Jaunards et Coujous, la réponse clermontoise
par Pastigo

  • 10 May 2012
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Par Pastigo, supporter clermontois qui a visiblement beaucoup apprécié le texte “Coujous et Jaunards” paru hier, et qui nous a déclaré « Cet article, chaque mot, chaque virgule, sont entièrement dédiés à Man’S ».


Ce week-end aura lieu, comme bien des fois depuis des décennies, le traditionnel derby opposant deux équipes que peu de choses opposent en réalité : l’ASM et le CA Brive. Déjà convoité et coché dans le Télépoche de tous ceux qui attendent depuis 44 rediffusions un épisode de la Petite Maison dans la Prairie qui finirait mal, ce match visiblement couru d’avance aura une saveur bien particulière. Faisons trêve du passé dont tout ceux qui sont nés après Pierre Salviac se barbouillent les rouleaux, et admettons qu’il n’y a plus vraiment de raison de penser que ces derbys sortent du lot, tant ces deux équipes n’ont plus grand chose à se disputer. L’une joue les phases finales tous les ans, l’autre est relégable depuis l’avènement de la tv couleur. L’une porte un beau maillot que personne ne regarde, l’autre impose à tous un hommage vibrant à l’épilepsie. L’une fait naître de magnifiques stars adulées, l’autre fait comme elle peut avec des joueurs dont on ne peut même pas dire qu’ils sont moches puisqu’on ne les connaît pas.

Le « choc » de ce weekend, expression prisée des commerciaux de Canal+ pour présenter au choix un produit sans surprise ou promis à un spectacle qui n’en a que le nom, justifie tout son poids par l’issue aussi dramatique qu’attendue à laquelle est promise cette pauvre équipe de Brive. C’est quand même un peu couillon de descendre en ProD2 l’an prochain alors que c’est la seule saison qu’ils ne passent pas entièrement en position de relégable, à croire que la médiocrité de leurs années passées était une sorte de talisman coujou, mais c’est ainsi.
Alors évidemment, la branlée habituelle se dessine inéluctablement, ça va tourner les serviettes à Michelin pendant 80 minutes et le stade va profiter de son match de gala semestriel. Après Aironi, Brive est sans doute le visiteur le plus apprécié de ceux qui aiment voir des jaunards qui ne jouent jamais passer pour des stars All Blacks.

Sauf que ce n’est pas si simple, et Vern le sait. Il a bien réfléchi, et c’est désormais évident : Brive doit gagner !

Au diable l’invincibilité à domicile, l’enjeu est trop important. Tout d’abord, nous avons fait l’erreur de piner Bourgoin, jusque là principal vivier pour piller du bon joueur à pas cher et pourtant nécessaire pour pouvoir monter 5 équipes-types sans trop de frais. Il ne reste que Brive ou presque pour accaparer de temps en temps les trop rares anonymes Brivistes qui valent le coup de sortir 40 francs (les transferts Brive-Clermont n’ont jamais passé l’Euro, c’est une tradition locale). L’ASM ne peut décemment pas taper régulièrement dans le stock d’Aurillac, y a quand même un minimum de standing à respecter quand on passe tous les week-ends à la télévision.
De plus, Brive c’est pas loin et ça fait 5 points. On ne trouve guère plus rentable. Là où l’ami Guy hurle après les doublons, Vern insiste depuis des années pour que les matchs contre Brive aient lieu le même jour que les rencontres de H-Cup, ce qui permet aux jeunes du centre de formation de goûter aux joies de la branlée du haut niveau. Ainsi croient ils qu’en équipe 1 c’est comme ça tous les samedis, et les voilà redoublant d’efforts à l’entraînement plutôt que de se planter en 106 Kid en sortant de la B-Box torchés à la vodka redbull.

ASM-Brive, les 15 premières minutes c’est marrant mais à 30 à 0 on se lasse quelque peu. Malgré le fait qu’il s’agisse sportivement du match le plus inintéressant de l’année, le stade Michelin est toujours plein pour ce rendez-vous, en voilà une bien belle recette. Très franchement, si ASM-Grenoble est à guichets fermés l’an prochain, je ne pourrai qu’en déduire que les supporters jaunards sont en fait des sans abris qui vivent sur place. Brive qui part, c’est un joueur îlien qui ne vient pas.

Et enfin, place à l’affectif. Un Brive, on en a tous un à coté de chez nous. Ce petit gamin pas trop fini qui sait rien faire de ses dix doigts, mais qu’on prend en affection parce que ça nous évite d’avoir à donner pour le Téléthon. Il mériterait des claques à ne toujours pas savoir faire ses lacets à 14 ans et à se vautrer la tronche contre le crépi du portail quand il veut niquer le chat, mais que voulez vous on s’y attache, c’est pas de sa faute et il mérite une chance.

Pour toutes ces raisons et probablement bien d’autres plus ou moins glorieuses, notamment celle de voir Bayonne descendre, il est nécessaire de simuler une défaite. Mais ce n’est pas si simple, car Castres doit battre Bayonne ce qui ne semble quand même pas bien compliqué, mais surtout toute puissante qu’elle est, l’ASM ne dispose pas de l’immunité d’un Biarritz-Bayonne et ne peut pas simplement se permettre d’offrir ce match à son voisin, avec le bonus qui plus est.
Le plan de Vern est bien huilé, je vais vous en faire part. Ensuite en exclusivité j’utiliserai les super-pouvoirs que j’ai appris à maîtriser à Vulcania pour faire un bond dans le temps et vous offrir le film du match. Vous allez voir, cet article est bourré d’effets spéciaux.

