Le sociologue du rugby #2par La Boucherie 02 September 2011 3 Le sociologue du rugby #2 Partie 2 : Le rugbyman est-il vraiment un gentleman ? Comme je le disais auparavant, le rugby est une véritable société à part entière et toute société se fédère autour d’une devise : ces quelques doux mots résonnants dans le cœur des citoyens, gravés à jamais sur les devantures des mairies. « In god we trust » aux states, « in BOD we trust » en Irlande, « In pastis we trust » à Marseille, etc. Le rugby ne déroge pas à la règle et a sa devise à lui. Oui !, tout le monde connait cette phrase, fièrement récitée par tous rugbyman en présence de footballeurs, ou de jupons. « Le rugby est un sport de voyou joué par des gentlemen ». Ce à quoi on rajoute souvent « Et le football est un sport de gentleman joué par des voyous » ; ou « Putain c’est beau la poésie, passe moi une bière » Cette devise est intéressante, mais je me pose cette question : le rugbyman est-il vraiment un gentleman ? Car même si j’ai été élevé dans le culte de Blanco et de Fouroux, je me dois en tant que sociologue-philosophe-coupeur-de-citron, de voir les choses telles qu’elles le sont vraiment. J’ai donc effectué de nombreuses recherches,auprès des plus grands spécialistes (David Beckham et Ovale Masqué). J’ai écumé tous mes cours de sociologie aussi inutiles que le cahier de jeu de Liévremont, pour finalement me concentrer sur la plus sûre source d’informations existante ; non pas Wikipédia, (capable de trouver des choses à dire sur Jean-Baptiste Gobelet), mais moi-même. D’après mon intelligence, voici l’idée que je me faisais du gentleman rugbyman. Un gentleman rugbyman est quelqu’un qui préfère faire la passe plutôt que de marquer l’essai seul. Dès ce premier postulat, je ne me considère donc déjà plus tel quel. Et Shane William non plus, préférant croquer des 10 contre 1 pour son record personnel… et se faire découper. Le gentleman rugbyman applaudit les beaux essais adverses. Il est inutile de préciser que les essais que l’on marque sont toujours les plus beaux. Soit parce qu’ils sont plus collectifs, soit parce que c’est les nôtres. Et c’est rageant d’applaudir les australiens 8 fois dans un match. Les supporters de Bourgoin en ont eu mal aux mains. Le rugbyman gentleman fait refaire l’engagement adverse, quand Damien Traille fait un renvoi qui ne fait pas dix mètres, ou quand Guirado fait un lancer pas droit. Sage décision n’est-il pas ? Le rugbyman gentleman ne se moque pas de David Marty. Adam Ashley Cooper, Maa’nonu, Brian O’Driscoll, Maxime Mermoz et toute la boucherie ovalie ne sont pas des gentlemen. Le gentleman rugbyman amène son savon dans le vestiaire, et se le fait vider, comme chaque semaine, par toute l’équipe. Dimitri Yachvili amène toujours son Pétrole Hahn. Est-il un gentleman pour autant ? Le gentleman est quelqu’un qui coupe les oranges à la mi-temps pour ses coéquipiers sur le terrain. Benoit Baby a donc longtemps été un gentleman. Mais maintenant il a décidé de partir à Biarritz, où Jean-Baptiste Gobelet fait ça mieux que lui. Le gentleman est celui qui va chercher les plots à la fin de l’entrainement. Celui qui va chercher les plots est plus généralement (en tout cas dans les clubs que j’ai fréquentés), soit le fils de l’entraineur, soit le 23ème sur la feuille de match, qui compte sur la moindre tâche pour se faire remarquer par l’entraineur. Le gentleman fait véritablement des pompes même quand l’entraineur a le dos tourné. Là, à part Dusautoir et Barcella, je ne connais pas beaucoup de Gentleman, surtout parmi les premières lignes ! Hélas ! Oui, vous comprenez donc bien ! C’est affreux mais c’est ainsi! Ce vieil adage ne collerait donc pas à la réalité ! Le rugbyman n’est pas un gentleman, car aucun d’entre nous ne saurait correspondre à tous ces descriptifs ! Triste mais résigné, je suis parti vendre cette nouvelle cause auprès des bars alentour, et c’est là que j’ai rencontré Gégé. Gégé, vieux deuxième ligne, vétéran de la guerre de Prusse, ancien combattant ayant survécu à la grande bataille Béziers-La voulte en 1958, où pas moins de 75 personnes avaient perdu leurs protège-dents. La tribune entière était descendue sur la pelouse, et l’équipe entière de La-Voulte était monté, elle, dans les gradins. « Ils ont osé dire qu’on était que des brutasses ! Fallait pas se laisser faire ! » qu’il dit, le Gégé. Gégé est lui aussi, comme moi, un grand sociologue. Il a écrit une thèse sur l’impact de la culture de la patate dans les rencontres inter-clochers. Je lui ai donc parlé de ce qu’est un vrai gentleman, pour moi, et de ma tristesse d’avoir découvert que le rugbyman n’en est pas un. Cette phrases de mon père surtout me restait en travers de la gorge: « Tu seras un gentleman rugbyman, ou un gros pd de footballeur. A toi de choisir » Heureusement, Gégé est un grand sociologue, qui comprend bien mieux les choses : « T’es con », m’a tout de suite répondu poétiquement Gégé après mon exposé. « Un gentleman, c’est pas ça du tout, pute borgne ! Et j’vais t’le dire, ce que c’est un gentleman rugbyman ! Le gentleman rugbyman n’aime pas les anglais. Sauf ceux qui jouent dans son club. Il ne déclenche une générale que lorsque l’arbitre a le dos tourné. Il n’insulte qu’un seul joueur à la fois. Et il invente des insultes à chaque match ! Il ne frappe jamais les joueurs sans dents et il ne met jamais plus d’un doigt dans l’œil de l’adversaire. Le gentleman prétend que l’arbitre siffle toujours que les fautes des autres et croit toujours qu’il a été volé. Il frappe la joue gauche quand il a frappé la joue droite. Il ne frappe jamais ses coéquipiers, sauf quand ceux-ci sont anglais. Le gentleman ne se souvient que de ses actions de match. Le gentleman pilier n’a donc aucuns souvenirs de match autre que les bagarres générales. Le gentleman reste toujours sur le terrain malgré l’arcade explosée, surtout s’il y a des filles en tribune. Le gentleman laisse toujours doucement couler le sang sur son visage, et fait toujours semblant de ne pas le remarquer et de ne pas avoir mal. Le gentleman rugbyman veut toujours qu’on lui couse le plus de points de suture possible à l’hôpital, et prétend toujours qu’il n’a pas voulu d’anesthésie. Le gentleman n’avoue jamais qu’il a eu un KO. Voila mon petit ce qu’est un gentleman ! » Ouf. Me voila rassuré. C’était donc ça. Je revois donc avec émerveillement tous ces gentlemen qui ont bercé mon enfance. Joe le tibia, Riton le carton, La Brique, Momo la fracture… Erigeant bien entendu les propos de Gégé en sagesse universelle qu’on ne peut contredire, je peux dire avec confiance, que le rugbyman est bien un gentleman, et que Jamie Cudmore est le plus grand d’entre eux, au contraire de Johnny Wilkinson, qui est décidemment une personne bien peu respectable… La prochaine, je vous ferai part de ma nouvelle interrogation : le rugbyman est-il un bon patriote ? Brieg Ker’Driscoll