The Jeanjean Genie
par La Boucherie

  • 30 September 2009
  • %

Le feuilleton de l’été a pris fin. On ne parle pas ici de l’affaire Bastareaud, mais bien des interminables spéculations sur la suite de la carrière de Nicolas Jeanjean. Un temps annoncé à Montpellier, essayé à Leicester mais non retenu pour d’obscures raisons financières, la dernière piste d’avenir tangible pour Nicolas semblait être… Carcassone, en Fédérale. Mais alors qu’il aurait pu aller s’enterrer avec les Jonah Lomu, Frank Tournaire, Isitola Maka ou Mohammed Dridi dans un championnat qui évoque de plus en plus furieusement celui du Quatar en football, l’ancien arrière du XV de France a vu se présenter une occasion de relancer à Brive. Réussira t-il à prendre l’intervalle ? En attendant, ce transfert inespéré est une bonne occasion de revenir sur la carrière de l’ex-vilain petit canard des deux Stades, de petit prodige à éternel blessé en passant par la case sujet de moqueries, à seulement 27 ans, il a déjà presque tout connu. Retour sur sa carrière.

cache_1984939311

Age: 27 ans
Taille: 1m90
Poids: 96 kilos
Couleur préférée: En rose et noir
Poste: Arrière ou ailier

Les 3 fantasques

Digne héritier de la tradition des joueurs de rugby aux noms qui font écho (échooo) comme Emori Bolobolo, Waquaseduadua ou encore Nicolas Duran Duran, ce natif de Montpellier est bien un pur produit de l’école toulousaine. En effet, tout jeune déjà et sur les bancs de l’école de rugby, il fait les 400 coups avec ses copains, qui deviendront aussi célèbre que lui voire bien plus: Frédéric Michalak et Clément Poitrenaud. Réception de chandelle manquée, coups de pied dévissés, surnombres oubliés, passes au juge de touche… ah on en fait des conneries quand on est jeunes. Et touchés du syndrome Peter Pan, ces trois ont toujours refusé de grandir.

Mais l’insouciance et le culot va payer dans premier temps et Nicolas et ses amis effectuent une ascension rapide et jalonnée de succès. Vice champions du monde des -19 ans au Chili en 1999, ils sont lancés dans le grand bain du championnat de France par Guy Novès en 2001. Cette saison là Toulouse se qualifie pour la finale et tous les trois, à à peine 20 ans seront titulaires. Poitrenaud assure une solide performance au centre, pendant que Michalak aujourd’hui décrié pour son jeu au pied, enchaîne les pénalités de 50m. Jeanjean n’est pas en reste avec une superbe passe sur un pas qui envoie Marfaing à l’essai. Dans la foulée, Bernard Laporte leur ouvre celles de l’équipe de France à l’occasion d’un match contre l’Afrique du Sud. Le début d’une longue série pour Fred (51) et Clément (34). Nicolas lui n’en connaîtra que 9 jusqu’à aujourd’hui. En effet, contrairement à ses deux acolytes, Nicolas peine à confirmer au haut niveau et enchaîne les pépins physiques plus ou moins grave. Malgré deux nouveaux titres avec la Heineken Cup en 2003 et 2005, Jeanjean a de moins en moins de temps de jeu et accuse maintenant un sévère retard par rapport à la concurrence, incarnée par son ami Poitrenaud bien sur mais également par le gallois Gareth Thomas ou Benoit Baby. En équipe de France, il n’est plus sélectionné et ne sera pas du voyage au Australie pour la Coupe du Monde 2003, où Michalak se révelera sur la scène internationale. En 2006 il quitte donc le Stade Toulousain pour se relancer (alors qu’il aurait du taper !!) chez le rival parisien, le Stade Français.

cache_1984944011

Paris je t’aime (moi non plus)

Il laisse tout de même de beaux souvenirs à Toulouse. Ses courses chaloupées, mais aussi et surtout son intelligence situationnelle, si souvent vantée par le Pape du jeu à la toulousaine, Pierre Villepreux, ont marqué tous les esprits. Comme nous le confit le président de l’association “Nicolas Jeanjean – Toi ma star” (considérée comme une secte en France) Nicolas n’hésite jamais. JAMAIS. Non. Sous une chandelle ou face à une meute d’attaquant déchainés, plutôt que de réagir dans l’urgence, Nicolas “réfléchit”. Ca tombe bien, les maillots du Stade Français frappés de ravissants éclairs argentés aussi. Malheusement, cette combinaison idéale sur le papier ne permettra pas à Jeanjean de briller dans l’immédiat.

Car si la concurrence est forte à Toulouse, elle ne l’est pas moins à Paris. Jeanjean doit se faire une place au milieu des Pumas Ignacio Corleto et Juan Martin “Evita” Hernandez, alors en plein boom. Pourtant, c’est ce dernier qui va favoriser le retour de Jeanjean au premier plan pour les phases finales Au fur et à mesure que sa cote de popularité monte, “El Mago” se rêve de plus en plus en tant queMaradona du rugby argentin. Pour parvenir à ses fins, il va utiliser des méthodes dignes de guérilleros marxistes qui trahi l’influence de son ami et mentor Agustin “El commandante” Pichot. Il menace tout simplement de mettre fin à ses jours – ou bien pire, d’aller jouer en Angleterre s’il n’est pas titularisé en tant que N°10 pour les phases finales du championnat. Pris à la gorge comme s’il avait été plaqué par Brian Lima, Galthié cède aux exigeances de l’argentin, qui n’avait pas à se donner tant de mal d’ailleurs puisque son seul concurrent pour le poste s’appelait David Skrela.

