Poteau Feu était notre envoyé spécial pour Toulouse-ASM
par Le Stagiaire

  • 28 May 2011
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Qu’il est con ce Poteau Feu, c’est pas le Capitole, c’est le Kremlin !

Salut les p’tits loups !

C’est moi ! Non pas Pierre Salviac ! Poteau-Feu ! Un peu de respect quand même, Pierrot aurait déjà fait au moins trois fautes d’orthographe. Je suis prétentieux, mais pas au point de me réclamer de son école. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis un peu le reporter sans frontières de la Boucherie. Tous les matchs qui se passent à Toulouse, j’en fais un article ! Sans frontières je vous dis ! Alors vous pensez bien que quand hier, le Stade Toulousaing a disputé la demie finale du Top 14, j’étais dans les startings blocks. Enfin j’étais surtout dans un bar. Le De Danu. Oui encore celui là. J’y étais déjà pour le quart contre le BO et Toulouse avait gagné alors je me suis dit que c’était peut être un signe. Je crois même que ce jour là Fritz avait fait une passe. Comme quoi, ça ne pouvait pas vraiment être un hasard…

Sur le trajet, je croise plusieurs personnes aux couleurs du stade. Les maillots, les écharpes voire les drapeaux et le maquillage sont de sorties. On annonçait au Vélodrome une plus forte mobilisation Clermontoise, mais une chose est sûre, à Toulouse, les supporters rouge et noir sont venus en nombre. (J’avoue, c’est Matthieu Lartot qui m’a soufflé cette phrase brillante).

J’arrive avec une demi-heure d’avance mais l’accès au bar est quasiment impossible. Véritable rendez vous des amateurs de rugby et de bières (les deux sont liés parait-il), je ne suis apparemment pas le seul à avoir eu l’idée de scouater le De Danu pour la soirée. Il devient rapidement évident que la probabilité de pouvoir rentrer à l’intérieur du bar et trouver une chaise est aussi élevée que de voir plus de cinq essais dans un match de phases finales du Top 14. Je me faufile donc entre deux groupes de jeunes enthousiastes et réussi à trouver un angle plus que correct pour voir l’écran de la terrasse. Alors certes je suis au milieu de la route, mais je me rassure en me disant que si une voiture devait forcer le passage, elle aurait à écraser une bonne dizaine de personnes avant de m’atteindre. Autant dire qu’avec un tel délai, même François Steyn aurait le temps de se pousser.

Le match débute sous les encouragements de la foule, de plus en plus imposante, et qui couvre maintenant une bonne partie de la rue. Les premières minutes sont engagées et les plaquages appuyés. Quelques minutes. C’est le temps qu’il me faut pour réaliser que la chance m’a encore bien gâtée niveau voisins. A ma droite, une bande de jeunes qui semblent plus préoccupée par les prolongations de leur apéro que les premiers instants du match. Assis à une table (pour réussir cette prouesse, ils devaient donc être là depuis environ 16h), deux ou trois garçons de la bande, gonflés de confiance par la réussite d’une vanne quelques instants plus tôt, se lance dans un Three Man Show agaçant. Lorsqu’ils encouragent à toute voix Clermont pour provoquer le reste de la foule, tout le monde ricane de bon cœur, mais quand il recommence la même blague en prenant juste un nom de ville de la région différent, ça devient vite aussi irritant qu’une pénalité de Wilkinson. Mais les joueurs de Mont de Marsan, Colomiers, Montauban et quelques autres clubs dont je ne connaissais même pas le nom seront sûrement ravis de savoir que trois jeunes alcooliques (et j’espère pour eux anonymes) ont pensé à eux. Heureusement, les premières actions intéressantes ne se font pas attendre et réussissent à les faire s’intéresser à autre chose que leur nombril. Je suis un peu dur mais c’était vraiment agaçant. J’vous jure ! Le bar nous épargnait les commentaires de Canal, si c’était pour se taper à la place des chansons déjà trop entendues au fond du bus et qui ne font rire que les personnes bourrées qui les chantent, non merci.

