Pierre Villegueux analyse France – Tonga
par Pierre Villegueux

  • 03 October 2011
  • 11

Bon. Déjà, je crois qu’il faut commencer par s’excuser. S’excuser auprès de Christian Jeanpierre. Ca fait mal de le reconnaître, mais il avait raison depuis le début. Oui, c’est vrai, on s’était bien foutu de sa gueule quand ils nous bassinait avec son point de bonus offensif contre le Japon et le Canada. Finalement, il aura été visionnaire : on en est là, à devoir grappiller des points de bonus pour arracher notre qualif. Je disais la semaine dernière que je n’imaginais pas une seconde la France perdre contre des joueurs de Fédérale 3 en surpoids dotés de coupes de cheveux qu’on n’a plus vues depuis le dernier volet de Mad Max. Force est de reconnaître que je m’étais trompé.

Que dire sur ce match ? Je ne vais pas vous refaire le film de la rencontre. Je ne suis pas assez maso pour le revoir une seconde fois. Ca doit être mon point commun avec le XV de France d’ailleurs : eux ne sont apparemment pas assez maso pour jouer au rugby. Parce que là, ça devient difficile de sortir la théorie de l’accident. On ne compte plus les branlées mémorables qu’a connu le XV de France depuis 2008… si tiens d’ailleurs, on n’a qu’à les compter.

Wall of shame
Angleterre – France
34 – 10France – Nouvelle Zélande
12 -39Argentine – France
41 – 13Afrique du Sud – France
42 – 17

France – Australie
16 – 59

Italie – France
22-2

A ce niveau là, ça doit quand même être un record. Villepreux (aucun lien) et Skrela ont eux aussi connu quelques branlées (dont une défaite aux Tonga, tiens) et Bernie les a collectionnées face aux Blacks et aux anglais, mais cette capacité à pouvoir s’effondrer contre n’importe quelle équipe qui en veut un petit peu plus que nous est certainement une particularité de l’ère Lapinou. Dans tous ces matchs, on retrouve quasiment le même scénario, avec une équipe désorganisée qui se fait bouffer au fur et à mesure du match et finit par baisser les bras. Alors évidemment, dans ces cas là, le sport national consiste à trouver un bouc-émissaire, et Marco Lapinou, avec sa bonne tête d’entraîneur de ProD2 (dixit lui-même) apparaît comme le coupable tout trouvé, puisqu’on n’imagine pas une seule minute que des gars élevés à la culture de la win toulousaine ou clermontoise (rayez les mentions inutiles) puissent avoir un mental de chips à ce point.

Je sais qu’ici à la Boucherie, on a souvent défendu Lapinou, ce sympathique animateur de colonie de vacances, mais après l’avoir vu hier matin devant les journalistes, ça va devenir difficile de continuer à le prendre au sérieux. Marco s’est en effet ramené en conf’ de presse en roue libre, sans cravate, mal rasé, avec des petits yeux, on aurait dit Dino dans la Classe Américaine.  Et il nous a tout fait : la comparaison avec Raymond Domenech et la Coupe du Monde 2010 (c’est bien d’aider les journaleux à dire de la merde, bravo), un proverbe africain à base de chimpanzés, des problèmes de plumard avec sa femme, avant de se plaindre parce que ses copai… enfin ses joueurs n’avaient pas voulu venir boire une bière avec lui. Pauvre Marc Lièvremont. Le coach du XV de France n’est même pas capable d’organiser un apéro (il avait qu’à faire un doodle, franchement) et il espère encore gagner la Coupe du Monde.

Alors évidemment, on pourrait parler d’une catastrophe prévisible, avec cette paire de centre d’éclopés qui a à peine joué 2 matchs ensemble, de la charnière – seule base à peu près stable pendant 4 ans – qu’on change en pleine Coupe du Monde, des absences d’untel ou untel, mais ce serait pas bien original, tout le monde le sait, tout le monde le dit depuis déjà plusieurs semaines, et de toutes façons c’est trop tard pour revenir en arrière. Au point où on en est, autant se dire qu’on est finalement dans une situation idéale avant d’affronter les anglais, puisque c’est quand on touche le fond qu’on est généralement les plus dangereux, même si à force de le dire, y’a bien un jour où les autres le verront venir et où ça ne marchera plus. Il faut donc ne pas tomber dans le piège de se dire qu’une simple réaction d’orgueil suffira à balayer des anglais peu convaincants depuis le début du Mondial. Ça fait trop longtemps qu’on enchaîne les branlées sans réagir. Je propose donc de prendre 6 mesures symboliques pour faire bouger les choses une bonne fois pour toute :

