Pierre Villegueux a vu Crusaders – Waratahspar Pierre Villegueux 10 March 2011 % L’autre jour, j’étais comme à mon habitude affalé sur mon canapé, une kro à la main, en train de regarder le catch sur NT1. Oui je vous vois venir, toi Pierrot, tu aimes le catch ? C’est du cinéma ! C’est grotesque et en plus ils ne se touchent même pas pour de vrai. Oui et alors ? Le Rugby à 7 c’est la même chose et c’est bien devenu un sport olympique… Bref, je me matte tranquillement mon Smackdown, et alors que l’Undertaker est sur le point de porter le coup de la pierre tombale à John Cena, mon téléphone sonne. Comme d’hab, je ne sais pas où je l’ai foutu. C’est un gros téléphone Nokia, un modèle de 1996, lourd comme une brique. Ce n’est peut être pas très esthétique mais on peut s’en servir pour assommer des voyous dans les transports en commun. Je finis par retrouver l’objet et décroche calmement. Moi: Putain c’est qui, vous avez que ça à foutre de m’appeler pendant mon catch ? Ovale Masqué: Excuse moi Pierre, c’est moi, Ovale Masqué. Moi: Qui ? Ovale Masqué: Ovale Masqué. De la Boucherie Ovalie. Je vous ai engagé la semaine dernière. Moi: Ah ouais. Ovale Masqué: Je voulais vous dire justement, j’ai adoré votre première chronique. Je serai ravi qu’on collabore sur le long terme tous les deux. Comme je vous l’ai dit l’autre jour j’ai une proposition de contrat à vous… Moi: Ah nan gamin, me ressort pas ta connerie comme quoi tu vas me payer avec de la viande fraîche. D’une, ça ne m’intéresse pas. De deux, je ne suis pas sûr que ce soit très en adéquation avec le droit du travail français. Ovale Masqué: Non non, cette fois j’ai une vraie proposition. Écoutez je vous propose de me rencontrer pour qu’on puisse causer un peu puis signer un contrat. Moi: Ouais. Ovale Masqué: Ouais ? Pourquoi pas au Oz Café, à Chatelet vers 14H ? En plus ils passent le match Crusaders – Waratahs. Moi: J’aime pas le basket. Ovale Masqué: Parfait ! A tout à l’heure Pierre. La bise. Je me suis donc rendu dans ce fameux bar, situé dans un quartier parisien propice à la débauche, puisqu’à deux pas de la célèbre rue Saint Denis, que je fréquentais jadis avec mon ami journaliste Pierre Salvioque. Dès mes premiers pas dans l’établissement, je remarque que l’endroit est peuplé par beaucoup d’étrangers. Je me demande s’ils sont tous en règle. Alors que je commence à me sentir mal, je vois un jeune chevelu à l’air louche m’interpeller d’un signe de la main. Il s’approche de moi. Je suppose qu’il souhaite me vendre de la drogue et je me prépare à lui envoyer un coup de genou dans les valseuses. Mais au moment où j’arme mon geste, je remarque son moule-bite violet et je comprends que ce jeune hippie n’est autre que le « fameux » Ovale Masqué, bien qu’il n’ait rien d’un super-héros à mes yeux, en dehors de son accoutrement ridicule. Il m’invite à sa table et nous commençons tout de suite à parler affaires. Très vite, je comprends qu’il cherche à m’embrouiller. Il me dit qu’il n’a pas été payé depuis trois mois, qu’il vit avec le RSA et que son patron veut délocaliser son poste à Madagascar… bref un baratin invraisemblable. Il propose de me payer avec de la viande – encore, je refuse – puis avec des « petits papiers qui font voir des couleurs flashy, des fractales et des éléphants roses ». Je suppose qu’il parle de billets pour les matchs du Stade Français à Saint Denis mais cela ne m’intéresse pas. Il continue à me parler avec sa petite voix de junkie et au fur et à mesure que j’enchaîne les pintes je n’arrive même plus à comprendre ce qu’il me dit. Je me tourne donc vers l’écran géant qui retransmet effectivement ce match entre les Crusaders et les Waratahs. Mais à ma grande surprise, il s’agit non pas de basket, mais de rugby. Quoique… Ovale essaye de me présenter un peu les équipes. Les Crusaders, ce sont donc ceux qui jouent avec une sorte de pyjama blanc à rayures rouges, ce qui les fait ressembler à 15 Charlie… sauf qu’ils sont faciles à trouver, l’éclairage du stade étant