Le XV de Halloween
par Marcel Caumixe

  • 31 October 2012
  • 22

Par Marcel Caumixe

C‘est de saison, les gosses se déguisent pour aller saouler les voisins en leur lançant une phrase aussi péniblement traduite de l’américain que passablement vide de sens, afin de leur soutirer de vieux bonbecs moisis, parce que, tu comprends, c’est pas l’Amérique ici, et je vais pas acheter une boite exprès pour une bande de ptits cons lobotomisés par la télé qui veulent jouer “La fête à la maison” au beau milieu du Tarn, bordel de merde.

Oui, c’est donc Halloween. La nuit où des trucs qui font peur sortent de l’ombre et terrorisent la population. Et à la veille d’une journée de championnat opportunément avancée au 1er novembre, le Rugby n’est pas en reste : Le XV des monstres sort du vestiaire, et croyez-moi, c’est pas pour demander des caramels, mais pour en donner.

1 – Le Zombie

Armand Vaquerin est détenteur avec le Grand Béziers de l’incroyable record de 10 titres. Il est aussi resté dans les mémoires comme un des piliers les plus sanguinaires de notre pays. Lui que les anglo-saxons reconnaissent comme l’un des plus gros psychopathes qui aient jamais foulé une pelouse, eut une fin à l’image de sa légende en redécorant son bar avec sa cervelle. Ayant fait la preuve que le championnat est largement plus facile à gagner qu’une partie de roulette russe, même si on a moins l’occasion d’y toucher une balle, Vaquerin sera enterré en même temps qu’une certaine idée du rugby qui fait flipper et que le palmarès de son club. La ville devint alors un havre de paix et de santé mentale, une cité riante où le bonheur et la joie de vivre illuminaient la vie des honnêtes citoyens qui, à l’instar d’Alain Estève, purent enfin s’adonner tranquillement à leurs travaux communautaires. Mais c’était sans compter sur la pulsion maléfique du pilier maudit qui ranime son cadavre, et le fait errer chaque année pour Halloween à la recherche de cerveaux à dévorer sur les allées Paul Riquet.

2 – Oncle Fester

Détenteur du record d’essais internationaux pour un talonneur (15), Keith Wood a souvent été à dame. Son aspect physique lui vaut la comparaison avec le très étrange Oncle Fester de la famille du même nom. Hyperactif, très mobile, électrique sur un terrain, on se persuaderait pour un peu qu’il pourrait allumer les ampoules en se les vissant dans les orifices. De l’Oncle Fester, on retient cependant plus le côté haut en couleurs, bonhomme, voire franchement marrant que les aspects bizarres de sa personnalité, et on a du mal à le trouver effrayant. Malgré cela, avec une tête comme ça, il doit faire le plein le soir du 31.

3 – Le Gurthroll

Rapatrié à grands frais d’Afrique du Sud dans un cargo affrété spécialement et dont aucun des membres de l’équipage n’a été retrouvé vivant, le Gurtroll fait désormais les beaux jours de la première ligne de Toulouse. Dans sa spacieuse cage de tungstène des environs de Plaisance du Touch, il s’acclimate fort bien à la Haute-Garonne, en compagnie de son congénère le Bothroll. Leur passe-temps favori, en dehors de ronger leurs barreaux, massacrer des vétérinaires, s’enfuir, semer la destruction et échapper aux tanks à seringue hypodermique, est de préparer de bons petits barbecues garnis de demi-boeufs, cuisses de zèbre, ou tout autre viande rouge qui passe à leur portée lors des visites de groupes scolaires.

4 – La Créature de Frankenstein

Ses origines australiennes en attestent : la créature de Frankenstein est un assemblage d’anciens bagnards, criminels et réprouvés britanniques ramené à la vie par un scientifique à l’esprit tordu. Vicieux, violent et vindicatif, l’homme fort du XV de la rose vainqueur de la coupe du monde de 2003 aura révélé sa véritable nature : solitaire, désespéré et rejeté de tous lors de la seconde partie de sa carrière quand, à la tête de l’équipe d’Angleterre, il alla de fiasco en fiasco. Il serait actuellement en train d’errer au Pôle Nord à la recherche de son créateur pour lui demander de bien vouloir lui greffer le cerveau de Clive Woodward.

