Coujous et Jaunards
par La Boucherie

  • 09 May 2012
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Par Man’S

 

Au commencement : Dieu. Pas Dimitri Yachvili, le maître tout-puissant du POPB, non Dieu, le vrai, l’unique.

Après avoir bossé comme un fou pendant 6 jours, et ce alors que les 35 heures n’étaient pas encore instituées, Dieu, dans son auberge de Genèse, se dit qu’il fallait créer, pour son repos dominical, un endroit idyllique pour se reposer, un lieu rieur, chaleureux, ouvert au monde, un lieu d’amour et de bien-être : et Dieu créa Brive-la-Gaillarde.
Puis Dieu se dit qu’il fallait aussi un endroit pour que ses sous-fifres payés au RSA puissent prendre un peu de repos, mais pas un endroit trop beau, ni trop opulent, ni trop chaleureux, pour que ses tristes sbires ne prennent pas trop le goût des loisirs. Et Dieu créa Clermont-Ferrand, une ville froide, noire, industrieuse, peuplée d’être frustres à l’accent chuintant, entourée de montagnes fabriquées à la chaîne, d’ailleurs dénommées « la chaîne des Puys ».

Marquées par ce destin originel, les deux cités se développèrent en gardant leurs caractères propres : Brive, surnommée le « riant portail du midi » et chantée par Georges Brassens, devint la ville du commerce, des jeux, du bon vivre, des foires grasses et des agapes (de raisin), une ville où vinrent naquir une multitude de grands hommes ayant apporté l’un après l’autre leur pierre essentielle à l’Humanité reconnaissante : le Cardinal Dubois, le Maréchal Brune, Edmond Michelet, et Eric Alégret.

De l’autre côté du Styx, Clermont-Ferrand se développa autour d’une seule activité industrielle : le pneumatique, devenant une ville Michelin mi-chelou, et on ne s’étonnera pas que le seul personnage célèbre né dans cette ville tournée tout autour du latex et du caoutchouc fut Lolo Ferrari, célèbre pour ses implants mammaires façon Bibendum.

Pourquoi diantre faire ce fastidieux préambule historique dans un article destiné aux amateurs décérébrés d’un jeu consistant à voir 30 abrutis body-buildés se disputer une vessie de cochon ? Pour vous faire comprendre d’où vient cet antagonisme ancestral entre deux bastions français du jeu de rugby : Brive et Montferrand, cette haine sportive que se vouent les Coujous corréziens et les Jaunards auvergnats depuis plus de 100 ans, cette rivalité qui fait que, à chaque match entre les deux équipes, des mini-poussins aux vétérans, les protagonistes se foutent joyeusement sur la gueule au nom d’une suprématie régionale éculée et du respect de la haine ancestrale du voisin.
La rivalité entre les 2 clubs a réellement démarré dans les années 70, au cours desquelles Asémistes et Cabistes dominèrent le rugby français façon Poulidor, avec des affrontements virils et assez peu corrects entre d’un côté le « monstre à 16 pattes » emmené par Rougerie père, et d’un autre un pack briviste tout en finesse autour de JC Rossignol, Yachvili père, Fite, Merlaud. Dans ces années-là les duels étaient équilibrés bien que féroces, les voisins se spécialisant dans la défaite en finale (70 contre la Voulte, 78 contre Béziers) pour Clermont, (72 et 75 contre Béziers) pour Brive.
Les années 80, pourtant initiées par un joli duel au sommet d’anthologie Brive – Tulle en ¼ de finale de championnat disputé… au stade Marcel Michelin, verra l’ASM prendre globalement le dessus sur Brive en terme de résultats, les Jaunards, toujours bien pourvus devant avec les frères Gaby, Marroco, Rizon, ne développant pas un jeu particulièrement chatoyant, alors que Brive connaissait sa période romantique avec une ligne de ¾ sympatiques et festoyantes autour de Modin, Thiot , Eric Blanc (venu importer le nœud papillon rose chez les ploucs), Faugeron et Pierre Chadebech, le roi nu des nuits corréziennes et sporadiquement des terrains.

Chadebech et traditions.

