Intérieur Sport “Chemin de croix” avec Dijbril Camara
par Damien Try

  • 29 March 2013
  • 2

Par Damien Try

Tout passionné de sport (à la télévision rassurez-vous) connait l’émission Intérieur Sport, diffusée sur Canal+, mais surtout, pour tous les gens normaux qui ne payent pas d’abonnement, retrouvable sur le site de la chaîne. Des reportages remplis de belles images, très bien montés, plus qu’enthousiastes et exaltés, te faisant passer le moindre entraînement pour un exploit (cf l’épisode sur Romain Barras qui transforme un footing à 11 km/h en une épopée). C'est tellement bien fait que ça parvient à te scotcher devant

online payday loans

ton écran pendant vingt-cinq minutes en te racontant un tournoi de hockey-sur-gazon, discipline dont on se fout tellement que je la soupçonne de provenir de Castres (dans l’Aveyron).

J’ai donc eu le plaisir de retrouver l’ami Djibril Camara dans le reportage qui lui était consacré, intitulé « Chemin de croix », que vous pouvez retrouver ici. Je tiens à préciser tout de suite que je n’avais pas d’a priori négatif sur ce joueur. Je regarde peu le Stade Français mais ce que j’avais vu de lui était plutôt bon, un mec avec des qualités athlétiques qui arrive à surprendre par ses changements d’appuis, c’est plus si fréquent que ça. Mais je ne peux que constater que cette

cialis 10mg

vidéo (qui a évidemment comme intention de le rendre touchant, dans le genre gamin paumé qui a fait une petite connerie et qui la paye très cher, mais travaille pour revenir au plus haut niveau) ne m’inspire que de l’antipathie pour le personnage. Mais passons donc plutôt au reportage proprement dit.

Tout de suite, dès le générique, le ton est donné. On voit l’ailier dans un vestiaire, comptant les jours à la craie sur les murs, comme s’il était dans une geôle façon Monte-Cristo. Il y fait des abdos et autres petits exercices, pendant que l’horloge tourne en accéléré. Le titre « Chemin de croix » défile, et c’est parti.

On attaque par la suspension pré-Coupe du Monde de Yoann Huget, pour ses trois « no-show ». A l’époque, Camara a déjà deux no-show à son actif, et est donc sur la sellette. D’ailleurs, « ça m’a sensibilisé, mais d’un côté je me suis fait prendre, donc on peut dire que ça m’a sensibilisé », dit-il. Ok. Ce que chacun sait arrive, et malgré les appels téléphoniques et par l’interphone du contrôleur, Djibril ne s’est pas réveillé, et le voici suspendu 6 mois.

Richard Pool-Jones profite donc de l’occasion pour essayer de lui élargir un peu ses horizons, histoire de ne pas lui offrir 6 mois de vacances peinardes à traîner à Charléty. Il va donc l’envoyer dans un environnement peu confortable, avec un but plus ou moins humanitaire, dans un cadre enrichissant culturellement pour Djibril qui n’a pas eu trop le temps de voyager auparavant. Direction l’Inde pour apprendre le rugby à des jeunes. Tentez l’expérience à votre bureau : « Patron je peux pas bosser pour les 6 prochains mois parce que j’ai fait une connerie. Ca te dit tu me payes un mois en Inde ? ». Je ne suis pas certain, mais il me semble que ça ne marche qu’au Stade Français, le club qui a conservé David Attoub pendant ses 72 semaines de suspension. Eh bien ça ne plaît pas à Djibril : « Là t’oublies je le ferai pas », ce que Pool-Jones qualifie d’une « réaction pas tout à fait positive ». Un peu le genre de réaction qu’il a quand on lui pose une question sur Gonzalo Quesada en ce moment. Mais bon il l’envoie quand même, on ne lui laisse pas le choix.

Les premières images en Inde sont plus positives : « J’ai un peu de la chance d’être là où je suis ». Pendant un entraînement sur un terrain où l’herbe arrive à mi-mollet, il remarque que ça change de la Cité U ou de Charléty où les joueurs se plaignent tout le temps. En tout cas y a pas moins de spectateurs. Les Indiens ont l’air contents et lui aussi, il se fait tatouer le nom de sa mère sur le biceps pour garder son voyage à vie. Pool-Jones aurait-il réussi son coup ?

Y a quelques images bien marrantes, l'ailier déambulant en survêt' rose du Stade Français au milieu d'une rue indienne, avec un t-shirt atteignant le point “Valeurs du rugby”, demandant à un gamin dans un anglais digne de Vincent Clerc s'il préfère le foot ou le rugby (ça existe le foot en Inde ?), etc…

Andy Powell est battu.
Andy Powell est battu.