5 – Erik-Le-Rouge

Erik le Rouge, surnommé ainsi à cause de sa barbe rousse, de sa tendance très nordique à prendre facilement des coups de soleil, et de son manteau maculé du sang de ceux qui lui faisaient remarquer ladite tendance, fut le véritable découvreur de l’Amérique où il installa un campement au 10ème siècle de notre ère. Devenu par la suite chef suprême du Groenland, il s’aperçut un beau jour qu’on se les pelait vraiment sévère dans le coin, et que c’était bien dommage d’avoir de si jolis bateaux pour rester dans un bled aussi merdique. Aussi, flanqué de son frère Magnus, il navigua vers le sud et toucha terre dans une riche bourgade du Pays Basque pour y semer la terreur et boire du cidre dans les crânes de ses ennemis bayonnais sur l’air de la Pitchouli.

6 – L’Homme-Citrouille

Au Pays Basque, le 31 Octobre, on se remémore avec terreur l’histoire de ce jeune enfant du pays que les Dieux du Rugby avaient gratifié des dons les meilleurs. Combatif, rapide, mobile, habile, puissant, l’avenir le plus radieux lui était promis. Malheureusement, un vieil homme acariâtre que l’on avait oublié d’inviter au baptême surgit et proféra la malédiction qui devait s’abattre sur lui le restant de sa vie : le jeune homme se traînerait toute sa vie un melon titanesque, du type premier prix au concours international des cucurbitacées, du genre qui fait la une de Sud Ouest quand personne n’est mort le week-end. Au fur et à mesure que le jeune homme grandissait, le melon grossissait, prenant peu à peu la forme d’une citrouille, jusqu’à ce que, comme l’écrivit un poète local, sa tête de géant l’empêche de marcher. C’est pour se souvenir de cette malédiction que le 31 Octobre, le Pays Basque célèbre Harinordoween.

7 – Le Barbare

Vendu par ses parents roubaisiens afin d’acheter quelques endives pour subsister, le jeune Gunther passa sa jeunesse dans les impitoyables caravanes de marchands d’esclaves, où seul le plus fort survit. Jusqu’au jour où il fut acheté par un riche marchand d’une contrée lointaine du Sud. Il ne fallut pas longtemps pour qu’il fasse le bonheur de son nouveau maître, broyant des os, tranchant des artères, éviscérant joyeusement, se ruant dans la mêlée, terrorisant ses adversaires au delà de la folie. Des légendes plus terrifiantes les unes que les autres se à répandirent à son sujet, à tel point que les gens de toutes les contrées se mirent à faire un double signe de croix étrange à leur simple évocation : les #GuntherFacts étaient nés.

8 – L’Homme des Cavernes

Taillé pour la chasse, expert en désossage, l’Homme des Cavernes fut en son temps au sommet de la chaîne alimentaire. Il était violent, implacable, avec un goût prononcé pour le sang. L’instinct de survie et de conquête de l’homme des cavernes faisait de lui un adversaire redoutable dans les guerres tribales qui l’opposaient au clan des Tout-Noirs. Mais la préhistoire c’est fini, et ne reste de l’homme des cavernes qu’un vieux fossile enterré dans une grotte de ProD2.

9 – Ça

Cet être sanguinaire prend la forme d’un clown pour approcher ses proies, avant de leur crever sauvagement les yeux, de lever sauvagement les bras derrière une mêlée écroulée, ou de taper sauvagement une pénalité. Seul un groupe de valeureux officiers disciplinaires réuni sous le nom du Club des Ratés a réussi à affronter le monstre et à le bannir aux confins de l’univers pendant 23 semaines.

