France — Tonga : L’analyse
par Le Stagiaire

  • 19 November 2013
  • 20

 

Par Le Stagiaire

 

Le Contexte

Pour le deuxième match de sa tournée, le XV de France affrontait samedi les Tonga. Entre le match contre les Blacks la semaine dernière et celui contre les Bocks dans une semaine, il faut admettre que cette deuxième rencontre revêtait un intérêt assez limité. Sauf si vous êtes un grand amateur de free-fight ou que vous travaillez dans l’hôpital de la ville du match bien sûr.

D’ailleurs, la fédération misait tellement sur cette affiche qu’elle a décidé de l’organiser au Havre. Officiellement, c’est un moyen de promouvoir le rugby autre part qu’à Saint-Denis ou à Toulouse (vous savez, la ville qui a inventé le rugby à la fin du 19ème siècle sur une idée de Jean Bouilhou). Bon, en réalité, on sait tous que c’est encore probablement une manipulation de Serge Blanco visant à dégoûter la région en question de se mettre à ce sport et ainsi limiter les risques de voir des clubs venir concurrencer le Biarritz Olympique en Top 26 dans quelques années.

Les Bleus ne seront pas dépaysés pour autant puisque le stade est loin d’être plein, contrairement à Mike Phillips qui fête à la même heure la victoire du Pays de Galles contre l’Argentine quelques instants plus tôt. A noter que pour ce déplacement périlleux, c’est bien évidemment le Grand Reporter ® Mathieu Lartot et son comparse Fabien Galthié (la seule personne en France cumulant plus d’emplois qu’un homme politique) qui sont du voyage pour couvrir l’événement.

 

Les équipes :

Les îles Tonga sont un peu les Italiens de l’hémisphère sud. On sait qu’on devrait leur mettre une branlée sans trop forcer mais on peut pas s’empêcher de se méfier et de «les respecter». Car, comme les Italiens, les Tongiens ont pris l’habitude de nous battre une fois de temps en temps, juste pour le plaisir d’aller lire les commentaires sur Rugbyrama ensuite (et accessoirement de nous permettre d’aller en finale de la Coupe du Monde). Le mot d’ordre est donc à la méfiance, bien qu’en réalité les Français aient plus à craindre d’eux-mêmes que de leur adversaire. Enfin, je dis ça pour le score, car il faut bien reconnaître que les Tongiens restent avant tout des gros barjots, susceptibles de vous couper en deux sur chaque plaquage puis de prendre un air sincèrement étonné quand ils voient le carton jaune levé par l’arbitre juste après. Chaque offensive française peut donc aboutir à un drame : le potentiel début de carrière d’un nouveau Grand Corps Malade.

Côté français, on a donc choisi de faire légèrement tourner l’effectif afin de donner à la fois du temps de jeu à certains espoirs (Guitoune, Fickou, Vahaamahina, Michalak) tout en reposant des joueurs usés par le début de saison (Lauret, Fritz, Huget, Papé, Lakafia).

En face, les Tonga alignent leur meilleure formation, après une défaite en Roumanie avec une équipe franchement remaniée.

 

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Le Match :

Les joueurs français rentrent bien dans leur match et mettent immédiatement la main sur le ballon. Après une belle relance de Dulin, les Bleus enchaînent et finissent par obtenir une pénalité. Sous le regard étonné de leurs adversaires, Dusautoir et Vahaamina vont se placer dans l’en-but tongien et tiennent les poteaux.

«Je préfère taper quand ils sont tenus, c’est une question d’habitude» expliquera Morgan Parra à M. Jackson, l’arbitre du match. Et en effet, cette nouvelle technique est efficace puisque la pénalité passe entre les perches.

Sur l’action suivante, les Bleus repartent à l’attaque. Après une touche et un point de fixation, Talès adresse une passe au pied millimétrée à Guitoune qui aplatit sur l’aile opposée. L’arbitre demande la vidéo pour vérifier que ce dernier n’était pas parti avant le coup de pied. Un coup d’équerre plus loin, la conclusion est évidente, Guitoune et Talès étaient bien sur une ligne parallèle à l’en-but au moment du coup de pied, l’essai est donc valable. Parra rate la transformation, on en reste à 8-0.

Peu à peu, les Tongiens rentrent dans leur match, comme en témoigne cette charge qui laissera Ouedraogo sur le carreau. L’occasion d’entendre Fabien Galthié répéter plusieurs fois à quel point cette nouvelle était inquiétante pour le joueur, pour l’équipe de France et, bien sûr, pour son club. Nul besoin d’avoir les images pour imaginer la tête de Galthié à ce moment-là. Déjà rarement d’humeur folichonne, Droopy est au bord du suicide. En même temps, on peut le comprendre : devoir commenter un match de l’équipe de France contre les Tonga au Havre avec Mathieu Lartot alors que tu pourrais être en vacances à Honk Kong sous couvert d’un match amical, c’est déjà pas bien enthousiasmant. Mais quand en plus ton meilleur joueur, que tu viens de prolonger moyennant une augmentation sûrement salée, se pète devant tes yeux, il y a moyen de commencer à regretter de s’être levé le matin.

Les Bleus, moins à l’aise qu’en début de match, se rassurent grâce à leur mêlée. On peut ainsi voir Nicolas Mas plier son (ancien) coéquipier à l’USAP Thomas Lolo et obtenir une nouvelle pénalité, transformée par Parra. Les Tout-Rouge ne désespèrent pas pour autant et monopolisent le ballon. Souvent à la faute, ils encaissent cependant une nouvelle pénalité et sont menés 14-0. Leurs efforts vont finir par payer puisque les Français commencent à souffrir en défense et encaissent deux pénalités en fin de première mi-temps. Certains diront qu’elles sont le résultat d’une usure physique et du rythme imposé par les Tongiens, d’autres oseront peut-être soumettre l’idée que les Bleus ont tout simplement levé le pied, rassurés par leur confortable avance.

