France – Ecosse 1913 : La grande bagarre !
par La Boucherie

  • 07 February 2015
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Par Thomakaitaci, notre Stéphane Bern à nous.

 

Vous allez vous ennuyer devant France-Ecosse ? Vous en avez marre des supporters peinturlurés du Stade de France, adeptes de la Ola ? Vous regrettez le passé et son rugby beaucoup moins aseptisé ? Quoi de mieux de se replonger dans le Rugby d’avant et ce France-Ecosse du Tournoi 1913. Branlées, bagarres, insultes, provocation, complot et arbitre aveugle, ça c’est rougby !

 

1er janvier 1913, Parc des Princes, Paris.

Le Parc des Princes affiche complet ce jour-là : 25 000 personnes se sont pressées pour aller voir jouer le Quinze de France, ce qui est énorme à cette époque. D’habitude, le public de l’Equipe de France n’est guère plus consistent que celui du Racing aujourd’hui. Mais ce jour-là, non, il faut venir en masse, il faut venir voir le match France – Ecosse, car, deux ans auparavant, les petits bleus avaient enfin gagné un match dans le Tournoi, contre ces mêmes écossais. Un match héroïque pour une victoire 16-15. En ce premier jour de l’an 1913, c’est donc la revanche « officielle » pour la presse française, l’occasion de confirmer la victoire de 1911 (tout le monde semble déjà avoir oublié la courte défaite de 1912 à Murrayfield, sur le score de 31 à 3, 6 essais à 0).

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Les ancêtres des Jean-Michel Cékelchaine, les Jean-Michel Cékelfrékence, accourent donc dans les travées du stade parisien, assurés de voir le quinze de France remporter un second match, même si pour la plupart, ils ont découvert le rugby la semaine précédente. Mais à l’époque, le rugby écossais n’est pas aussi moribond que maintenant. Au contraire, c’est même une des grandes équipes (4 victoires dans les années 1900). C’est dire si la victoire de 1911 était un exploit pour les Français, qui n’ont intégré le tournoi qu’en 1910. Il ne fut pas longtemps pour que la supériorité des rouquins au chardon n’éclate à la face des joueurs et spectateurs français. Le match vire à la branlée mémorable : les arrières écossais se baladent dans la défense française comme Jonah-Lomu-au-pays-des-liliputiens (point Christian Jean-Pierre) et inscrivent cinq essais. Rapidement, les points s’enchainent et le score atteint 3-21 (ce qui donne, dans le système de points actuel, 5-31).

Mais si le récit de cette défaite est déjà marrante pour lui-même, tant il tend à montrer que la condescendance et les désillusions du rugby français ne datent pas d’hier, c’est ce qui suit qui est vraiment intéressant. Tel des Pascal Papé en noir et blanc, les joueurs français, vexés de se faire marcher dessus, commence à s’énerver, à durcir leur jeu, à provoquer les écossais – pas mécontents de voir là, un prétexte idéal pour en mettre plein la tronche à ces bouffeurs de grenouilles. Du coup, l’arbitre anglais, M. J.W. Baxter siffle les fautes françaises, ce qui a le don de prodigieusement énerver la foule dans les tribunes. « C’est encore un complot des anglais, qui n’aiment pas les français. Il fait exprès de pas siffler pour les français. Il ne voit rien. Putain d’aveugle. Enculé de PD ! Depuis le début ! ».

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En tant qu’anglais qui se respecte – lui non plus pas mécontent de se foutre de la gueule des français – l’arbitre adresse des signes provocateurs au public qui le siffle (clins d’œil, doigts sur la bouche, tatouage de Delon Armitage sur l’avant-bras…). C’en est trop pour les Jean-Michel, doublement humiliés par leur équipe et par l’arbitre. Au coup de sifflet final, une partie du public envahit le terrain et s’attaque à l’homme en noir. LA BAGARRE ! Tout le monde y participe, c’est encore mieux : les spectateurs, les joueurs français et écossais, les officiels. La sécurité du Stade est obligée de faire intervenir la garde à cheval. Et parce que rien ne vaut l’humour britannique, l’arrière écossais W. Dickson, joueur de l’illustre club d’Oxford, déclare à la presse : « C’est drôlement bien de leur part de prendre cette râclée ! ». L’Ecosse décide de couper les relations avec la Fédération Française, jusqu’à nouvel ordre et refuse de rejouer contre la France en 1914 et 1915. Finalement, les Bleus termineront le Tournoi 1913 avec quatre défaites (dont un 20-0 à Twickenham et 24-0 à Dublin).

 

Source : Encyclopédie du Rugby Français de Jean-Pierre Bodis.