Ecosse – France : La mort du rugby Français, épisode 586
par Mathieu Lourdot

  • 16 March 2016
  • 14

 

Par Mathieu Lourdot (avec la complicité de Pierre Villegueux et une compo du Stagiaire)

« La cabane est tombée sur le chien »
comme l’aurait dit le regretté Pierre Salviac. En effet, l’équipe de France de notre cher Guytou a réussi à faire pire que celle de PSA en perdant contre l’Écosse.
Est-ce la mort d’un rugby français qui était déjà bien malade ?

 

Faisons d’abord un point sur le match.

 

Le match

Après deux victoires étriquées contre l’Italie et l’Irlande et une défaite honorable face aux Gallois, l’Écosse avait tout de la victime expiatoire idéale. Et pourtant, nos fiers Français se sont plantés.
Tout commence pourtant bien pour les Bleus avec un essai de notre Glorieux capitaine servi par un bel offload de Fofana. Trinh-Duc loupe la transformation puis une pénalité. En suivant, la sortie rapide de Finn Russell, maître à jouer du chardon oblige les Écossais à faire entrer Horne (3/4 centre à la base) au poste d’ouvreur.

Tout semble aller pour le mieux pour les Bleus de France et pourtant, Laidlaw permet aux Écossais de repasser devant grâce à sa botte. Les Écossais enfoncent le clou avec un très bel essai de Stuart Hogg, bien aidé par la fracture de l’ego subie par François Trinh-Duc, avant la séquence WTF du match. Taylor joue vite une pénalité, Vakatawa tente un plaquage improbable et complètement raté. Le centre écossais perfore la défense comme Rocco Siffredi une pornstar bulgare, court sur 60 mètres au ralenti sans que personne ne tente de le rattraper et s’écroule dans l’en-but.

 
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Le plaquage de Vakatawa en un gif.

 

Heureusement, les Français réagissent par l’intermédiaire de Fickou et rentrent aux vestiaires en étant menés 18-12.

La seconde mi-temps n’a pas grand intérêt. Les Français tiennent le ballon tout en étant aussi inoffensifs qu’une charge de Damien Chouly. On campe aux 5 mètres, on tente 5 fois la pénaltouche sans parvenir à marquer pour finalement perdre le ballon (Robshaw style). 

Lorsque les Écossais remettent la main dessus, ils sont tranchants. Vincent Pelo rentre puis ressort (#SextonTonSexeOuLesDeux).

 
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L’entrée de Vincent Pelo.

 

Puis sur une passe totalement foireuse de Laidlaw, Stuart Hogg réalise une merveille de manchette digne du best-of de Jeanne et Serge pour Visser qui aplatit. À partir de là le match est plié.

 

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Pour ce qui est des performances individuelles de nos Bleus, votre serviteur n’ayant pas regardé le match en intégralité (#professionalimse), c’est le très acerbe Pierre Villegueux qui, comme Frédéric Michalak, signe son 43e retour et distribue les caramels comme un Thierry Dusautoir des grands jours.

 

Les joueurs

 

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Rabah Slimani : Digne successeur de Nicolas Mas, il ne vient que pour jouer les mêlées. Enfin pour être au niveau du CATALAN, il faudrait aussi qu’il nous permette de les gagner de temps en temps.

Super-Capitaine : On ne peut pas dire du mal de lui puisque c’est le capitaine ultime qui se sacrifie pour la France et perd 12 neurones à chaque match juste pour l’amour de la patrie.

Yoann Maestri : Il a été un peu plus en vue que d’habitude. De là à dire qu’il a été bon, on n’osera peut-être pas franchir le pas. Avec lui c’est toujours la même histoire, on a l’impression qu’en 1970 ce serait un super deuxième ligne, puis on voit Whitelock, Retallick ou Romano et on regrette d’être déjà en 2016.

Alexandre Flanquart : Moins performant que face à l’Irlande. De toute façon, il semble clair qu’il est déjà content d’être là pour ne pas avoir à jouer avec le Stade Français.

Yacouba Camara : Parce qu’il est noir et qu’il court vite, on nous l’avait vendu comme le nouveau Yannick Nyanga. Le truc c’est qu’il ne touche qu’un ballon par match, le plus souvent pour faire un en-avant, ce qui le classe finalement plus au rang d’héritier de Thierry Dusautoir. Sans avoir la même efficacité défensive, pour l’instant.

Wenceslas Lauret : Vient s’additionner à notre collection de 122 troisième ligne capables de faire 10-15 plaquages par matchs mais pas grand chose d’autre. Vivement le retour de Bernard le Roux, l’homme qui a peur du ballon !

Jefferson Poirot : C’est notre meilleur gratteur, une sorte de Steffon Armitage en plus athlétique. Avant lui, notre meilleur expert dans le domaine c’était Ben Arous. Après Debaty le sprinteur plus rapide qu’un ailier, c’est bien la preuve que notre formation fait vraiment n’importe quoi.