A la place de ça, mes voisins de gauche semblaient avoir décidés de discuter de tout sauf de rugby. Autant vous dire que c’était vachement le moment pour débattre du dernier film sur Sarkozy et de l’état de la centrale nucléaire du coin. J’avoue m’être quand même dit pendant un instant que si le match devait être aussi intéressant qu’un match de l’équipe de France, de tels voisins pourraient trouver leur intérêt.

Mais la partie ne tarda pas à s’animer et Toulouse frappa le premier. Après une percée de Jauzion (qui n’avait pas couru autant de mètres ballon en main depuis deux ans) et un enchainement de passes qui nous rappelèrent les plus belles heures du club, Poitrenaud nous gratifia d’une action qui lui vaudra sûrement sa place pour le trophée du ‘Top 14 a un incroyable talent’. Alors que quelques instants plus tôt, Servat nous avait fait savourer une passe aveugle indigne d’un avant autre qu’All Blacks, Poitrenaud rééquilibra le niveau d’un superbe jongle à une main dans l’en-but clermontois ponctué d’un en-avant presque trop prévisible. Heureusement, l’arbitre revint à la faute et Skrela passa sans problèmes la pénalité. Tellement facilement que l’on réalisa qu’il était étrangement toujours conscient après 5 minutes de jeu. Et c’était pourtant pas faute de ne pas s’envoyer en défense. Les Clermontois devaient avoir peur de le blesser pour la saison prochaine… Faut les comprendre, un an de plus avec Brock James comme seul ouvreur, ça aurait compliqué les choses.

Sûrement heureux de réaliser qu’ils étaient encore capables de passer le premier rideau sur une attaque en première main, les Toulousains se payèrent même le luxe de recommencer 2 minutes plus tard. Jauzion perce et transmet à Poitrenaud d’une belle passe en avant (même si Fabien Galthié ne l’aurait lui sûrement pas sifflé). Le centre nous place alors son fameux crochet exter’, particulièrement efficace pour le coup et laisse Caucaunibuca finir le travail. La Skrel’ transforme. 10-0. Les supporters sont tous sourires, ça chantonne et ça boit pour hydrater les gorges. C’est les gérants qui sourient maintenant (Quoique, Trevor Brennan peut-il vraiment sourire ?).

Les Clermontois tentent bien de réagir mais leur fébrilité offensive couplée à l’agressivité défensive des Toulousains ne donne pas vraiment de résultats. Trop heureux d’obtenir une pénalité à 60 mètres de l’en but adverse, Floch se décide à la tenter. Ça me fait bien rire intérieurement et j’imagine déjà la relance que nous prépare Heymans. Mais il faut croire que le bougre a été élevé encore plus à la dure que Beauxis (qui rappelons-le à appris à botter des cinquante mètres pieds nus avec son pôpa). De 61 mètres, ça passe entre les perches et le clermontois gagne les applaudissements de quelques supporters fair-play et admiratifs (oui je parle de moi à la troisième personne des fois).

La réaction des Toulousains ne se fit pas attendre et après un nouvel enchainement de temps de jeu très réussi, ils échouèrent à quelques mètres de la ligne, avec pour maigre récompense une pénalité. Novès se précipita alors à la limite de la touche en montrant de la main le chiffre Trois. On peut se demander s’il parle des trois neurones de Jamie Cudmore, des trois plaquages ratés de Pisi sur l’action ou encore des trois jeunes filles qui se sont évanouies après avoir vu Vincent Clerc pleurer sur l’écran géant du stade. En réalité, on suppose qu’il parlait plus des trois points de la pénalité que Skrela réussit juste après sans problème.

Le jeu devient alors un peu plus brouillon et haché. Mes voisins de gauche en viennent à parler de Huget. Toujours pas de conversation rugbystique donc. Il faut attendre un petit quart d’heure avant de voir Morgan Parra pour inscrire trois nouveaux points pour Clermont. Le Clermontois est plus discret qu’à son habitude, peut être un peu bousculé par la nouvelle excellente performance de son vis-à-vis Doussain. Si j’étais le demi de mêlée de l’équipe de France, personnellement, je me ferai du souci. Enfin j’dis ça…

Je vous raconterai bien en détail les 5 dernières minutes de la première mi-temps mais c’était nul. Alors à quoi bon…

J’étais pas venu tout seul au fait. J’ai quelques potes. Parfois. Mais généralement ils s’enfuient quand ils voient les posters d’Ovale Masqué dans mon appart’. Bref, tout ça pour vous dire qu’on a profité de la mi-temps pour se rapprocher un peu de l’écran. Après sept minutes essentiellement consacrées à des fautes, des en avants, et des blessés, Skrela repasse une nouvelle pénalité. Ce niveau plus proche du Top 14 rassure un peu tout le monde. Clermont réagit et pilonne alors la ligne toulousaine. Il faut un coup de filou de Médard pour récupérer le ballon en plein milieu du ruck. On aurait dit Pato Albacete, la faute habituelle qui vient tout gâcher en moins. Donc rien à voir avec Albacete en fait.