La voix off de François Trillo parle de conditions d’entraînement spartiates, dans une petite salle qu’on imagine très bien emplie d’une chaleur étouffante. Mais question bête : les Spartiates, ils allaient boire du champagne en boîte ? Faudra que je revoie 300 mais je me rappelle pas de ce passage. Alors oui, c’était un pari, oui on a le droit de décompresser de temps en temps, m'enfin comme chemin de croix y a mieux que de mettre des photos de soi en teboî sur Twitter. Imaginez l’affiche :

LA FORMIDABLE HISTOIRE D'UNE REDEMPTION
LA FORMIDABLE EPOPEE D'UNE REDEMPTION
how to win back your ex


Le mois s’étant écoulé, le voici de retour à Paris « un peu meilleur » dit-il, et heureux de retrouver « la bonne humeur du vestiaire », ce qui est illustré par un mec qui l’insulte lorsqu’il passe sur la balance. Qu’est-ce que ça doit être quand ils font la tronche…

Et la tronche y en a un qui la tire, et c’est Pool-Jones, pendant l’entretien de debriefing. Car on y retrouve un Camara complètement fermé, sur la défensive, qui se plaint de s’être ennuyé pendant le voyage. Le directeur sportif du SF lui rappelle qu’il a 45 autres joueurs à gérer et qu’il n’a pas que ça à foutre de s’occuper de lui, mais se mange un « faut arrêter, c’est toi qui m’a envoyé en Inde, tu veux un debriefing, jte ldonne ». Pool-Jones embraye en lui exposant la suite du programme, c’est-à-dire un stage de 10 semaines dans un très grand restaurant parisien. En retour il a droit à des haussements de sourcils, une attitude très hostile et se fait couper la parole par un magnifique « nan c’est pas du tout dur chui tout seul en Inde, après je dois faire 10 semaines dans les cuisines, nan c’est pas dur, en plus de ça je suis suspendu 6 mois, nan c’est pas du tout dur je devrais être hyper cool ». Les fans de Kaamelott auront reconnu une très belle interprétation d’Yvain, à laquelle il manquait seulement un « trop gavé quoi ».

Après l’avoir envoyé en Inde pour lui faire comprendre que vivre en France, c’est plutôt chouette, il bouleverse (spéciale dédicace à Pastigo) son quotidien en essayant de lui faire réaliser qu’être sportif de haut-niveau c’est facile comme vie, en l'envoyant dans un resto à la hiérarchie quasi-militaire (mais où les responsables sont plus que chaleureux envers lui). Mais l’autorité, c’est pas trop le kiff de Djibril voyez-vous, du coup il sèche. Un restaurateur renommé accepte de s'occuper de lui, pour une formation pour laquelle des promotions entières d'école hôtelière vendraient leur mère, et il y va juste pas. Ca fait pas rire notre bon père protecteur Pool-Jones, et le voici banni de Charléty, il doit s’entraîner de son côté, ce qui ne l'étonne guère : « Je savais très bien qu’ils allaient pas être d’accord, qu’ils allaient forcément partir en clash et c’est ce qui s’est passé. » Cela semble attrister son coach qui ne peut que constater que « pour arriver à faire bosser Djibril, il faut passer du temps et le prendre à l’affectif ». Qui lui considère plutôt que « tous les entraîneurs que j’ai eu, j’ai toujours été en désaccord avec eux, mais le truc, c’est que je cherche à ce qu’ils m’énervent pour pouvoir prouver après qu’ils avaient tort. C’est mon caractère. » Charmant jeune homme.

Le Stade Français ne peut se permettre de ne pas le retrouver à son meilleur niveau : il réintègre le groupe, et une fois sa suspension terminée va perdre avec les espoirs à La Rochelle. Perso, c’est plus ça qui m’aurait vénère dans l’histoire. Reprendre avec les espoirs passait par une condition : présenter ses excuses à Guy Savoy, ce dont il s’est acquitté à moitié, sans jamais réellement demander pardon, avec un grand sourire de vainqueur « je suis le plus malin j’ai gagné ».

Le reportage se termine et miraculeusement, Djibril est unanimement acclamé par ses coéquipiers, Pascal Papé trouvant qu’il a mûri et qu’il est plus concentré aux entraînements. Le mec qui envoie chier Pool-Jones et refuse d’aller faire des pâtisseries, en effet, il a mûri.

Je suis un peu perplexe après ce reportage. Visiblement le joueur est apprécié par son entourage : tous les joueurs en disent du bien (du moins en face de la caméra), et son coach y est attaché, car on ne s’occupe pas aussi bien du premier connard qu’on croise. Mais comment se fait-il qu’on ne voit rien dans la vidéo qui explique pourquoi ? Il dit de son coach « Je comprends pas forcément mais j’ai toujours eu du respect pour lui et je l’ai toujours remercié de ce qu’il avait fait pour moi parce qu’il m’a quand même fait oublier ces 6 mois de suspension en me faisant faire pas mal de trucs. » Le message de l’émission est très clair : on souhaite nous montrer quel bon mec il est, on l’a fait suivre par une caméra (ce qui change forcément le comportement) et je suppose qu’on a choisi ses meilleurs jours, et la seule chose que j’ai vue est le debrief pendant lequel il est loin de montrer du respect et encore plus loin de le remercier.

Depuis le reportage, Djibril rejoue, et plutôt bien. Il marque même des essais, ce qui en ce moment au Stade Français est quelque peu difficile. Il s’est fait contrôler (pas bien étonnant d’être surveillé quand on a déjà eu des problèmes), ce qui a suscité ces jolis tweets (qu’il s’est empressé de relayer):

dc1

dc2

J'en conclus que non seulement le reportage était assez bon pour attirer de la sympathie envers lui, mais qu’il devrait de plus servir de totem d’immunité aux contrôles.

De quoi ? Un reportage sur Imelon ? Je suis sur le coup, bisous.

zp8497586rq