6 Nations : Ecosse – Angleterre
par Marcel Caumixe

  • 07 February 2012
  • 21

Par Marcel Caumixe

 

Le contexte

Dans un Murrayfield qui peine parfois à être rempli lors des matchs du XV du chardon, les Ecossais, chaque année, espèrent, sans trop y croire, assister au réveil du rugby national contre les envahisseurs anglais, et revivre la victoire de William Wallace sur une pelouse de 50 par 100. En réalité, depuis quelques années, l’Écosse échappe laborieusement à la cuillère de bois. Ayant l’étonnante particularité de toujours se mettre au niveau de l’équipe qu’elle rencontre, elle a frôlé la catastrophe face à la Roumanie et la Géorgie, et manqué l’exploit face à l’Argentine et l’Angleterre. On l’aura compris, la ferveur en tribune ressemble plus à un folklore semi-résigné qu’à une foi véritable en l’équipe. Sauf que…

Sauf que malgré tout, l’équipe peut compter sur l’émergence d’une jeune génération talentueuse, et que la politique de provinces écossaises pourrait commencer à porter ses fruits, à l’instar d’un Edimbourg qui jouera son quart à la maison

De l’autre côté du mur d’Hadrien, c’est le champ de ruines. Après une épopée néo-zélandaise digne des soirées du Prince Harry et de ses amis fins de race, où furent aplatis plus de nains que d’essais, une purge monumentale a eu lieu, laissant les cadres glorieux dépositaires du titre de 2003 en rade. Une équipe en reconstruction où l’on a injecté du sang neuf, et que l’on a confiée à un entraîneur intérimaire qui sait qu’il sera remplacé par Vern Cotter (actuel coach de l’équipe de France à 30%) dans 6 mois. Il ne faut donc pas s’attendre à voir un squad sûr de lui-meme illuminer la compétition de sa classe et de sa supériorité implacable.

On l’aura donc compris, cette année le contexte récent pourrait fort bien bouleverser les rapports de forces traditionnels.

Le match

Il démarre sur les chapeaux de roues, le match. Avec une intensité rare, les deux équipes se rentrent joyeusement dans le lard. Ça fouraille énormément sur les rucks. On sollicite beaucoup les 2èmes et 3èmes lignes pour aller au défi, et on s’échauffe un peu en mêlée. Les Anglais commencent par se montrer très menaçants mais l’Écosse tient bon grâce à une défense très agressive. Foden tente 2 relances pour finir dans les bras d’un bleu, obtient une pénalité à la 13e, qui sera ratée par Owen Farrell.

Les Ecossais mettent alors la main sur le ballon, et sont comme toujours très joueurs, mais comme souvent un petit peu cons, notamment grâce à l’apport inestimable de leur ouvreur en la matière. Dan Parks, né en Australie, n’a d’écossais que le petit pois qui trône dans son crâne obtus. Et aujourd’hui on a ce qui s’annonce comme un très grand Parks, à base de passes mal dosées, de mauvais choix, et de coups de pieds d’occupation consternants.

Heureusement pour lui, il y a Charlie Hodgson en face. Charlie revient souvent au premier plan, la mine éberluée, au bénéfice de concours de circonstances. Aujourd’hui, c’est probablement parce que Wilkinson et Flood absents, il fallait absolument éviter Andy Goode. Charlie se demande donc à nouveau ce qu’il fait là et nous aussi.

Mais revenons au match. 20e minute. Les Ecossais rentrent trop tôt en mêlée. Hodgson tape un énorme coup de tatane. A la réception, les frères Lamont. Averell, l’ainé, fait une “air réception” du plus bel effet et la balle atterrit sur Rory, qui enchaîne par un superbe en-avant. Combo ! Le ballon finit dans les bras de Strettle lancé, pour ce qui est une des actions les plus dangereuses et construites de la mi-temps (c’est dire). La défense écossaise tient à nouveau, mais se met à la faute. La pénalité est transformée par Farrell.

Sean Lamont réalise soudainement que malgré ses efforts, il lui manque 2m50 de détente pour pouvoir attraper ce ballon

Sur le renvoi, les Anglais cafouillent, les Ecossais récupèrent et envoient du jeu, avec la 3ème ligne en fer de lance. Après une franche percée de Denton à l’aile, Strokosch provoque une faute qui permettra à Parks d’égaliser (25e). Parks va ensuite faire passer l’Écosse devant au score, suite à une grosse faute de Ashton, qui semble commencer 2012 avec la virtuosité qui fut la sienne en coupe du monde.

