Séjour rugbystique d’une blonde en Provence – épisode 3
par OvaliaHaHa

  • 02 June 2011
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Récemment, ceux qui suivent le rugby ont peut-être assisté ou participé à de longs débats d’une utilité douteuse concernant le fait que les 2 demies finales du Top 14 se joueraient pour la première fois cette année dans une seule et même ville et, qui plus est, à Marseille, soit dans une région où l’on n’y connait apparemment rien en rugby. Soucieux de se faire une idée de la chose mais également de faire partager l’ambiance des demies à ses lecteurs qui n’auraient pas eu la chance de s’y rendre, le STAFF de la Boucherie Ovalie a dépêché une envoyée spéciale, en la personne de moi-même, sur place. Experte dans le domaine du rugby à triple mi-temps et titulaire d’un Bac +5 en Rugbylogie bucco-rhodanienne, voici donc le compte rendu des mes aventures rugbystiques sous le soleil provençal.

Vendredi 27 Mai 2011.

Voilà, c’est le jour J. Le jour de LA demie. Celle de Toulouse. Le réveil près du lit indique 8h30 : j’ai dû dormir une demie-heure… Je ne suis pas à l’hôtel. Encore une soirée safari qui s’est terminée au lever du soleil. Je vais devoir faire la sieste dans la journée si je veux être de sûre de rester éveillée pendant toute la durée du match.

Petit tour en centre ville histoire de me « caféiner ». J’y croise quelques badauds en troupeau, vraisemblablement pas des Aixois, arborant des maillots, T-shirts ou autres accessoires aux couleurs, principalement, du Stade Toulousain ou de l’ASM. Certains sont attablés devant leurs cafés, parfois avec un air aussi réveillé que moi. D’autres, plus courageux, sont déjà au Pastis ou au jus de houblon. Respect (je rappelle qu’il n’est pas encore 9h00 !).

Après 2 cafés et 2 jus d’oranges, et bien qu’il ne soit pas encore midi et que je ne sois pas dans une forme olympique, j’achète le journal jaune de ce vendredi et m’en vais faire ma sieste à l’hôtel (c’est la classe hein ?).

12h00. Ça fait trois fois que la pauvre femme de chambre de l’hôtel frappe à la porte pour entrer faire le ménage. Je finis par me lever, titube jusqu’à la salle de bain en marbre (je vous avais bien dit que c’était la classe !) et tente de faire passer ma gueule de bois sous l’eau froide. Je m’équipe pour le match : débardeur Stade Toulousain gris sur moi, casquette et éventail également aux couleurs du club, T-shirt « Jeu de mains, jeu de Toulousains » dans le sac, et me voici fin prête.

Un bon steak-frite au resto avec mon frère, revêtu lui de son maillot réplica du Stade de la saison dernière, et nous voilà déjà de retour au bar où nous retrouvons Béret Rouge. Quelques joueurs aixois sont installés en terrasse, les éternels demis pression sur la table. Quelques tables plus loin trois joueurs du Montpellier HRC sont également attablés. A leur vu, mon frère, yeux écarquillés, laisse s’échapper un filet de bave.

16h30. Nous voilà partis en direction de la Cité Phocéenne à bord de la Béret Rouge Mobile (véhicule similaire à la fameuse 4L de Jacky). Ça bouchonne à l’entrée Nord de la ville. La plupart des voitures affiche les couleurs d’un des deux clubs qui s’affronteront ce soir (dont environ 75% celles des Jaunards). Ça klaxonne, ça crie, ça chambre, on est déjà dans l’ambiance ! 18H30. Voiture au parking (après moult galères, je ne vous le cache pas !), je passe à la gare Saint Charles retirer les places au Vierge Mégastore. Le hall de la gare est bondé de supporters (cette fois ce sont les Toulousains qui sont les plus nombreux !), des supporters hagards (…dans une gare) qui se suivent les uns les autres en espérant que quelqu’un saura par où il faut aller. Bien heureusement pour eux, et tels des messies, nous leur indiquons l’escalator qui les mènera au métro…

Un métro plein à ras bord, et avec une sacré ambiance ! Comme sur la route, on y trouve beaucoup plus de supporters clermontois que de toulousains. Ceux-ci, tout en battant le rythme sur les parois et le plafond, entonnent alors un chant de circonstance : le fameux refrain des Sardines de Patrick Sébastien… Sauf que pour les paroles, c’est pas trop ça : « Aaaah qu’est qu’on est serrés au fond de cette boite, comme les sardines, comme les sardines, aaaah qu’est qu’on est serrés au fond de cette boite, comme les sardines, comme les sardines ». (Alors que chacun sait que c’est, en réalité : « Aaaah qu’est qu’on est serrés au fond de cette boite, chantent les sardines, chantent les sardines, aaaah qu’est qu’on est serrés au fond de cette boite, chantent les sardines, entre l’huile et les aromates »)

