La finale du Super 15, revue et corrigée par Vern…
par Vern Crotteur

  • 12 July 2011
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Salut les Frenchies !

Ce weekend, je me suis frotté les yeux à plusieurs reprises en regardant la finale du Super 15. Que se passait-il sur le terrain ? Et où étaient donc passés ces foutus 25 temps de jeu dont on nous rabâche en permanence les oreilles ? Comme quoi, preuve était faite une fois de plus, que tous les superlatifs dont on affuble le Super 15 relèvent autant du fantasme journalistique que de la réalité du terrain.

Cette rencontre a été dictée de bout en bout, ou presque, par le «game plan» des deux équipes. Par cet aspect des choses au moins, de nombreux spectateurs hexagonaux n’ont pas dû être dépaysés. Une différence majeure cependant avec le championnat français : sur le plan du rythme et de l’intensité, on était cette fois dans le haut du panier, et pas dans les tréfonds du classement.

Mais le fait que cette finale ait été celle des choix pré-établis en dit long sur l’importance de l’enjeu. D’un côté, une équipe des Crusaders qui partait peut-être avec un léger avantage : grosse conquête, bonne capacité à dominer les phases de rucks et à avancer dans l’axe, botteur en réussite tout au long de la compétition et ligne de 3/4 associant des franchisseurs, capables de rentrer dans les intervalles, à des finisseurs rapides et lisant bien le jeu. De l’autre, la grosse défense des Reds, la créativité hallucinante de ses demis (on l’a encore vu samedi) et le jeu tout en appuis et en évitement de ses lignes arrières.

Au final, le score assez serré reflète bien le caractère très disputé de la rencontre et si les Crusaders l’avaient emporté, personne n’aurait crié au scandale non plus. Comme toujours, plus le niveau monte et plus les détails font la différence. Ce qui veut dire qu’il suffit parfois d’un grain de sable pour gripper une machine bien huilée. C’est ce qui s’est produit samedi et ce sont les Crusaders qui en ont fait les frais.

Contre une équipe comme les Reds, capable de se créer des occasions à partir de rien, il était impératif de tenir le ballon, d’avancer et de multiplier les temps de jeu, en misant soit sur des fautes de la défense, soit sur la capacité de pénétration des joueurs à fort tonnage de Canterbury. Mais la pression, la fatigue accumulée au cours des semaines écoulées, la résistance des Reds, et peut-être – inconsciemment – la peur de perdre sont passés par là … La conséquence de ces facteurs est connue, toujours la même, quel que soit le niveau: des petites erreurs s’accumulent, qui peuvent être lourdes de conséquences sur le score final.

Dans le cas des Crusaders, ce qui aura été déterminant finalement, c’est que leur conquête si impériale contre les Stormers n’aura pas eu le même rendement. Quatre touches pas droites sur lancer de Corey Flynn, deux autres interceptées par les Reds, et une mêlée qui n’aura pris l’ascendant auquel on s’attendait. Sans compter cette trentaine de placages manqués et cet essai justement refusé à Brad Thorn … Pris dans leur ensemble, ces facteurs-là suffisent à expliquer l’incapacité des Néo-Zélandais d’imposer finalement un jeu direct et simple, qu’ils ont pourtant réussi à pratiquer pendant près de 60 minutes. Mais dominer sans marquer n’est pas gagner.

Il faut aussi rendre hommage à la défense des Reds, excellente encore une fois sur la largeur, et loin d’être ridicule sur les séquences imposées au près par les Crusaders. Bien sûr, l’une ou l’autre décision de l’arbitre dans les phases de rucks aura sans doute surpris… Dans l’hémisphère nord, il est fort à parier qu’un plus grand nombre de pénalités auraient été sifflées, notamment en première mi-temps, en faveur des Crusaders. Mais les Reds ne se sont jamais laissés déborder et leur défense a rarement craqué, sauf peut-être sur l’essai de Carter, marqué grâce à la vision et la gestuelle parfaite de l’ouvreur néo-Z.

SBW en revanche a été bien neutralisé tout au long de la rencontre. Presque jamais les Crusaders n’ont pu assurer la continuité du jeu dans le couloir de leur numéro 12. Il faut dire que SBW est analysé au microscope par les spécialistes de la défense du Super 15 et des failles de plus en plus évidentes apparaissent dans l’armure de la star montante… Une chose est sûre, lorsque SBW met la main sur le ballon, il est pratiquement acquis qu’il va chercher à franchir et/ou à faire jouer dans son couloir. Avec lui en 12, ni les Crusaders ni les Blacks ne disposent d’un joueur capable de jouer en «deuxième cinq-huitième» comme on dit dans l’hémisphère Sud. On comprend donc mieux l’importance que Graham Henry accorde à la sélection d’un Conrad Smith, qui sait jouer lui dans un tout autre registre.

Mais autant SBW n’aura pas brillé par certains de ses choix, autant la charnière des Reds aura sporadiquement éclaboussé la rencontre de sa classe. Le qualificatif «sporadiquement» s’impose, car les joueurs des Reds avaient manifestement eu pour consigne de renvoyer au pied tout ce qui leur passait par la main. Tout ou presque… Un choix qui a pu paraître étrange à certains, mais qui s’explique par la stratégie des Australiens.

Mc Kenzie a certainement misé sur l’aptitude de ses joueurs à mieux exploiter les ballons de récupération, que ce soit en premier rideau ou dans le champ profond, et à s’adapter plus facilement à la désorganisation créée par le jeu au pied. D’où ce nombre invraisemblable de ballons tappé au-dessus, à ras, au près, au loin, là où d’autres choix de jeu auraient été possibles… En outre, ce tennis-rugby aura fait beaucoup reculer les avants et la paire de centres néozélandais, qui se sont progressivement fatigués et ont perdu de leur fraîcheur face à des 3/4 australiens très explosifs.

Dès lors, au fil du match, des micro-brèches se sont ouvertes dans les montées défensives des Crusaders, micro-brêches que Genia, Cooper et Cie ont su exploiter à merveille, grâce aux déséquilibres qualitatifs ainsi créés. Lorsqu’une équipe telle que les Reds parvient à créer du désordre chez l’adversaire, qui est en plus se fatigue à force de courir après le ballon, tout n’est qu’une question de temps… Et tôt ou tard, la vivacité et la rapidité des Australiens font la différence. Leur laisser la moindre occasion et le moindre champ libre, c’est s’exposer à une sanction immédiate. Les adversaires potentiels en Coupe du monde sont prévenus, mais sans doute le savaient-ils déjà.

 

Vern