Le match est engagé et tout ça finit inévitablement par un début de bagarre. Moa, probablement vexé par la perfection capillaire de Szarzewski, lui assène un coup de coude à peu près aussi discret que sa teinture. L’arbitre assistant ne va pas se priver pour cafter et le demi de mêlée tongien écopera d’un carton jaune. La sanction est double, puisque Chouly qui, contrairement à la semaine dernière a renoncé à l’idée de jouer à la Tomate sur les mêlée, va aplatir derrière la ligne. C’est transformé et les Bleus mènent 21 à 6 à la pause.

 

Une action, deux fractures : l’épaule de Fulgence, l’amour propre de Yannick

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On t’a reconnue Véronique Genest !

 

Dès le début de la seconde période, les équipes renouent avec les Valeurs® et Thomas Lolo, au détour d’un regroupement, décide d’envoyer une petite mandale à Maestri. Un choix d’adversaire curieux, voire un brin suicidaire, mais puisqu’il joue à l’USAP la mort doit lui paraître un choix de carrière plutôt prometteur à l’heure actuelle. Maestri ne se fait pas prier pour répliquer et mouline tout ce qu’il peut, surtout dans le vide d’ailleurs, au point de créer un courant d’air qui aurait suffi à faire trébucher Jérôme Porical. On notera que Forestier se garde bien de l’aider, probablement par peur d’abîmer ses mitaines. L’arbitre demande la vidéo, et après consultation de son arbitre assistant (toujours lui), décide d’expulser les deux joueurs. Maestri sort du terrain avec les larmes aux yeux, visiblement très affecté par la sanction. En même temps on peut le comprendre, il aurait pu passer son week-end prochain à jouer contre les Springbocks et il va finalement se retrouver en tribune à Ernest Wallon pour voir la réserve de Toulouse gagner 12-9 contre Oyonnax. Personnellement, la chose qui m’a donné envie de pleurer, c’est de voir cette bagarre éclater sans Papé ni Fritz sur le terrain. D’ailleurs, si Taumalolo n’est pas contre l’idée de mourir, on peut en conclure qu’il a choisi un match et un moment où il pouvait tout de même s’éviter quelques souffrances.

Après une pénalité ratée de Apikatoa et une vague de changements, ce sont à nouveau les Français qui franchissent la ligne d’en-but adverse. Après une touche bien négociée (n’y voyez pas un lien avec la sortie du Tsar bien sûr) et une attaque en première main, Guy Toune vient bien s’intercaler dans la ligne et passe dans le bon timing pour Dulin qui aplatit. Deuxième essai et l’ailier perpignanais est à nouveau décisif. Le FN perd 3 points dans les sondages. François Hollande aussi mais ça n’a aucun lien avec le match, c’est juste son rythme constant depuis quelques semaines.

 A chaque fois qu’un rugbyman français pleure, le ballon ovale gagne du terrain sur le football. 

 

L’abnégation tongienne finira par payer un peu plus tard puisque Vainikolo marquera à son tour et permettra aux Îliens de revenir à 28 à 11. Les Français sont de plus en plus timides et, comme en première période, subissent de plus en plus. Ils gardent la maîtrise malgré tout et l’indiscipline tongienne permet même à Parra de creuser l’écart. C’est le moment que choisira Ouin-Ouin pour faire rentrer Michalak, Bastareaud ou encore Pélissié. Le premier porte une moustache qui rappelle tellement les films pornos des années 80 que France 2 manquera de passer en crypté pour la fin du match. Il se mettra cependant en évidence avec une belle passe volleyée puis une transformation sur l’essai inscrit par Kayser peu après sa rentrée. Un essai qu’on pourrait vous décrire, si seulement on avait vu autre chose qu’un tas de joueurs qui s’écroule dans l’en-but après une pénaltouche. Un essai bien moche donc, mais qui reste aussi l’occasion d’avoir une petite pensée pour Vincent Clerc et Yves Donguy. Les Tongiens marqueront à leur tour sur la sirène, à nouveau par l’intermédiaire de Vainikolo, cependant à une Bonneval d’avoir le pied en touche.

 

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Personne n’avait flirté avec la ligne comme ça depuis Pieter De Villiers. 

Le match se termine donc sur ce score de 38-18, plutôt flatteur pour des Français limités et souvent sur le reculoir en défense. Toujours solides en mêlée et plutôt fébriles en touche, les Bleus peuvent s’attendre à un match très difficile la semaine prochaine face aux successeurs de Matt Damon.

 

Les Joueurs :

Très bon début de Guitoune en Bleu, appliqué et volontaire. Bon match de Dulin également, à nouveau décisif. En même temps c’est plus facile quand les joueurs adverses te prennent pour un ramasseur de balle.

La paire de centres a été prometteuse et plus complémentaire qu’on ne veut nous le faire croire (oui, il faut pas forcément un petit rapide et un gros bourrin pour faire une paire de centres). Par contre, dans ce cas, il semblerait plus logique de faire jouer Fickou en premier centre et Fofana en deuxième. Mais les voies de Patrice Lagisquet sont impénétrables.

On notera aussi la plutôt bonne rentrée de Frédéric Michalak, le Monsieur Malaussène des supporters du XV de France et les beaux air-plaquages de la première ligne française. Mention à Forestier qui s’est fait Poricaliser par un trois-quarts deux fois de suite. La honte pour un pilier. Manquerait plus qu’il lise des livres.