Rugby du bas : que faire de son bouclier ?

 

Par Pastigo,

 

Maudits Chamaliérois !

Qu’est-ce qu’un rugbyman ? Pour le public qui ne s’y trompe pas, c’est l’homme de la pub qui surgit de nulle part pour pousser une Lada en panne au milieu de rien. Celui qui court en talons pour ramener son sac à mamie. Ce bouffi souriant, pétri de Valeurs, toujours prêt à aider son prochain (ce qui ressemble, quand même, à l’idée qu’on se fait du petit gros un peu con).

Quand soudain : La tache. Le furoncle, celui qui d’un barbecue trop peu vegan ruine une communication huilée comme Gerhard Vosloo sur Instagram. Des millions en spots FFR de qualité prémium, détournés du budget pelouse et eau chaude des clubs de gueux, réduits à néant par une barquette de merguez.

Que les joueurs finissent avec le cerveau comme un paquet de chips à 40 ans passe encore, mais là on parle d’argent, c’est grave.
C’est un scandale ! Le rugby français fait montre de sa colère contre le club auvergnat, il s’en faut même de peu qu’Eric Ciotti ne “condamne fermement” la grillade de bouclier sur les réseaux sociaux.

En réalité, ce n’est pas tout à fait ça. Tout le monde trouve ça génial, cherchant une photo qui laisserait découvrir le dit bouclier en entier dans un cul de pilier. Pour autant ce n’est pas très Valeurs, alors chacun y va de son commentaire outré. Personne n’y croit mais comme tout le monde est coupable, on fait semblant.

Déjà parce qu’il est peu probable que des types qui passent l’année à vomir entre deux beignes se transforment tout à coup en diva émue aux Oscars, mais aussi parce qu’on imaginait assez peu trouver des hooligans à Chamalières. C’était même plutôt inquiétant d’imaginer une troupe de curistes en écharpe intégrer la toute finesse d’un championnat auvergnat de rugby amateur. Survivre aux insultes semblant déjà guère imaginable, l’idée de les voir entrer sur le terrain s’apparente à un meurtre. Mais en fait si ! Il y a bien une équipe à peu près normale à Chamalières, et des joueurs au moins aussi cons que les autres. (C’est un compliment de notre part).

Que peut-on reprocher à ces sympathiques joueurs ? N’ont-ils pas respecté les fondamentaux qui les poussent à se réunir dans la bouse tous les week-ends, en mieux ? Qui passerait la soirée à caresser et embrasser un bouclier, dont le bois est rongé par l’humidité de la pisse incrustée des précédents vainqueurs ?

Les hautes instances du rugby auvergnat (lol) se devaient évidemment de montrer leur ferme désaccord et c’est bien normal, eux qui dépensent tant d’énergie à recenser tous les prétextes locaux permettant d’organiser un banquet (n’arrêtez pas surtout, on s’y goinfre comme jamais, j’adore !)

A Chamalières aussi, on s’excuse. Pour la forme bien évidemment, mais les apparences sont sauves. Profitant d’une vitrine médiatique jamais vue depuis l’ouverture d’un nouveau bassin à Royatonic, ils s’avouent dépassés et ne pas comprendre que l’incident fasse autant de bruit, masquant difficilement une demi-molle bien légitime. Ils regrettent d’ailleurs de découvrir qu’il suffit de publier une image sur Facebook pour qu’elle soit aussitôt diffusée sur Facebook.

C’est quelque peu maladroit, mais à la Boucherie on accepterait de se laisser aller à une torride étreinte avec une bonne moitié de l’équipe tellement c’est beau. Les excuses pour rentrer couvert de bites dessinées sur le front et de gerbe sur le pantalon étant rares, nous ne pouvons que les féliciter d’avoir su exploiter l’opportunité comme il se doit.

Un constat s’impose cependant. La remise du bouclier est quelque chose de brutal qu’il est difficile de gérer sans y être préparé. Recevoir un amas de bois de cagette par des types pleins de champagne, en récompense d’une année de quiches dans la gueule, n’invite curieusement pas au remerciement sobre et courtois. C’est arrivé trop vite, la plongée dans le monde propre doit se faire par palier.

Du coup, chaque équipe intègre cet honneur dans la précipitation avec plus ou moins de réussite, et fuit la pression en se retranchant dans sa zone de confort en faisant ce qu’elle fait le mieux : le con.
Plongée dans des ports dégueulasses, barbecue, surf sur lit de caillasses, lancé de bouclier, tapé de bouclier, biffle conviviale, le bouclier se voit honorer comme on peut, comme on sait.

Voici donc de quoi aider les prochains vainqueurs avec une liste non exhaustives de solutions hautement qualitatives, permettant de renouveler son hommage dans la bonne humeur et le respect.

vosloo-4f491d3

Gerhard Vosloo posant fièrement avec son Bouclier. 

 

  • Défiler avec son bouclier.

Rien de nouveau à première vue, sauf à rendre la chose plus distrayante : défiler dans les rues de la commune vaincue. Le public sera autrement plus réceptif et concerné, surtout si ce défilé se prolonge une petite dizaine d’heures devant les bistrots dédiés au rugby local.
C’est aussi l’occasion d’une immersion dans le professionnalisme, les joueurs découvrant l’arbitrage vidéo-surveillance des rues de la commune qui saura suspendre d’une mise en examen celui qui aura cogné le premier.

  • Taper des gens.

Le bouclier n’y est pour rien, eux non plus. Par extension ça se tient.

 

  • La plaque à induction.

L’équivalent du barbecue pour l’équipe qui tient à défendre son combat pour l’écologie.
Attention le geste peut suffire à se voir nommer Ministre de l’Écologie, c’est bien payé mais ça ne sert à rien.

  • Écrire un poème.

Probablement la solution la plus appréciée par le comité de surveillance des Valeurs. S’appliquer, choisir ses mots épris d’émotion, transférer son sentiment, le tout de préférence avant de vomir.

poemeombre-4f492bc

Merci à Greub qui nous offre ce superbe poème animé.

 

  • Ne rien faire.

Ne pas donner de valeur à cette récompense, d’un air blasé et suffisant. Ça ne choquera personne dans la mesure où franchement, tout le monde s’en fout sauf toi et tes cousins du canton voisin. En profiter pour se coucher sobre et découvrir une sensation unique.

 

  • Lire une lettre à propos des intermittents.

Ça se fait, personne ne sait vraiment pourquoi. En revanche c’est mieux si tu es cousu de pognon, ce qui semble assez peu compatible avec ton CAP en boucherie.
Dans le doute, tape des gens.

  • Offrir le trophée à l’adversaire.

Un geste d’une courtoisie qui n’a d’égal que le mépris qui en dégueule. Ajouter qu’il est préférable que cela serve à des gens qui ne peuvent pas en avoir.

 

  • Le vendre.

Ça fera tout d’abord plus de saucisses à brûler, ce qui arrange tout le monde. Ceux qui te répètent que cet honneur n’a pas de prix, en fouillant leur fond de poche, t’apprendront que le trophée ne vaut pas un blanc limé.

 

  • Décider du nom du vainqueur.

Et surtout, le graver toi-même. “On est tous passés sur la sœur à Francis” étant une équipe qui mérite d’entrer dans l’histoire.

 

Ce ne sont évidemment que quelques pistes, et nul doute qu’avec un peu de préparation le rugby saura renouveler la célébration du trophée avec tout l’entrain débile qu’on est en droit d’espérer.

Dans l’attente d’être agréablement surpris, et sans parler de concours (non, non…), longue vie à Chamalières et à la saucisse qui jute.