1. Changer de capitaine
Thierry Dusautoir est un brave garçon. Un joueur dévoué, exemplaire, qui plaque à tour de bras et qui ne fait jamais un mauvais geste sur le terrain. Bref, il ressemble bien trop au joueur qu’était Marc Lièvremont, et n’a sans doute aujourd’hui pas plus d’autorité que lui sur le groupe. Il faut donc nommer un nouveau capitaine, avec un tempérament plus latin, quelqu’un qui n’a pas de diplomes d’ingénieur mais une tête bien vide, un goût pour la violence assumée et une bonne grosse paire de couilles. Dans cette équipe partagée entre les Jean Dridéal des lignes arrières et les gentils noeunoeuds à l’accent du Sud Ouest des avants, un seul homme peut prétendre à ce rôle : Pascal Papé.

Vous l’aurez remarqué, depuis quelques semaines, Pascal Papé a pris une nouvelle dimension. Mis en confiance par son essai d’ailier contre le Japon (…) sa bonne performance contre le Canada (…) et par la sollicitation du Figaro qui lui a demandé de tenir un blog pendant la compétition (là, vous pouvez rigoler) Pascal commence enfin à libérer son vrai potentiel en Equipe de France. On l’entend beaucoup en conférence de presse, où il taille allégrement la presse, ou même ses adversaires, avec un mélange d’arrogance et de bêtise qui a fait le prestige de la France à travers le monde. Nommé Capitaine, notre OSS 117 du rugby imprimera une nouvelle dynamique plus agressive et décomplexera un groupe timoré et mou du genou depuis le début de la compétition. Un capitaine dans la droite (dans la gueule) lignée de Fabien Pelous.


J’aime me battre !

2. Changer de méthode de préparation mentale
Marc Lièvremont lui même l’a reconnu, ses joueurs sont trop gentils. On a bien trop essayé de les câliner, avec un coach mental d’abord, puis avec une nounou portugaise (ou argentine, c’est pareil) pour encadrer la charnière, mais ce n’est pas ce dont ont besoin les joueurs français, qui sont des branleurs assistés typiques, un peu comme Ovale Masqué chez nous. Il faut revenir à une méthode de préparation mentale qui a fait ses preuves dans les bureaux de la CIA : séquestrer les joueurs dans une salle de projection, façon Orange Mécanique, et les forcer à visionner des heures et des heures d’images de Jamie Cudmore, Courtney Lawes et Schalk Burger. Résultat garanti pour pouvoir ensuite appliquer la méthode développée FééBuse.

Lionel Beauxis, c’est toi ?

3. Appeler Gerhard Vosloo.
Déjà, une équipe de France de rugby sans joueur qui s’appelle Gérard, je trouve que ça la fout mal. Ensuite, toujours dans la logique des deux premiers points, voilà enfin un joueur sélectionnable qui donne tout sur le terrain, quitte à faire des fautes stupides et à s’ouvrir la tempe sur 40cm de largeur. Un croisement improbable entre Rahan fils des âges farouches et un officier nazi, le chaînon manquant entre Remy Martin et Schalk Burger, le seul mec au monde qui puisse prendre Sean O’Brien au bras de fer. Si vous n’êtes pas convaincu par le plus grand prédateur du parc des volcans d’Auvergne, je vous conseille la lecture des Gerhard Vosloo facts.

4. Faire jouer Fulgence Ouedraogo
Fulgence Ouedraogo, c’est un peu le Piri Weepu français. Weepu chez les Blacks, il est juste là parce qu’il fait super bien le Haka. Fufu lui c’est pour faire le DJ dans les vestiaires. Mais il ne faudrait pas le réduire qu’à ça : on parle quand même du gars qui a réussi à mener une équipe d’un niveau clairement douteux en finale du Top 14, le tout en étant coaché par un entraîneur à moitié dépressif. Ca ne vous rappelle rien ? On tient là un gars expert en situation désespérée, un vrai leader. Puis au moins si on se fait éliminer, il nous refera sûrement un strip tease comme lors de son dernier passage au Stade de France, ce qui aura au moins le mérite de combler de bonheur Ovale de Grâce.

