Les Bleus peuvent-ils battre les Blacks samedi … ou au moins les accrocher ?
par Vern Crotteur

  • 21 September 2011
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Salut les Frenchies,

Alors, ça va ? Vous vous morfondez déjà à l’idée de voir votre équipe fétiche passer à l’abattoir, samedi à l’Eden Park ? C’est vrai qu’en voyant la énième surprise abracadabrantesque que nous a sortie Marco, le gentil animateur de colonie de vacances en périple dans l’hémisphère sud, on serait tenté de se fourrer la tête dans le sable et d’attendre le carnage à venir. Parra à l’ouverture ? Et pourquoi pas Nallet en premier centre ? Mais, pas si vite … Il y a eu un truc la semaine dernière, non ? Y a pas un gros kangourou jaune et vert qui s’est fait écorcher en se frottant à un Trèfle plutôt piquant ?

Du coup, l’Ovalie se remet à espérer, même si certains se demandent déjà s’il ne vaudrait pas mieux faire l’impasse sur le match de samedi, histoire de se ménager une suite de parcours plus facile. Question théorique et dangereuse, car jouer à 50 % contre les Blacks, c’est se condamner à prendre une raclée, puis à devoir enchaîner un match piège contre le Tonga, dans des conditions physiques et mentales difficiles, pour aller ensuite affronter l’Angleterre (qui a quand même un taux de succès de 75 % contre la France en CDM). Ce qui peut paraître a priori comme un parcours plus facile l’est donc beaucoup moins dans la pratique. Mieux vaut oublier cette hypothèse. Pour la France, l’idéal serait sans doute de perdre le match sur un score serré, avec moins de 8 points d’écart par exemple, histoire d’empocher le bonus défensif. Ou même de remporter la rencontre, ce serait sacrément bon pour le moral des troupes et ça libèrerait des énergies pour la suite de la compétition. La question est donc simple, comment battre ou au moins accrocher ces Blacks, afin de sortir du terrain la tête haute, dans l’attente d’éventuelles retrouvailles début octobre … Ce qui est certain, c’est que ce sera très, très dur à l’Eden Park, car les Blacks sont bien déterminés à marquer leur territoire et à faire oublier l’humiliation de Cardiff.

Première condition donc pour oser espérer une bonne perf samedi: il faudra savoir défendre, beaucoup défendre, bien défendre, mais pas que défendre … Si les Français cherchent à rééditer l’exploit de Cardiff de 2007, en arrêtant vague après vague d’assauts néo-z, autant le dire de suite, ça ne marchera pas et au final, le XV du coq risque de prendre la marée. À ce titre, la titularisation de Parra à l’ouverture est un pari risqué, car les Blacks, et en particulier leurs troisièmes lignes et leur premier centre (Nonu ou SBW) vont venir le chercher, le petit Morgan. Le staff dit de Parra qu’il est courageux, tant mieux, car du courage, il en aura besoin pour plaquer à tour de bras. Il faudra peut-être resserrer le dispositif défensif autour de lui par moments, mais pas trop non plus, pour ne pas laisser d’espace ailleurs. La troisième ligne française est d’ores et déjà appelée à réaliser un match d’anthologie …

Autre élément défensif indispensable dans une stratégie “anti-black”, ne pas laisser Carter prendre le jeu à son compte. L’ouvreur des Crusaders est certainement le meilleur du monde lorsqu’il est en forme, mais il n’a pas été au mieux dernièrement. Et il revient d’ailleurs de blessure. Il sera sans doute moins affûté, moins tranchant peut-être, que lors de ses précédentes confrontations avec les Bleus. En tout cas, moins il aura de temps et d’espace pour manœuvrer, moins les Blacks seront efficaces. Si l’on ajoute à cela le fait que le poste de demi de mêlée est une faiblesse (toute relative) de cette équipe néo-z, la conclusion logique serait d’imposer une pression de tous les instants sur cette charnière. Les avants français auront fort à faire et devront véritablement se surpasser pour rivaliser dans les zones de ruck, afin de ralentir les relances, de pourrir les ballons et d’en grappiller éventuellement quelques-uns.

Mais c’est aussi au centre du terrain qu’il faudra peser. Les Blacks chercheront à prendre les intervalles, ou à fixer les défenseurs français au milieu du terrain – par des courses en leurre et/ou une double ligne d’attaque -pour mieux les déborder sur les extérieurs. Une montée défensive très agressive sera donc nécessaire pour couper les espaces et placer des joueurs français sur la trajectoire du ballon, que ce soit pour empêcher du jeu au large ou pour parasiter les passes après contact. Aurélien Rougerie en particulier aura un rôle crucial à jouer dans ce domaine.