 

La dernière décennie du siècle vit l’avènement du deuxième âge d’or briviste, avec une domination courte mais flamboyante de 1996 à 1998 autour du président-imitateur-chanteur et d’une équipe alors au sommet, lui permettant de conquir la France (Du Manoir 96 après avoir éliminé l’ASM en demi, finale 96), l’Europe (HCup 97, finale 98) et le Monde… euh… non, pas le Monde, le 1er match de l’histoire entre le vainqueur de la Hcup et celui du Super 12 se soldant par une raclée monumentale reçue au Stadium par les Auckland Blues de Tony Marsh. Cette période, marquée par de belles épopées rugbystiques, fut aussi pour les Brivistes l’occasion de nourrir une chronique qui aurait fait le bonheur de la Boucherie si elle avait existée : l’affaire de l’hôtesse malmenée dans l’avion Cardiff – Brive après la finale de HCup, les sautes d’humeur du fantasque Patrick Sébastien, et la savoureuse soirée du Toulzac dans laquelle Philippe Carbonneau faillit perdre la vie après avoir tenté avec Lamaison, Venditti et Casadéï de faire exécuter la danse du Limousin à une poignée de Pontypridois irascibles.

On oublie souvent que Rougerie a pompé son style sur Patou.

 

Après ces années de gloire, la gueule de bois pour Brive, minée par des querelles intestines qui sont la marque de ce club, oubliant de se régénérer en faisant confiance aux jeunes de la génération 96 champions de France (Cédric Heymans, …) le CAB descend en 2ème division en 2001. Parallèlement l’ASM monte en puissance, se structure, et prend le leadership régional dans les années 2000, accédant à la finale du championnat de France en 1999, 2001, 2007 à 2009. Les Brivistes, oscillant entre Top 14 et pro D2 se consolant en voyant leurs rivaux se spécialiser dans la défaite en finale… jusqu’en 2010.
Et demain? Tous les scénarios sont possibles, retenons-en 2 :

1) Gavés de victoires, comme Brive en 1999, l’ASM s’endort sur ses lauriers, oublie de se régénérer, recrute à la Bayonnaise des has-beens inexistants venus chercher à l’ombre du Puy de Dôme plus de devises que de devoirs. Racheté par un Warren Buffet froid, Michelin délocalise sa production à Madagascar, cédant l’ASM à une coopérative agricole de la Limagne. Alain Affreuxroux, le nouveau président, change 5 fois d’entraîneur en 6 mois, Jamie Cudmore devient gentil, Morgan Parra devient très lent à transmettre les ballons (Quoi ? Ah oui, c’est déjà le cas), Julien n’a plus que Malzieu pour pleurer, Jean-Marcellin va buttiner ailleurs. Bernard Laporte propose un projet de reprise par un mystérieux mais très fiable investisseur colombien spécialisé dans l’alphabétisation des moines bouddhistes au Soudan. En 6 mois, avec les points en moins pour falsification de bilan par la DNACG, , et ceux pour l’entrée sur le terrain de Rougerie père (dit « Le Cube ») venu défendre son fils à qui Maxime Mermoz veut arracher son boxer Dim, l’ASM se retrouve à la trêve avec -56 points, et décide de repartir en 4ème série avec effet rétroactif à 1990, rendant ainsi à Perpignan le titre de 2010, et son honneur au CAB. Et le stade Michelin est rebaptisé Stade Marcel-Marcel en hommage au créateur du vêtement seyant du même nom.

Parallèlement, un ingénieur surdoué découvre les vertus incroyables de la graisse de Canard pour remplacer l’essence dans les moteurs (authentique) et le bassin de Brive devient le nouvel eldorado mondial, une duck-valley qui attire toutes les industries et les fortunes mondiales. À l’initiative de la Royal Duck Company, qui remplace Andros comme actionnaire principal, le budget passe de 13 à 130 millions d’euros, Patrick Sébastien est rappelé aux commandes du club, Guy Novès devient manager, avec Galthié, Labit, Travers et PSA comme adjoints, Marc Lièvremont comme attaché de presse (pour envoyer chier les journalistes). Les joueurs de talent affluent, le Stadium est agrandi à 120.000 places pour contenir les 100.000 socios, et le CAB, après avoir enfin conquis le Graal qui manquait tant à son palmarès, fait le octuplé, gagne 5 HCup pour dépasser le Stade Toulousain, avant de remporter la Coupe Intercontinentale à Dubaï.

2) Deuxième scénario : celui-là, malheureusement plus réaliste pour les Coujous, a de fortes chances de se réaliser samedi au Stade Marcel-Marcel, où Brive ne pourra sauver sa place en élite qu’en battant les Jaunards avec le Bonus Offensif. Aussi improbable qu’une passe sautée de David Marty ou que l’élection d’un deuxième président corrézien qui fêterait son élection en valsant au son de l’accordéon sur la grande place de Tulle. Oh wait ! 

 

Crédits pour la première photo :  Cybervulcans.net