La stratégie de Vern va s’articuler autour de deux principes fondamentaux. Le premier consiste à marquer vite et fort, afin de faire croire qu’il s’agit bien du classique derby branlesque. Le second est dans la continuité de la farce de la semaine précédente puisque Vern alignera des joueurs dont on ignorait jusque là qu’ils faisaient encore partie du club en les faisant jouer à des postes particulièrement inattendus. Radoslavchvili jouera donc talonneur, Domingo pour son retour sera à l’ouverture, Williams n’importe où puisque de toute façon personne ne se rappelle de son poste initial, Cudmore sera demi de mếlée. Il faut au moins ça puisque malgré ses efforts, Vern a bien failli voir revenir son équipe taupe avec 4 points du déplacement à Castres.
Par souci de clarté, nous appellerons les joueurs brivistes Machin, Bidule, Truc, et Jean-Michel. Parce que je ne connais pas plus leurs noms que vous et que cela nous évitera de nous perdre en confusions.

 

Le film du match :
Domingo donne le coup d’envoi d’un coup de tibia direct en touche. Malheureusement le lancé briviste trouve directement la touche opposée. Vern rappelle le plan d’un clin d’oeil à ses hommes. « Marquez vite et bien, et ensuite on passe à la phase B »

2′ : essai de 80m d’un Crabos asthmatique
3′ : essai en puissance d’un joueur du Clermont Foot.
4′ : essai « ah moi, ah moi, ah moi ! » de Williams

Domingo ratera toutes les pénalités, mais deux de ses coups de pied attendront au visage et au bassin deux remplaçants brivistes. Fichtre, la gigne.

A partir de là, et le bonus offensif faussement en poche, la phase B peut démarrer.
La mêlée clermontoise simule une poussée introduction Cudmore, mais celle de Brive dégueule la balle d’une façon jamais vu. L’arbitre coupe l’action, consulte le règlement, tergiverse, et se voit obligé de siffler le premier « en-avant de mêlée » de l’histoire. Pénalité pour Domingo qui la frappe avec le genou, la balle heurte la tempe de Machin et passe entre les perches. 18-0, Machin est transféré au centre de secours et ne reviendra jamais.
Sur l’action suivante, Cudmore tape un coup de pied par dessus personne afin de rendre le ballon aux Coujous. Bidule tape au pied afin de trouver une touche. L’arbitre consulte le règlement, tergiverse, et accordera la première talonnade à 3 points de l’histoire. Brock James en tribune applaudit le geste, ça fait 21-0.
Après le renvoi briviste en touche dans son propre camp, 3 joueurs clermontois décident de se mettre hors-jeu dans l’en-but des noirs et blancs afin de ne pas gêner leur manœuvre. Jean-Michel balance une roquette à Bidule qui lui transperce le torax et finit dans les bras de Sivivatu dans l’en-but, qui s’écroule devant cette vision gore au possible. L’arbitre consulte le règlement, tergiverse, et accorde le premier essai en-avant par retro hors-jeu de l’histoire. Ça fait 26-0.

La mi-temps est sifflée, les choses se présentent mal. Avant le coup d’envoi briviste qui aurait probablement fini en ballon mort, Cudmore se met à courir en direction d’un arrière coujou et lui balance une gigantesque tartine dans sa mouille. Carton rouge et très bon coup de Cudmore qui sort avant le début de la seconde période, l’ASM joue donc sans demi de mếlée.
L’ASM rend tous les ballons à son adversaire, mais n’arrive pas à reculer puisqu’à chaque réception les Brivistes commettent un en-avant. Pire, les voilà bien malgré eux dans les 22m adverses. Sivivatu choppe un Briviste, lui colle le ballon dans les bras, et décide de le porter jusque derrière la ligne jaune et bleue. Pris d’une formidable crise d’angoisse, il sera impossible de faire tendre le bras à Truc pour qu’il aplatisse le ballon. Sivivatu se résigne à balancer celui-ci derrière les panneaux publicitaires et propose d’essayer avec un autre, sans succès puisqu’il aura avalé sa langue et le ballon sur cette dernière tentative.
Il faut se faire une raison, ni les drops ni les essais ne seront possibles. Restent les pénalités à 10m devant les poteaux. L’ASM recule dans ses 22, et attend que les Brivistes marchent vers eux en priant pour qu’ils ne commettent pas d’en-avant. Une fois à bonne distance, un Clermontois s’approche et balance une énorme mandale au porteur de balle. A chaque série de chicorée, un joueur clermontois sort sur carton rouge et un joueur briviste sort sur civière. Cependant c’est autant de pénalités face aux poteaux offertes à Jean-Michel, qu’il passera toutes. Malheureusement le score s’arrêtera à 26-24, tous les joueurs du CAB ayant été consommés dans les tartines à répétition.

L’émotion est grande. Malgré les efforts des deux protagonistes pour sauver Brive, celle-ci ne peut échapper à son destin funeste. L’équipe jouera donc en ProD2 la saison prochaine, puis en Fédérale 1 suite à une branlée à peu près identique infligée par Aurillac, puis en Fédérale 2,…
Qu’on ne s’y trompe pas, c’est une page qui se tourne. Celle des joviales rigolades en Top14 de tous ceux qui préparaient leur match du weekend contre Brive, celle où même le dernier était assuré de finir la saison avec au moins 10 points. Plus jamais le Top14 ne sera heureux, car pour toujours l’un de ses plus beaux clowns tristes s’en est allé dans les limbes consanguines du rugby amateur. Chapeau l’artiste, nous ne t’oublierons jamais.