Ce n’est que si le dispositif défensif français tient le choc, que les Bleus pourront espérer quelque chose. Évidemment la météo aura son importance aussi, et des conditions pluvieuses favoriseront sans doute les Bleus, mais les Blacks sont l’équipe la plus complète de ce tournoi sur le plan technique. Même lorsque le ballon est glissant, ils font peu d’en avants. Donc, il ne faudra pas compter seulement sur l’étanchéité de la muraille bleue ou sur un ciel capricieux, non, il faudra aussi produire du jeu. Aïe … problème.

Problème, mais pas tant que ça non plus, car au-delà des carences affichées lors de ses deux premières sorties, l’EDF apparaît comme une équipe de contre, opportuniste, capable de marquer très rapidement sur des “coups” ou des ballons de récupération. Vu que les Blacks prendront le jeu à leur compte, ce n’est pas plus mal. Les Français devront toutefois réagir sur le moindre ballon récupéré et exploiter au mieux ces possibilités de marque. En outre, il convient de noter que les Blacks ont concédé un nombre dantesque de pénalités lors des rencontres contre le Tonga et le Japon. Un Parra ou un Yachvili en forme mondiale sera donc tout aussi indispensable pour les Bleus qu’une défense imperméable et un froid réalisme en attaque.

Enfin, il y a quelques failles dans l’armure néo-z, failles qui ne sont pas toutes apparues jusqu’au présent. D’une part, comme les Tonguiens l’ont montré, il y a peut-être des coups à tenter au près, surtout à proximité de la ligne d’en-but … Avis aux Servat, Nallet et autres Swarzewski ! En mêlée fermée aussi, les Bleus seront peut-être capables de mettre la pression … Avec Alain Rolland comme arbitre, si l’EDF prend l’ascendant, elle bénéficiera certainement de quelques pénalités en sa faveur.
Mais l’autre point faible, celui qui n’a pas été mis en évidence par les adversaires précédents des Blacks, c’est le placement défensif, notamment en bout de ligne, sur du jeu au pied de récupération. Une bonne alternance dans ce domaine, avec différents types de coups de pied, que ce soit du Yach, de Parra ou de Traille, fournira sans doute quelques bonnes munitions aux Bleus.

Enfin, s’il faudra épauler Parra en défense, il faudra aussi lui faciliter la tâche dans l’animation offensive. Autant Rougerie sera crucial pour anihiler les offensives Black dans la largeur du terrain, autant Mermoz devrait être amené à assumer un véritable rôle de “second cinq-huitième”, façon néo-z, si l’on veut éviter que Parra se prenne trop systématiquement une rafale, ballon en main. Sur les premiers temps de jeu, on peut ainsi imaginer que l’EDF cherche parfois à jouer en pivot autour de Mermoz, Parra servant alors de relai entre le 9 et le 12, ou de leurre en cas de passe sautée. Il est vraisemblable également que l’ailier français côté fermé (en particulier Clerc), soit appelé ponctuellement à attaquer le couloir du 10 adverse dès le lancement, en lieu et place de Parra. Une telle alternance du jeu au niveau du premier attaquant, si l’EDF parvenait à la mettre en place, pourrait se révéler intéressante. Elle nous changerait en tout cas des lancements téléphonés dont les Bleus nous gratifient depuis trop longtemps, ou des attaques individuelles de Trinh-Duc qui a trop tendance à aller défier tout seul lorsque le lancement est mal amorcé.

Pour le reste, l’EDF n’aura pas droit à l’erreur. La conquête devra être propre. Le contre en touche devra être performant et la conservation du ballon devra être à son meilleur niveau. À ce titre, le fait d’associer le Yach et Parra à la charnière permettra peut-être de dynamiser les relances françaises, encore trop lentes lors des dernières rencontres. C’est un peu un retour à l’ère Laporte, avec Parra dans le rôle d’un Merceron bis, polyvalent à la mêlée et à l’ouverture. Pour autant, il ne faudra pas tomber dans un jeu stéréotypé, caractérisé par le séquençage habituel: attaque au centre du terrain, relance au près par les gros, retour source puis relance au large avec triplette arrière intercalée et éventuellement jeu au pied de récupération … Mais finalement, si tout le reste fonctionne à peu près bien, ce ne sera déjà pas si mal d’enchaîner ces quelques temps de jeu, encore et encore … et encore. Au bout de quatre-vingt minutes, en s’accrochant bec et ongles, tout est possible.

Vern