Damien Chouly : Au football américain, le buteur ne rentre sur le terrain que pour tirer les transformations. En France, on a Damien Chouly, le joueur qui ne rentre sur le terrain que pour jouer les touches. Dans le reste du jeu, on peut dire qu’il s’est vraiment senti dans son son élément au pays des fantômes.

Maxime Machenaud : On n’avait plus vu un demi de mêlée aussi individualiste et amoureux de lui-même depuis Mike Phillips. Comme quoi, les étrangers du Top 14 ont au moins le mérite de transmettre toute leur expérience à nos jeunes français. Il faut lui reconnaître un mérite, il a tout fait pour être plus en vue que Morgan Parra, qui apparaissait tout de même dans deux publicités à la mi-temps.

François Trinh-Duc : Avide de storytelling à deux balles, la presse nous avait bien vendu le 878e retour du « messie », de l’éternel « banni du rugby français « (un banni à 52 sélections… pour combien de matchs réussis au fait ?). De façon assez prévisible, ce dernier s’est bien planté en se montrant à peine meilleur que Plisson et Michalak dans leurs mauvais jours. Le dernier N°10 français à avoir sorti un match correct dans le Tournoi reste Rémi Talès, mais comme c’est vraiment trop déprimant, on préfère faire comme s’il n’avait jamais existé.

Wesley Fofana : Après avoir réussi un geste extraordinaire sur l’essai de Guirado (UNE PASSE !) il a planté sa tente Quechua sur l’aile, s’est allumé un petit feu de bois et a fait griller quelques marshmallows. À quel moment le rugby français a déconné au point que Djibril Camara apparaisse comme notre meilleur option à l’aile ?

Virimi Vakatawa : À l’inverse de Fofana, Vakatawa s’implique beaucoup dans le jeu, quitte à être n’importe où sur le terrain et à faire n’importe quoi. Son air-plaquage sur Duncan Taylor nous a rappelé que finalement, il n’était pas loin d’être un Teddy Thomas sans dreadlocks (et avec une maîtrise de la langue française à peu près équivalente).

Maxime Mermoz : Contre le Pays de Galles, il avait battu un record du monde en tentant 4 plaquages pour 8 ratés. Il s’est bien rattrapé sur ce match avec un propre 11/0. Par contre, il n’a pas vraiment pesé en attaque. Il faut dire qu’avec Trinh-Duc qui est bloqué sur la touche R1 et qui ne fait que des passes sautées, il n’a pas vraiment eu l’occasion de se montrer créatif.

Gaël Fickou : Il n’a pas essayé de se trancher les veines dans l’en-but après son essai, ce qui est un progrès considérable depuis le dernier qu’il avait inscrit contre la Roumanie. À part ça, un joueur frustrant : on sent que le potentiel est là, mais on sent aussi que la plupart du temps, il en a un peu rien à foutre d’être là. Après s’être fait violer par Campagnaro lors de la première journée, il s’est encore pris quelques courants d’air. De quoi flipper avant son éventuelle rencontre avec Jonathan Joseph.

Scott Spedding : Son objectif était d’être moins nul que Maxime Médard, condition qu’il avait déjà remplie au moment de chanter la Marseillaise. Plutôt propre, ses relances « je-fais-mine-de-jouer-l’évitement-mais-non-je-te-rentre-dans-la-gueule-ah-ah-t’y-as-presque-cru-hein » nous avaient manqué. Scott, c’est le Dark Knight du N°15 : il n’est pas le joueur que l’on mérite, mais celui dont on a besoin.

 

Les remplaçants :

Guy Novès répète en boucle qu’il n’y pas de titulaires et de remplaçants et qu’un match se gagne à 23. Je suis partiellement d’accord avec lui : sur ce match, il n’y avait pas de remplaçants. Mention spéciale à Vincent Pelo qui est venu faire un caméo juste pour mourir, comme Sean Bean dans une mauvaise série B mais aussi à Maxime Médard qui pour une fois, était très bien placé en tribunes.

 

Bilan : Est-ce qu’on va tous mourir ? 

 

Merci Pierre. Pour épiloguer, je vais anticiper les diverses observations que pourrait formuler le lecteur (oui, c’est toi) et y répondre avant même que tu n’aies eu le temps d’y penser.

  • « De toutes façons, c’est de la faute des étrangers qui viennent voler le travail de nos JIFF. »

On ne peut qu’être d’accord avec ce postulat, cette défaite est bien de la faute des étrangers puisqu’ils nous ont battus. Par contre, on ne peut pas affirmer que les joueurs alignés ce dimanche sont barrés en club. A l’exception de Spedding, Vakatawa et Mermoz, tous sont des titulaires quasi-indiscutables en club.