10 – Le Vampire

Ébloui par la lumière du jour au point de rater les coups de pied les plus faciles, blafard alors qu’il vit dans une région où il fait beau 300 jours par an, arborant des cernes dont même les pandas sont jaloux, il est évident que Lionel Beauxis est un vampire. Plutôt le vampire du genre à traîner mollement sa dégaine porphyrique comme Nosferatu qu’un vampire supersonique à la True Blood d’ailleurs. Une sorte de Goule. Qui sortirait à la pleine lune. Qui a dit “Moon Goule” ? Qu’importe. Dans le XV d’Halloween il y a la place pour celui qui pèse sur le jeu comme un troupeau de sangsues sur un mouton, qui en aspire patiemment l’essence vitale au point de n’en laisser qu’une carcasse exsangue à la fin de la saison.

11 – Le Loup-Garou

Non, ce n’est pas facile tous les jours d’être un sportif de haut niveau atteint de Lycanthropie : impossible de se soumettre aux contrôles anti-dopage les jours de pleine lune, et en plus de ça il faut subir les regards réprobateurs de ses coéquipiers et du concierge : l’arrivée de Yoann Huget au Stade Toulousain a en effet coïncidé avec le triplement de la ligne budgétaire “Destop” du club. Avec un tel fardeau, comment avoir la tête à marquer des essais ? Sauvons Yoann, redonnons-lui goût à la vie dans une équipe où il pourra accepter la créature sanguinaire qui est au fond de lui.

12 – La Momie

Après 66 ans au plus haut niveau, on accumule les blessures. Et quand on accumule les blessures, on accumule les bandages. A tel point que plus rien ne dépasse des bandelettes de Yannick Jauzion que sa tignasse rebelle. Relique poussiéreuse d’une époque de gloire (révolue ?), on fait prendre l’air à la Momie une fois de temps en temps pour qu’elle titube péniblement au gré d’un match, bras en avant, grognant comme un vieux chien asthmatique. Son caractère persévérant fait un peu flipper, mais un bon gros raffut suffit généralement à la démantibuler et mettre temporairement un terme à son besoin de vous dévorer le cerveau.

13 – Candyman

Une très ancienne légende Maori raconte que si on répète 5 fois le mot “Candyman” devant une table de nuit dans une chambre d’hôtel, Candyman apparaît, s’ouvre la pommette, et disparaît pour toujours de l’équipe de France. Candyman, c’est ce black balèze qui semble avoir bouffé trop de bonbons et qui ne peut faire la moindre passe à cause du crochet qui lui sert de main droite. Rien dans cette légende urbaine n’explique pourtant l’aspect le plus horrible de ce monstre : sa propension à arborer des coupes de cheveux plus terrifiantes les unes que les autres.

14 – L’Homme Invisible

Qui est-il ? Nul ne le sait, mais toujours est-il que quand il est sur le terrain, son équipe semble évoluer à 14. On raconte que c’était un des plus grands ailiers au monde, formidable d’agilité, auteur d’un nombre d’essais incroyable quand il a été recruté à grands frais en Nouvelle Zélande par un opticien. Par malheur, une glissade accidentelle dans une cuve contenant un prototype révolutionnaire de nettoyant pour lunettes l’a rendu complètement transparent.

15 – Le Fantôme

La présence évanescente de Jérôme Porical est difficile à déceler dans un match. Certains racontent avoir traversé un ectoplasme juste avant de marquer un essai. D’autres parlent de chandelles qui s’éteignent dans un souffle. Pourtant, nombreux sont encore ceux qui croient à son existence. Et malgré le manque de preuve évident, ils sont prêts à dépenser une fortune pour ne serait-ce qu’espérer le rencontrer. On raconte qu’après avoir habité les couloirs sombres d’Aimé-Giral, il hante désormais un stade abandonné du sud de Paris. Livré au seul vent, le Stade Charlety semble être un lieu propice à la tranquillité que recherche le fantôme.