fonctionnel malgré son aspect champêtre. Un déménagement provoqué par un récent tremblement de terre à Christchurch parait-il, mais je n’ai pas entendu parler de cette histoire. Ovale me dit aussi que Dan Carter, le meilleur joueur du monde, est l’ouvreur des Crusaders. Je lui dit que pour moi, un mec qui n’arrive pas à enchaîner 5 matchs de Top 14 n’est pas le meilleur joueur du monde mais simplement une taffiolle. Il rigole et me tape sur l’épaule. Il va falloir qu’il se calme avec ce genre de familiarités. Je regarde tout de même le match par curiosité. Dès le début, ça envoie du jeu des deux cotés. On fait du large-large, on multiplie les passes – mais aussi les approximations et les en-avants. Sauf que l’arbitre laisse jouer, ce qui nous prive de l’occasion de voir de belles mêlées. Ça part dans tous les sens donc et assez vite, ce sont les Waratahs qui inscrivent le premier essai suite à une action absolument ubuesque. En bout de ligne, le talonneur de l’équipe, un certain Polota Nau, réussi une passe après contact en effectuant une sorte de bras roulé…. quand je vous dis qu’on est pas loin du basket. A l’école de rugby, si j’avais tenté un tel geste, j’aurais sûrement pris une raclée. Et pourtant je jouais trois quart centre… Le match continue sur ces bases. Les Crusaders reviennent bien dans le match, là encore en envoyant du jeu, mais ils n’arrivent pas à concrétiser. Du coup, quelques minutes plus tard, les Waratahs replantent un pion invraisemblable. C’est cette fois leur N°8 qui perce sur plusieurs mètres, profitant d’une défense inexistante sur le petit coté. Le troisième ligne centre termine sa chevauchée avec une passe croisée (?!) pour son demi de mêlée, Burgress, qui termine le travail après une feinte de passe et un crochet intérieur. Les mains tremblantes, je demande au serveur de me remettre un verre de l’alcool le plus fort qu’il possède…. Les Waratahs ont finalement ce qu’ils méritent : à force de jouer à tout va, ils se font intercepter et les Crusaders reprennent le score avec un essai de Fruean. Mais le reste du match est tout aussi surréaliste : les secondes lignes percent grand champ, courent comme des ailiers et font des chisteras. Quasiment pas de maul, de percussions dans l’axe… ne parlons même pas du jeu au pied. Un peu avant la mi-temps, Fruean marque un doublé après une énième passe après contact de Sonny Bill Williams. Je me rappelle de ce Williams qui jouait à Toulon il y a peu : blessé 6 mois par an, mais s’assurant toujours de faire deux ou trois gestes de frimeur par saison pour piquer toute la gloire à ses coéquipiers. Le genre de joueur que je déteste. Heureusement il fait aussi de la boxe, ce qui me le rend quand même un peu plus sympathique. Ce même Sonny Bill inscrit le troisième essai des Crusaders dès la reprise, en slalomant au milieu d’une défense toujours aussi fantomatique. Je me dis qu’on va encore souffrir pendant 40 minutes. Mais à partir de l’heure de jeu, il se passe beaucoup moins de choses. Moins de vitesse, encore plus d’approximations. A force de courir partout comme des tarés, ils se crament vite ces cons. Les Waratahs réussissent quand même à mettre un dernier essai dans les 10 dernières minutes, lorsque Pakalani profite d’une montée défensive digne d’un Matthieu Bastareaud en état d’ébriété pour percer plein champ. Évidemment, on peut toujours chercher le second rideau. Mais les buteurs des Waratahs ont été tellement mauvais qu’ils finissent à 15 points, alors qu’ils ont marqué autant d’essais que les Néo-Zélandais. Décidément, le rugby australien a bien changé… Devant tant d’horreurs, j’ai été obligé de boire, encore et encore, au point d’avoir oublié tout le reste de la soirée. Tout ce que je sais, c’est que je me suis réveillé le lendemain matin, dans mon appartenant, alors que le livreur sonnait à ma porte avec insistance. Il venait m’apporter un stock de viande d’une dizaine de kilos… PS: si voulez voir quelques extraits du match dont parle Pierrot, c’est ici.