Arrivée station Rond point du Prado, la moitié des passagers descend, ceux qui restent continuent à chanter en sautillant. A l’extérieur, les habituels refourgueurs de places tombées du camion, les supporters discrets, maquillés, avec des perruques Jackson Five jaunes, bleues, rouges ou, plus classiques, noires ; certains ayant déjà enlevé le haut et arborant de magnifiques inscriptions à la gloire de leur club, des demis pression sur pattes, des drapeaux, des bandas, un gars qui court avec une « branche à ballons de baudruche » de couleurs rouge et noir de 2m00 de haut vraisemblablement volée à une brasserie des alentours, bref c’est un peu la Grande Parade d’Eurodisney, Mickey et Minnie en moins (quoique qu’avec quelques verres on devrait pouvoir les apercevoir).

Je m’arrête prendre un hot-dog avec mes acolytes à un des nombreux stand à sandwich (vous savez, un de ceux où il vaut mieux être à jour de ses vaccins avant de consommer). Là nous nous faisons gentillement brancher par des supporters auvergnats : « Eh ! Les Toulousains ! Ils font pas de cassoulet ici !! », ce à quoi quelqu’un répond : « Et c’est pour ça qu’on vient chercher les saucisses ! ». Le jaunard sourit puis nous salue en brandissant un sac de cubi rempli de vin rosé, et tourne les talons… Mais est très vite rattrapé par Béret Rouge qui tient ABSOLUMENT à goûter ce breuvage ! Après quelques minutes de papotage et de chambrage en règle, les clermontois repartent en hurlant « Allez les jaaaauuuuneees, allez les bleeeeuuuus, allez les jaunes et bleus… ».

A l’approche de l’entrée du stade un stand Midol distribue le journal avec des petits ballons. Si j’avais su je ne l’aurais pas acheté ce matin !! A l’intérieur des grilles le fameux Odl-Fashion bus Michelin avec une banda de jaunes et bleus qui met l’ambiance :

Marcel Michelin et son orchestre.

 

Pour nous c’est direction le dernier étage des tribunes (à pied évidemment !). Première arrivée en haut, j’attends mes compatriotes, je ne suis même pas essoufflée, je suis trop forte… Mais voilà que je me retrouve nez à nez avec Monsieur Skrela (père) et manque finalement de m’étouffer.

Nous somme placés par un charmant monsieur d’un mètre cube qui me demande quelle équipe je supporte. Après un moment d’hésitation je lui réponds timidement « Toulouse », il me dit « C’est bon, vous pouvez vous assoir. Vous m’auriez dit Clermont je vous aurais fait redescendre tout en bas. »…

Sur le terrain les 2 équipes s’échauffent. Malgré le vent les buteurs semblent être dans un bon jour. Pendant ce temps Bibendum et Ovalion jouent les chauffeurs de stade.

L’astuce de la Boucherie : si vous cliquez sur l’image vous pourrez voir les mascottes en plus grand !

Le speaker annonce l’arrivée d’un orchestre qui va nous casser les oreilles pendant de trop longues minutes et parader au milieu du terrain entre les joueurs et les ballons qui tombent, alors que le Vélodrome se remplie doucement mais sûrement. La couleur dominante est encore une fois le jaune.

20h45. Les équipes entrent enfin sur le terrain. Mon stress est à son comble. Le monsieur qui nous a placé me tend un de ces dispositifs destinés à écouter l’arbitre et les commentaires. Pour qui il m’a prise ?? Je n’ai aucunement besoin de ça ! Je donne donc l’appareil à mon frère. Je revêts mon T-shirt « Jeu de mains, jeu de Toulousains », que je portais le 28 juin 2008 au Stade de France, lors de la victoire en finale su Stade sur l’ASM. Non je ne suis pas superstitieuse, je mets juste toutes les chances de mon côté !

Le coup d’envoi est donné. Le stade prend assez vite l’ascendant sur Clermont et Skrela (fils) marque la première pénalité à la 6ème minute du match, juste avant le premier essai signé Caucaunibuca. Effervescence toulousaine dans le stade. Après la transformation les rouges et noirs mènent 10 à 0 au bout de même pas 10 minutes de jeu. Malgré tout je reste stressée. 10 points dans un match de rugby, c’est trop peu pour s’enflammer, d’autant qu’il reste 70 minutes à jouer… Et que Floch réduit le score d’une pénalité dès le quart-d’heure de jeu.

