La chronique de Romain Moite #5
par Dr Didge

  • 21 April 2011
  • 2

Romain Moite est un arbitre intègre qui va régulièrement nous éclairer sur les actions litigieuses du week-end avec son œil de lynx. Le seul problème, c’est qu’il ne connaît pas très bien les règles du rugby. D’ailleurs son idole est Franck Maciello. Son rêve ? Mettre un carton jaune à McCaw pour fautes à répétition ? Non, son rêve c’est d’être un jour l’arbitre-vidéo d’un match du Racing à Colombes. Pas pour voir Chabal de près, mais plutôt pour n’avoir rien d’autre à foutre que de boire des bières avec les techniciens de Canal+.

Romain part en virée avec Gavin Henson.

Gavin Henson tente de suivre les pas de Sonny Bill Williams pour participer au mondial. Il vient d'ailleurs de se mettre à la boxe.

De retour de Capbreton, nous avions reçu un appel de Pierre Camou. Je crois qu’il a entendu parler de notre petit week-end en Espagne et il nous a passé une sacrée soufflante. Du coup, on avait décidé avec Franck de se remettre à réviser les règles de l’arbitrage, d’autant plus que lui va officier pour Stade Français-Clermont au Stade de France devant les caméras de Canal+. Moi, je serai à la vidéo de Toulon-Toulouse au Stade Vélodrome. On va tenter de ne pas se faire remarquer pendant un petit moment.

J’étais tout excité quand je suis arrivé à Marseille samedi matin. J’adore faire de l’arbitrage vidéo. En gros, on doit regarder le match dans une cabine vidéo qu’installent les techniciens de Canal. J’ai l’air conditionné, des chips, de la bière et j’ai accès à toutes les chaînes de Canalsat. Même les chaînes coquines payantes! Et puis dans le TOP14, on n’a pas trop de boulot niveau arbitrage vidéo. Je plains mes collègues du Super Rugby. D’ailleurs, j’ai longtemps pensé qu’il n’y aurait pas d’essai en deuxième mi-temps de ce Toulon-Toulouse et j’ai failli louper le ralenti du premier essai de Sackey. A ce moment là, j’étais parti à la buvette chercher des bières pour les techniciens et moi, c’était ma tournée. J’ai uniquement vu la fin des ralentis et il m’a semblé que les Toulonnais étaient sûrs d’eux alors j’ai accordé l’essai. Dans Jour de Rugby, ils ont dit que je ne m’étais pas trop trompé, ça m’a un peu rassuré. De toute façon, en général j’accorde un peu les essais au hasard. Je n’ai pas le temps de vérifier les règles dans mon manuel alors je me fie souvent aux réactions des joueurs. Et si j’ai encore un doute, je mets le son pour entendre ce qu’en pensent les commentateurs. Et puis si même eux ont du mal à trancher, je le fais à pile ou face. Et oui, vous voyez que ça ne s’improvise pas d’être arbitre, ça demande pas mal d’expérience pour trouver toutes les combines!

Camou n’a pas appelé après le match. C’est plutôt bon signe. Et comme tout s’est bien passé et que j’avais envie de fêter ça, j’ai décidé de sortir sur Marseille le soir. Après un bon dîner, je commence ma virée par le vieux port en me disant que j’allais bien me faire des copains en route, je n’aurais qu’à leur dire que l’OM est la meilleure équipe de foot d’Europe pour me faire payer des coups. Dans le premier pub que je croise, je vois Gavin Henson, seul et bronzé, accoudé au bar. Je m’approche de lui et je me présente. Il m’explique qu’il veut relancer sa carrière à Toulon pour partir à la coupe du monde avec le Pays de Galles. Il me dit aussi qu’il a du mal à s’intégrer avec les autres joueurs du club. Je lui remonte le moral en lui disant qu’il est peut être suivi en ce moment même par une émission de télé-réalité anglaise et que les autres joueurs du RCT ont des missions secrètes à réaliser. Gavin me dit que c’est pas con et il nous recommande des pintes, visiblement rassuré. On continue comme ça de rade en rade, et Gavin séduit au passage quelques Marseillaises très mignonnes qui décident de nous suivre. J’avais plein d’à priori sur lui avant de le rencontrer mais c’est finalement un gentil garçon.

Plus tard dans la soirée, alors qu’on décide de boire une dernière bière, on tombe sur quelques joueurs Toulonnais qui ont manifestement décidé de fêter leur victoire jusqu’à tard dans la nuit. Gavin va les voir pendant que je parle à une des filles qui nous accompagne. Elle s’appelle Marine. Et alors que je commence à voir que ma nouvelle connaissance est conquise, j’entends des cris et je manque de me prendre un tabouret de bar dans la tête. Je m’aperçois très vite que Marine n’a pas eu cette chance et qu’elle gît par terre. Je me dis que ce soir je dormirai encore seul et je décide de faire les premiers gestes de secours : je pars reprendre une bière fraiche. Gavin me rejoint alors que je finis mon verre et me tire par le bras vers la sortie. Il est en sang et il est manifestement très pressé. «Come on Romain,  il faut sortir d’ici, quick !?». Je lis la peur dans ses yeux et je décide de le suivre. Je ne sais pas très bien pourquoi, mais j’ai toujours eu du mal à prendre des décisions par moi-même. Le psy me dit que c’est à cause de ma mère.

Bref, une fois calmé, Gavin me raconte qu’il est allé voir ses nouveaux coéquipiers pour leur parler d’homme à homme de sa situation. Et avant d’avoir pu commencer, ils l’ont tous chambré sur le fait qu’il s’épile les poils du pubis sous les douches après chaque match. Et là, émission de télé-réalité ou pas, il a vu rouge et leur a sauté dessus. Il pleure à grosses gouttes, il me dit qu’il se dégoute et il s’inquiète pour son fond de teint. C’est à ce moment que son portable sonne, il me dit la voix tremblante que c’est Mourad. Je lui fais un signe de la tête, comme pour lui dire que je comprends, et je pars la tête basse en direction de mon hôtel. Quelques chose me dit que mon portable aussi n’allait pas tarder à sonner. Et que Pierre Camou allait bientôt vouloir me parler.