 

  • « Mais c’est à cause de l’arbitre, ils ont pu faire ce qu’ils voulaient en mêlée et dans les rucks. »

On est forcément tentés de hurler au loup. L’équipe de France n’a remporté qu’une mêlée. La mêlée française, c’est toujours un peu toujours la même chose: on clame haut et fort qu’on est les meilleurs du monde, et quand on se fait plier par les Fidji, l’Italie ou l’Écosse, on vient nous expliquer que « oui mais non, ils ont triché !». Mais les meilleurs du monde, ce ne sont pas ceux qui savent le mieux tricher, justement ? L’intelligence situationnelle, ça marche aussi chez les avants, et on peut quand même se demander pourquoi on semble être incapables de s’habituer à l’arbitrage international sur ces phases de jeu. Ah si seulement on avait un coach expérimenté, en poste depuis 5 ans au plus haut niveau… (tu peux accrocher ça sur la porte du vestiaire Yannick, c’est cadeau).

Notez tout de même qu’en naturalisant un pilier sud-africain pour caler sa mêlée, Vern Cotter n’a fait qu’appliquer une tactique élaborée par Bernard Laporte il y a 15 ans avec Pieter De Villiers. Qu’attend t-on pour re-sélectionner Daniel « Engagé Baleine » Kotze ?

 

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Puis quand même, on a jamais vu un pilier sud-africain ressembler autant à un paysan ariégeois. 

 

Alors oui le gaucher écossais trichait comme un cochon mais il a aussi méchamment plié Slimani et Atonio à quelques reprises.

Au niveau des pénalités sifflées sur la totalité du match, le chiffre est parfaitement équilibré. Les Écossais se sont tout simplement adaptés à l’arbitrage, un peu laxiste, de M. Jackson en étant très agressifs dans les rucks alors que les Français commettaient des fautes inutiles. C’est une faiblesse très française : depuis Bernard Laporte, nous sommes incapables de nous adapter à l’arbitrage. Lorsque les Écossais ont vu que M. Jackson n’arbitrerait pas les rucks et les mauls, ils sont rentrés sur les côtés, ont écroulé ou sont partis hors-jeu. De notre côté, on a pas bougé d’un iota notre plan de jeu, on s’est retrouvés dominés au sol, on a perdu le match et on s’est contentés de glisser que l’arbitre avait été mauvais.

 

  • « Mais cette équipe de France manque de puissance, pas un mec pour avancer sur les impacts. »

Il va falloir se mettre d’accord, on a râlé pendant 4 ans que PSA ne sélectionnait que de gros bourrins qui ne savaient pas que le rugby se jouait avec un ballon. Par contre, c’est vrai que Picamoles manque quand on voit le match de Chouly (enfin plutôt quand on ne le voit pas).

 

  • « Novès démission ! »

On en est déjà là. Et pourquoi pas un retour de PSA tant qu’on y est. De ce qu’on a vu depuis le début du tournoi, les Bleus sont encore à la peine. Par contre, il y a des motifs d’espoir. En effet, les intentions sont là. Il y a une vraie volonté de faire vivre le ballon et une volonté de mettre du mouvement autour du porteur de balle. C’est déjà en ce sens qu’il y a un progrès par rapport à l’ère PSA. Alors certes, les Bleus restent encore un peu naïfs en défense, fébriles sous les ballons hauts et approximatifs en attaque mais tout cela devrait se régler avec le temps. Un point pourrait être remis sur le tapis : indemniser les clubs afin de pouvoir bénéficier de 8 semaines de travail continu au lieu de ces allers-retours incessants entre clubs et sélection.

 

  • « C’est de la faute de Trinh-Duc ! Faut changer de 10. »

Trop facile, on a perdu donc c’est la faute du 10 (comme d’hab en fait). Tout le monde attendait pourtant le retour de FTD comme la saison 6 de Game Of Thrones et pourtant, on a eu le droit à un remake foiré dans la veine du Transporteur 12 (c’est celui-là où un chauve roule très vite dans sa voiture tout en canardant comme un cinglé parce qu’il transporte des trucs ?)

C’est vrai FTD a commis quelques belles cagades et semblait un peu en dedans mais on ne peut pas tout lui mettre sur le dos. Par exemple, les 3 plaquages loupés par Fickou ce n’est pas lui (c’est Fickou, il faut suivre), ce n’est pas lui qui était systématiquement mal placé en défense sur son aile, plutôt Vakatawa ou encore complètement absent dans le jeu au sol (mention à notre belle 3ème ligne).

Par chance, St Guytou n’a titularisé que 2 demis de mêlée et 2 ouvreurs différents depuis le début du tournoi. J’espère une certaine continuité avec Machenaud-Bézy associés à Plisson-FTD plutôt que des abominations comme STB-Lopez ou Parra-Michalak.