Après quelques échanges de pénalités, quelques crochets de Mamie Médard (vous avez vu, c’est presque un anagramme de Maxime ! Mais sans le X, donc en version autorisé aux moins de 18 !) et quelques charges de Servat, Monsieur Garces siffle la mi-temps : 13 à 6 en faveur du Stade alors qu’on avait le vent contre nous. Je ne suis toujours pas rassurée. Pendant la mi-temps l’orchestre d’avant match refait son apparition sur le terrain. Je quitte mon siège pour aller me dégourdir les jambes sur le parvis de l’étage. Des supporters clermontois tirent légèrement la gueule, d’autres semblent toujours confiants quant à l’issue du match. Moi je dois être la seule supportrice toulousaine à être si tendue. Je suis toujours hantée par le quart de finale de H-Cup face à Biarritz…

Le match reprend. Malgré le remplacement de Cudmore par Lauaki (ce joueur me fait peur, mon stress monte encore un peu), les Toulousains sont toujours à leur avantage dans le jeu, et Skrela (fils toujours) enchaine les pénalités. Finalement l’artilleur sort à l’heure de jeu, remplacé par Bézy qui ratera 3 pénalités (c’était bien la peine de les réussir à l’échauffement si c’est pour les rater pendant le match !!). Les Stadistes passent tout près d’un deuxième essai après une action de haute volée mais Jauzion est plaqué au niveau du ballon (et non pas des ballons). Grand moment d’effroi chez les supporters toulousains autour de moi (avant de voir le ralenti sur les écrans géants ces derniers pestaient à l’intention du ¾ centre : « Mais pourquoi il a essayé de passer le ballon ce $@# ??? » avant de se raviser : « Ah ben non en fait c’est pas sa faute, je me disais bien que ça ne lui ressemblait pas une telle erreur ! »).

Nous sommes à présent dans les 5 dernières minutes. Les champions d’Europe 2010 mènent 19 à 6 mais je ne suis toujours pas à 100% rassurée alors que de l’autre côté du stade les supporters toulousains entonnent un « On est en finaaaale, on est finaaaale, on est, on est, on est finaaaale ! ». Je trouve que le chrono ne va pas assez vite. 79ème minute : Bézy marque ENFIN sa première pénalité du match !! Me voilà ENFIN rassurée ! La pression redescend, une autre se prépare à couler à flot ce soir ! Dernière action du match : les Clermontois sont à l’attaque et multiplient les temps de jeu sans commettre de faute. J’imagine une fin de match comme à la finale 2008 où le stade menait suffisamment pour pouvoir se permettre d’encaisser un essai. Les Jaunards avaient donc marqué leur dernier essai dans les toutes dernières secondes du match sous les applaudissements de tout un stade… Mais c’est finalement Caucaunibuca qui récupère le ballon et entame une course folle entre les défenseurs adverses puis tape à suivre pour lui même et va aplatir la gonfle entre les perches !! Éclats de rires et applaudissements dans ma tribune. Bézy transforme, coup de sifflet final, le Stade Toulousain a vaincu la « malédiction ». Guy Novès quitte la pelouse.

Tour d’honneur des deux équipes, pendant lequel le speaker nous bassine avec ses « show laser juste après la sortie des joueurs, ne quittez pas le stade » x3 (tout ça pour nous dire au bout de 5 minutes que l’animation est annulée) et que les supporter auvergnats chantent un funèbre « On vient, on perd, et on s’en va ! On vient, on perd, et on s’en va ! ». Finalement nous quittons le stade. Je manque à nouveau de m’étouffer en croisant papa Skrela (oui, je suis impressionnable comme fille parfois) puis, en prenant bien soin d’éviter la buvette à bière sans alcool nous redescendons nos 6 étages. Arrivés en bas nouvelle crise d’étouffement : la sortie de la tribune est obstruée par la grand-mère du XV de France (Jo Maso) en grande discution avec Philippe Sella (qui est quand même vachement baraque pour un retraité).

Tant bien que mal mes comparses et moi-même finissons par rejoindre le métro et se faire unes place dans une rame bondée. Comme le hasard fait bien les choses je me retrouve juste à côté de mon ami clermontois au sac de rosé (mais sans le sac de rosé cette fois) et les supporters toulousains d’entonner un « Mais ils sont oùùù ??? Mais ils sont oùùù ??? Mais ils sont les Clermontois la la la la la… »

De retour sur Aix, dans mon bar préféré, il est près d’une heure du matin, les crédules attendent l’arrivée des joueurs du Stade Toulousain (- « Mais si ! Ils ont dit qu’ils viendraient s’il gagnaient, c’est un ami qui me l’a dit ! », – « Ou peut-être qu’ils viendront demain ? », – « Non, non, ce soir je te dis ! »). Moi je souris. Mon informateur m’a déjà dit que ces derniers resteraient sur Marseille avant de regagner la ville rose dans la journée.

Il est 2h00 du matin, nous sommes invités à quitter les lieux (« Vous n’avez pas de familles, pas de maison, pas de camping car, pas de vie sexuelle ? Allez Mesdames et messieurs, on sort. Bonne fin de soirée.»). Sage retour à l’hôtel (oui, c’est encore la classe), demain sera encore une journée bien remplie !