ils disposent maintenant de joueurs pénétrants, suffisamment puissants pour franchir et assez techniques pour assurer la continuité du jeu. Ajoutez à cela une défense de fer, fruit du travail avec un spécialiste converti du rugby à XIII. Puis versez encore une pincée de confiance et vous obtenez un mélange détonnant. Sans compter leur condition physique irréprochable qui les sert parfaitement dans leur volonté de produire du jeu.

Alors comment les prendre ?

Réponse facile, car il n’y a pas 36 solutions. Deux possibilités en fait: ou bien rivaliser et les surclasser, en produisant plus de jeu et plus de rythme (difficile à moins d’être les Blacks), ou au contraire les cabosser sur les fondamentaux. Le combat, la conquête, la défense… Dans ces secteurs, les Français ont prouvé face aux Anglais qu’ils étaient performants. Il faudra mettre les mêmes ingrédients samedi. Mais il faudra aussi et de nouveau faire preuve d’intelligence.

Car les Gallois sont toujours bien organisés dans la largeur du terrain. Et offensivement, leur jeu se nourrit avant tout de la capacité de jouer debout et de libérer rapidement les ballons. Les Français devront donc essayer de les resserrer en défense en leur imposant des phases de combat au près, sans tomber dans l’excès. Une bonne alternance du jeu sera indispensable, comme on l’a vue durant la première mi-temps du match contre les Anglais. Défensivement aussi il faudra essayer de fixer un maximum de joueurs gallois autour du ballon, afin de les priver des soutiens qu’ils ont habituellement autour du porteur.

A cet égard, la bataille de la troisième ligne pourrait être déterminante. Face au trio emmené par l’énoooorme Warburton, Dusautoir, Harinordoquy et Bonnaire devront nous sortir une prestation de gala. Au centre aussi, la tâche s’annonce ardue pour le duo Mermoz-Rougerie, car leurs vis-à-vis (Roberts et Davies) sont des clients comme on dit.

Mais attention, priver les Gallois de ballon ne veut pas dire que l’équipe de France devra prendre le jeu à son compte. Il ne semble pas qu’elle en soit capable pendant 80 minutes. Par contre, elle peut perturber le jeu de ligne des Gallois, au point que ceux-ci pourraient être amenés à tomber des ballons, faire des fautes et, en définitive, déjouer. Car la plus grande force des Gallois est aussi leur plus grande faiblesse. Ils aiment le jeu. S’ils sont mis en difficulté, il est fort à parier qu’ils se cantonneront à faire ce qu’ils savent… pour se rassurer. C’est-à-dire envoyer du jeu, même quand les conditions tactiques imposent peut-être d’autres solutions. Ce sont ces situations-là que les Français devront savoir exploiter. Surtout en contre-attaque, car le trio arrière bleu est capable de belles choses. Palisson, Clerc et Médard devront renouer avec la performance du week-end dernier.

En revanche, interdiction de baisser de régime cette fois-ci, car les conséquences risqueraient d’être fatales. Un gros point d’interrogation subsiste d’ailleurs en ce qui concerne Morgan Parra. Défensivement, il répondra présent sans aucun doute. En attaque, il fera son jeu, pas un jeu d’ouvreur, mais les Bleus ont trouvé des moyens pour le suppléer dans son rôle de meneur. La grande inconnue concerne surtout sa capacité de déplacer le jeu au pied, en fait sa non-capacité de déplacer … Samedi dernier, ce sont surtout Yachvili et ponctuellement Mermoz qui ont assumé ce rôle, puis Trinh-Duc lorsqu’il est entré en jeu. Si le besoin se fait sentir de se sortir de la pression par du jeu au pied long, les choses pourraient se corser …

L’issue du match n’en dépendra pas forcément, mais vu les forces actuelles de l’équipe de France, il est indéniable qu’il manque un vrai canonnier dans le XV de départ. Une chose toutefois plaide en faveur des Bleus. En effet, contrairement à ce que l’on avait pu penser avant le début de la compétition, ce n’est pas l’équipe qui tient le plus longtemps le ballon qui s’impose nécessairement. C’est plutôt l’équipe qui est la plus efficace dans son utilisation qui l’emporte … Et pour ce qui est de l’efficacité, les Bleus ont assurément des arguments à faire valoir.

Rendez-vous samedi matin …

Vern