La défense rouge et noire continue par la suite de repousser avec une solidarité exemplaire toute tentative d’attaque de clermontois vaillants, mais toujours aussi peu inspirés. La meilleure défense c’est l’attaque hein ? Ben l’inverse marche aussi. La preuve, sur un nouveau tampon de La Bûche, les toulousains bénéficient d’une nouvelle pénalité, que Skrela tente de loin et, impérial… réussit.

Dans une grande forme, le deuxième ouvreur doit cependant laisser sa place à Bézy pour cause de blessure légère. Fallait bien que ça arrive. Ce dernier se met en évidence en ratant les deux premières pénalités qu’il a à taper. Mais avec nos treize points d’avance à 15 minutes de la fin, personne ne semble lui en tenir compte et il est encouragé de plus belle à chaque tentative. La quatrième tentative sera la bonne. Entre temps, Caucau nous refait un petit numéro et Fritz nous fait du Fritz à base de courses chaloupées et de sautées… Non j’déconne.

Sur la touche, JB Elisalde se lance dans un ola solitaire, et qui marche donc forcément beaucoup moins bien. Quelques supporters commencent à scander de ‘Guytou’ qui aura cette année encore vaincu les doublons pour offrir à son équipe une onzième finale sous ses ordres, et peut-être un neuvième bouclier… On pourrait croire qu’il s’y habitue, mais non, sur son banc il est tout sourire (et là je déconne même pas), les larmes aux yeux. L’émotion de l’homme est presque plus belle que l’évènement qui l’a lui procure. Tout simplement.

Il reste deux minutes. Cela en fait trois que toute la rue alterne entre ‘on est en finale’ et le traditionnel ‘Toulousains !’. Les Clermontois se livrent à un dernière remontée du terrain alors que la sirène a déjà retentit. Mes jambes meurtries me supplient que ça se termine bientôt, mais les Clermontois, plein de courage veulent sauver l’honneur. Mais sur un nouvel en avant, Caucaunibuca ramasse le ballon et fait un festival aux quelques défenseurs clermontois qui ont encore la force de le poursuivre. Il le termine 80 mètres plus loin, dans l’en-but dans lequel il s’écroule sans pouvoir se relever. Ce pari qui a tant fait parler n’a pas besoin de beaucoup plus que ce match pour montrer à quel point il est réussi.

Bézy passe l’ultime transformation et l’arbitre renvoie tout le monde : Clermont à la maison et Toulouse au stade de France. Le bonheur des joueurs victorieux contraste, comme à chaque match de phase finale, avec la détresse des vaincus.

La rue n’est quant à elle plus qu’une immense fête où tout le monde chante et danse. Une ambiance pareille est de celle qui vous donne du baume au cœur pour quelques temps et même si la tentation de la savourer jusqu’au bout de la nuit est tentante, mon corps et ma tête me demande avec insistance de rentrer pour retrouver la dizaine d’heure de sommeil que j’ai de retard. Je ne prends même pas la peine d’interviewer quelques supporters. Je croise Jean-Eudes (qui semble décidemment me suivre partout) et refuse gentiment de prendre le « message important » qu’il a à faire passer à Yachvili.

Mal à la tête, mal aux jambes, mal aux oreilles, mal à la gorge, c’est mon humeur qui sort gagnante de ce match. Et ça vaut drôlement le coup. Je quitte le lieu et ses supporters en murmurant ‘A la semaine prochaine’ (oui, je parle tout seul aussi). C’est pas tout ça, mais j’ai un article à écrire moi…

C’était Poteau Feu pour la Boucherie Ovalie, en léger différé de Toulouse.