5. Faire jouer David Marty
Avec le probable forfait de Rougerie et la suspension d’Estebanez, on n’aura pas vraiment le choix, mais on ne sait jamais avec Marco qui est bien capable de nous ressortir de son placard à idées pourries quelque chose genre Médard au centre. Alors certes, Marty ne fait pas une passe, mais Tindall et Tuilagi non plus. Et au moins, il sait à peu près plaquer et il fait peur aux adversaires quand il fait ses gros yeux, alors que Roro les fait juste rire en refaisant son brushing après ses plaquages manqués. Puis au point où on en est, se reposer sur une paire qui a quelques automatismes, c’est pas plus mal.

6. Faire jouer François Trinh-Duc
Bon là j’ai même pas besoin d’argumenter.

Je crois qu’après ça, on pourra solidement croire en nos chances de victoire finale.

Les coqs :

Jean Baptiste Poux : S’est bien fait défoncer pour nous apporter notre dose de sang du week-end. Sinon RAS, c’est Poux.

William Servat : Trois plaquages manqués, n’avance plus sur ses charges, rampe alors qu’il est à 2cm de l’essai… remplacé par le Tsar, pas tellement plus en vue. Dire qu’il y a à peine un an, on pensait avoir les deux meilleurs talonneurs du monde dans notre équipe.

Luc Ducalcon : Toujours pas ça en mêlée mais plutôt actif dans le jeu.

Pascal Papé : Le meilleur plaqueur avec Dusautoir, de bonnes prises de balles en touche, s’est pris quelques bouchons mais s’est relevé, bref, il confirme sa bonne forme. Remplacé par Pierre qui semble lui apporter un peu plus en mêlée.

Lionel Nallet : Alors ok, il faut toujours un seconde ligne qu’on ne voit pas, mais là, l’arbitre a quand même vu qu’il était hors jeu tout le match… sinon, RAS. Décevant vice-capitaine.

Julien Bonnaire : Marc Lièvremont porte vraiment la poisse. Quelques jours après avoir déclaré que Sandrine était sa meilleure joueuse, il nous tente un incompréhensible plaquage au poignet sur l’essai d’Hufanga. On l’avait pourtant dit juste avant le match, on veut voir du slip.

Thierry Dusautoir : A fait ce qu’il a pu en défense. Toujours un accent anglais aussi pourri, ce qui lui a valu les huées du stade.

Raphaël Lakafia : Il y avait de l’envie, plutôt actif au début, il a disparu au fil du match. Bonne rentrée d’Harinordoquy, qui ne savait pas s’il était un bon impact player. Ben apparemment oui.

Dimitri Yachvili : Aller jusqu’en Nouvelle Zélande pour jouer un match du Bého, c’est quand même pas de chance… lent, mauvais choix, mauvais jeu au pied, il a sombré comme les autres.

Morgan Parra : Il a décidé d’étoffer sa palette de N°10 en attaquant la ligne à deux reprises. Puis il a compris que risquer une décapitation avant les ¼ de finale était inutile. Remplacé par un Donald Duc anonyme.

Alexis Palisson : De l’envie, des stats honorables (27 mètres ballon en main, 4 passes après contact) et quelques sauvetages en défense. Remplacé par Heymans à la 77ème, juste pour qu’il profite lui aussi de l’humiliation.

Maxime Mermoz : Une vraie déception. A joué le Canada, la Nouvelle Zélande et les Tonga sans se blesser. Finalement, il a du chemin à faire pour devenir aussi bon que Benjamin Fall. A noter qu’il a été le seul français à prendre un intervalle, avant de balancer un parpaing digne de Guirado. Un peu léger en défense aussi.

Aurélien Rougerie : Sur le papier, c’est toujours le seul second centre du groupe capable de jouer un deux contre un, ou de réussir une passe après contact sur un coup de bol. C’est aussi le seul capable de rater un plaquage sur un ailier tonguien possédant la même pointe de vitesse que Mario Ledesma.

Vincent Clerc : Jean Dridéal sera toujours Jean Dridéal. A donné de sa personne (pas comme tout le monde…) et a marqué son essai syndical.

Maxime Médard : Il a peut être réalisé l’exploit de gagner sa place à l’arrière dans un match où on perd contre les Tonga. Il a montré de l’envie et a montré quelques beaux crochets mais il était bien seul.

Fabrice Estebanez : Entre juste pour se prendre un jaune. Sa dernière chance de se rendre utile en Nouvelle-Zélande, c’est de donner un rein à Jonah Lomu.

Pierre