En l’absence de Corleto, blessé, Jeanjean se retrouve donc N°15 pour la demi-finale contre Biarritz et la finale contre Clermont, dans le rôle de dernier rempart. Nicolas Jeanjean est donc le dernier obstacle entre les clermontois et le bouclier de Brennus, tant attendu par l’Auvergne. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, même un joueur du calibre de Jeanjean ne pourra empêcher un nouvel échec clermontois. Pire, l’ex-toulousain, dans son style si caractéristique – à mi chemin entre Buster Keaton et un danseur du Bolchoï – va réussir quelques sauvetages spectaculaires à quelques mètres de la ligne parisienne, et réussi à garder le Stade dans le match en première mi-temps. Mené à la pause de 12 points mais sans avoir pris d’essai, vous connaissez la suite, Paris va réussir un comeback improbable et décrocher un 13ème bouclier de Brennus.

Un chiffre qui ne portera pas chance à Nicolas. Alors que cette finale inespérée aurait être le début du renouveau pour lui, de nouvelles blessures vont lui gâcher sa saison. Incapable d’enchaîner deux matchs, Jeanjean joue quelques rencontres par ci par là, parfois à l’arrière, parfois à l’aile ce qui ne lui permet pas de prendre ses marques. Il s’illustre par sa fébrilité tout au long de la saison. Et encore une fois, la concurrence est impitoyable puisque cette année là, Corleto se hisse à son niveau en étant incapable de rattraper une seule chandelle de toute la saison, et en se blessant presque aussi souvent que lui. Jeanjean va finir par gagner ce duel de haut vol – Corleto décidant finalement de prendre sa retraite – et il semble désormais avoir le champ libre pour s’imposer durant la saison 2008/2009, qui marque le début d’une nouvelle ère au Stade Français. Fabien Galthié, pris par un nouveau dilemme, doit choisir entre le Stade Français et ses activités périphériques: commentateur sur France 2, chroniqueur à Europe 1 et dans le 10 sport, vice président de Provale, consultant pour l’Equipe d’Argentine, acteur dans Joséphine Ange Gardien, et baby sitting le dimanche. En bon néo-parisien, Galthié prend le boulevard et cède sa place à l’australien Ewen McKenzie, assisté de Christophe Dominici.

Un nouveau duo d’entraîneur qui n’accordera jamais vraiment sa confiance à Nicolas. Malgré une concurrence inexistante (le seul autre spécialiste du groupe étant Ignacio Mieres, dont l’existence n’a jamais été prouvée) on lui préfère Beauxis, Hernandez, Camara voire Boussès la plupart du temps, même si encore une fois de nombreuses blessures l’empêchent de jouer à armes égales. En fin de saison, Jeanjean revient dans le groupe parisien et joue quelques minutes de la demi-finale perdue contre Perpignan, ses dernières minutes sous le maillot parisien. En fin de contrat, Nicolas Jeanjean ne prolongera pas. S’en suit un improbable feuilleton déjà évoqué en introduction, annoncé partout, Jeanjean voyage encore plus que Bernard Lavilliers. Mais à défaut de manquer de se faire poignarder dans une ruelle à La Paz, Jeanjean atterri donc finalement à Brive, où il signe pour un an en tant que joueur supplémentaire. Pour le médecin du Stade Français, chroniqueur sur notre site, ce n’est pas une surprise. “Le petit bonhomme en mousse, c’était le surnom qu’on lui avait donné avec les copains à l’infirmerie, alors finalement c’est un peu le destin qu’il finisse dans le club de Patrick Sebastien.”

On a désormais hâte d’admirer la silouhette élancée de Nicolas Jeanjean, gazelle toulousaine, se muer en zèbre sous la tunique des Coujoux. Gageons que ce malgré tout talentueux jeune homme saura de nouveau rebondir ! Rebondir comme ce ballon qui lui a si souvent échappé des mains ces dernières années….

cache_1984949711

Cloué à terre, Nicolas Jeanjean assiste impuissant à l’ascension fulgurante de ses amis toulousains.

 

L’action de légende

Terminons par un hommage vidéo. Nous citions tout à l’heure Juan Martin Hernandez, grand admirateur de Maradona. Tout comme lui, Nicolas Jeanjean est un passionné de football, et en ce jour de novembre 2004 contre le Stade Français, c’est un vibrant hommage qu’il rend à son idole à lui, Eric Cantona, en singeant son célèbre high kick sur le pauvre Cédric Heymans qui aujourd’hui encore n’a pas bien compris ce qui lui est arrivé ce jour là. Un coup d’éclat qui a sans doute motivé le recrutement de Nicolas au Stade Français…

Ici à 1m15:

Ici, la comparaison avec le King