La mi-temps se termine sur ce score un peu anémique entre deux équipes qui montrent pourtant beaucoup de volonté et d’intensité. Malheureusement, avec “Mental” Parks et “Ouest” Charlie en 10 on a peu d’espoir de voir quelque chose de construit. Et c’est 24 secondes après le coup d’envoi de la deuxième période que ce duel au sommet verra son apothéose. Suite à 2 temps de jeu écossais dans leurs 22 (quelle brillante idée), une fulgurance de Hodgson l’incite à monter en pointe sur Parks dont il contre le coup de pied de dégagement. Charlie n’a plus qu’à aplatir.

S’en suit une longue période de jeu décérébré, où le jeu à la main effréné est avorté par un manque de maîtrise dans les rucks ou des maladresses. Alors que les Anglais semblent surfer sur la dynamique de leur essai, les Ecossais commencent à monopoliser la balle à nouveau. Les 2èmes et 3èmes lignes s’illustrent à nouveau par leur puissance et leur dynamisme, mais aussi par leur incapacité à faire jouer suite à leurs percées. De leur côté Moritz Botha, et dans une moindre mesure, Tom Palmer et Chris Robshaw font un énorme match en défense et dans le bidouillage des rucks. Le remplacement de la charnière écossaise par Blair et Laidlaw amènera beaucoup plus d’allant à la ligne d’attaque du chardon. Notons au passage la qualité du banc écossais. La défense anglaise reste intraitable et il faudra attendre la 62ème pour voir Laidlaw se faire refuser un essai qui aurait bien remis du baume au coeur à un Murrayfield sur les dents.

 

Si cet essai a été refusé, c'est avant tout parce que le milieu du rugby est homophobe

 

Les Ecossais courront après leur 4 points de retard, puis 7 point de retard jusqu’à la fin du temps additionnel, mais ne pourront rien faire d’autre que de concéder une défaite imméritée, mais logique, face à une équipe d’Angleterre qui sait s’en remettre à ses fondamentaux. En ne jouant que très peu, et en se structurant sur une défense de fer et une science du jeu fermé, l’Angleterre a fait le maximum avec ses moyens, et encore une fois, leur réalisme implacable l’emporte. En Ecosse, il serait temps de faire de même et de prendre conscience de ses propres limites. Tellement mimis avec leurs bonnes intentions et leur envie, ils doivent pourtant faire preuve de plus de maîtrise pour espérer un jour tenir leur rang.

Les joueurs qu’on veut revoir

Les Anglais

Mourad Botha : de son vrai nom Mouritz, mais que Laurent Bellet, victime d’une brève anoxie, a affublé du prénom d’un discret président de club, Botha a été un artisan majeur de la victoire, par sa défense intraîtable et ses grandes paluches bidouilleuses de Ruck. A 30 ans, il ne représente pas l’avenir, mais il est bien parti pour nous faire chier quelques années. Ses compères Chris Robshaw et Tom Palmer n’ont pas été mauvais non plus, dans le genre.

Cet instant WTF vous est offert par la Boucherie.

Les Ecossais

David Denton : omniprésent sur le terrain, explosif en attaque, Denton a montré sa tête au peuple et elle en vaut la peine. Ses amis de la troisième ligne ne sont pas en reste. Sur-sollicités en attaque, ils ont presque toujours avancé balle en main, à l’image de Rennie, qu’il ne vaut mieux pas prendre dans le bide quand on a mal à l’estomac.

Richie Gray : révélé l’année dernière, il confirme son statut de future star. Impérial en touche, aussi présent dans le jeu fermé que tranchant dans le jeu ouvert, il finira comme quelques glorieux Ecossais, dans l’alcoolisme et la dépression de n’avoir jamais rien gagné tout en étant un des meilleurs mondiaux à son poste.

Les joueurs qu’on ne veut pas revoir

Charlie Hodgson : transparent dans le jeu malgré un essai un peu gag, prévisible dans ses choix, Charlie ne devrait pas résister au retour de Toby Flood dans le Squad, ni à la résurrection de Mike Catt, ni même à la naturalisation de Sébastien Fauqué.

Dan Parks et Chris Cusiter : le second risque de faire les frais de la performance lamentable de son compère, malgré un match honnête. La complémentarité de Blair et Laidlaw devrait leur être préférée. Par ailleurs, la charnière de Scotland A qui a atomisé les Saxons n’est pas très loin, et avec elles, quelques autres des acteurs de ce surprenant match.

"My son beat Scotland and all I got is this stupid teapot"