Angleterre – Fidji : Elonouvre… la Coupe du monde !
par Thomakaitaci

  • 20 September 2015
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Par Thomakaitaci,

 

Le monde est entré en fusion, ça y est, la Coupe du monde 2015 est officiellement lancée. En France, c’est la folie, des phrases de Jean-Pierre Rives ont été accrochées dans les coins des rames de métro parisien. Toute la planète s’est arrêtée pour regarder Angleterre – Fidji, même les réfugiés installés aux frontières hongroises et allemandes, c’est dire ! Le rugby est vraiment entré dans une nouvelle dimension.

Dans ces conditions, la pression était grande sur les sujets de la Reine : il ne fallait pas rater l’ouverture autant sur le plan sportif que spectaculaire. A ce niveau-là, on pouvait faire confiance aux Anglais, ils nous ont donné la leçon. Voici comment réussir une ouverture de Mondial en quelques points principaux (ce texte est une traduction approximative de l’anglais d’une note envoyée par la RFU à la FFR, accompagnée de la lettre de Guy Môquet).

Des hommes boueux plutôt que des meufs à poil : quitte à exacerber à outrance les valeurs masculines, les Anglais ont choisi celles du combat, de la rugosité et du dépassement de soi. C’est pas forcément novateur, mais c’est toujours moins beauf qu’un char en plaqué or avec des mannequins en string et en plumes qui fait le tour du stade, comme lors de la dernière finale du Top 14.

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Stupeur pour le téléspectateur de TF1, ce n’est pas Teddy Thomas qui a été choisi comme « géant » du XV de France.

 

Chaussée des géants, défilés des géants, spectacle son et lumière et même le Prince Harry : on sent la rigueur anglaise dans l’intérêt porté aux détails. Même les moches sont mis à l’honneur quand un petit garçon grassouillet, roux et aux oreilles décollées est venu chanter l’hymne de World Rugby. Ah c’est sûr, c’est pas beau à voir, mais c’est plus « valeurs » que le changement inopiné de fillette à la chinoise, en 2008.

Un public concerné dans le stade : point très important. Un match d’ouverture est mieux appréhendé si le public y met du sien. Certes chanter « Balance-toi doucement, joli charriot » n’a strictement aucun sens dans un événement sportif – sérieusement, les paroles putain ! C’est important les paroles –, l’entendre repris à l’unisson par 80 000 personnes, c’est chouette. C’est mieux qu’un record du monde du nombre de ola, incontestablement. Qui plus est, le petit côté taquin des Anglais est savoureux : rien à branler des « valeurs », du respect des danses exotiques des joueurs des îles et cela, pas uniquement lors des matchs de Coupe du monde, ça braille pendant le Cibi. Ça fait du bien de considérer le Fidjien comme l’égal de l’Ecossais, du Gallois ou du Français que l’on peut chambrer allègrement, ça change du paternalisme post-colonial bienveillant.

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« Figurez-vous Bernard, ces joueurs des îles s’entraînent sur la plage avec des noix de coco en guise de ballon. C’est Pierre Villepreux qui le dit ».

 

Un match de merde camouflé dans un bon résultat : autre point très important. Dans n’importe quelle compétition sportive, jouer le premier match chez toi n’est pas chose aisée (bon en fait, le pays organisateur gagne la plupart du temps, mais dans les milieux journalistiques c’est mieux de dire cela, pour créer du suspense). Difficile de se rappeler d’une défaite en ouverture… même en rugby… 2011, 2003, 1999, hmm non je ne vois pas. Rémy Martin, une idée ?

Il n’empêche que quand on joue mal, c’est mieux de ne pas trop le montrer, pour la confiance. Déjà, bien choisir l’adversaire : les Fidji, c’est pas mal. D’un côté, c’est crédible – c’est pas l’Uruguay – d’un autre, c’est pas trop risqué : en les prenant devant et en assurant le minimum syndical (agressivité et dimension physique, the New French Flair by PSA), ça finira par passer à l’usure. En cas d’urgence, un petit coup de pouce arbitral pour assurer le score. Rien à craindre.

C’est vrai que les Anglais ont abattu la carte « Coup de pouce arbitral » assez tôt dans le match : l’essai de pénalité accordé pour écroulement semble logique, le carton jaune pour Matawalu est très sévère. Mais c’était la consigne : à la moindre faute fidjienne, la police londonienne devait rentrer sur la pelouse et contrôler les papiers des joueurs directement sur la pelouse et ainsi évacuer rapidement les éléments dangereux qui viendraient compromettre une victoire anglaise. Et pourtant, ce sont les Fidjiens qui se sont montrés les plus vaillants ©, les plus courageux ©, les plus généreux ©, les plus valeureux ©. Ah les belles histoires de l’ovalie. Cette première ligne made in Pro D2 et Roumanie qui défonce la première ligne anglaise, c’était émouvant. Même Nadolo, cassant trois plaquages au milieu du terrain pour dégueuler le ballon n’importe comment devint, dans les yeux ébahis de Christian Jean-Pierre, l’égal de Lomu détruisant la défense anglaise en demi-finale 1995. Il n’y a pas de petites comparaisons.

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“It’s for you, Christian. Mewci pouw tu !”

 

Mais que nenni, le XV de la Rose, tel un seigneur médiéval laissant les gueux s’éclater pendant le carnaval pour mieux les châtier les jours suivants, a froidement tué les velléités fidjiennes. Jusqu’à user une seconde fois de la carte « Coup de pouce arbitral » : Jaco Peyper accordant l’essai du bonus à Vunipola alors que personne sur cette terre ne peut dire si le ballon touche la ligne. On le sent poindre l’enfumage général, il mijote, il commence à sentir bon.

La Coupe du monde est donc lancée. La première star s’appelle Mike Brown, grâce au superpouvoir de Christian Jeanpierre, celui de « faiseur de roi ». Les Anglais jouent mal mais toujours mieux que la France depuis quatre ans. Les Fidjiens jouent de façon moins débile que d’habitude. Les « chanteurs de Marseillaise fous du Stade de France » ont réussi à infiltrer Twickhenham. Les Écossais et la Banda Lady Gaga de Clermont râlent contre l’interdiction des trompettes dans les stades. Bref, le monde s’est arrêté pour un mois et demi, de Castres à Dunedin, de Durban aux quartiers riches de Buenos Aires, de Suva à Twickenham ! Chargeeez ! Bagaaaaarre ! (Calme-toi Pascal, calme-toi).