[Fiche Pro D2] Stade Aurillacois
par La Boucherie

  • 25 August 2015
  • 13

Par Capitaine A’men’donné

 

Le livre de la Boucherie, le making-of :

En septembre 2014, c’est officiel : les éditions Solar signent un contrat avec la Boucherie Ovalie pour un livre de 288 pages. “Pauvres fous, pensais-je, 288 pages à faire remplir à des branleurs pareils, c’est comme demander à Bernard Le Roux de vaincre sa phobie du ballon.” C’est alors que naquit dans mon cerveau un plan machiavélique : anticiper l’inéluctable rayonnement du Stade Aurillacois (hum). 

En proposant une fiche-club finie, la probabilité qu’elle soit prise par défaut, faute de parvenir à motiver quiconque pour des clubs négligeables tels que Béziers ou Bayonne, avoisinait les 100%. Évidemment, ça a d’abord coincé du côté de l’éditeur. Cet article, en effet, et je dois bien le reconnaître, souffrait d’un défaut rédhibitoire : il parlait du Stade Aurillacois. Abattre des arbres pour imprimer une telle chose pose problème d’un point de vue éthique. 

Ensuite, l’effet sur les autres collaborateurs du livre fut l’opposé de celui escompté. Ayant décuvé, ceux-ci, pris de panique devant la perspective de voir leurs noms possiblement associés au nom d’Aurillac, virent leur motivation décuplée. Ce qui ne les a pas portés bien haut, mais suffisamment pour remplir le livre. Bon, en appelant à la rescousse quelques mercenaires formés ailleurs, certes, mais vraiment personne n’avait rien à dire sur le LOU, faut pas déconner non plus. Ainsi, contre toute attente, ce texte écarté fut certainement l’élément déterminant qui permit l’achèvement inespéré en temps et en heure d’un tel projet confié à de tels incapables. 

Ainsi, comme le dit Sun Tzu dans l’Art de la Guerre : “Les troupes bien disciplinées résistent quand elles sont encerclées ; elles redoublent d’efforts dans les extrémités, elles affrontent les dangers sans crainte, elles se battent jusqu’à la mort quand il n’y a pas d’alternative, et obéissent implicitement.”

Bref, nous avons donc décidé de partager avec vous ce texte, qui vous donnera un premier aperçu de la partie ‘fiches de clubs’ du livre. Si vous trouvez ça bien dites-vous que dans le livre c’est pareil, mais avec des équipes que vous avez déjà vu jouer. Si vous avez trouvé ça nul, dites-vous bien que dans le livre c’est mieux, puisque ça parle de villes que vous avez déjà potentiellement visitées. Et que contrairement à ici, il y a des images grâce à l’excellent graphiste que nous avons séquestré pour le livre.

Conformément à la règlementation, notez que ce texte contient les mots allergènes suivants : Stade, Aurillacois, Cantal, Auvergne.

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Devise : « Què recruta merdou ramassa fédéralou. » (Proverbe traditionnel)

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Aurillac, sa vie animée, son architecture audacieuse

 

La ville :

Il était une fois deux routes, aux confins de deux vallées du trou du cul de l’Auvergne éternelle. Cet insignifiant croisement, comme tant d’autres, était commercialement le lieu idéal pour fonder une taverne. Ainsi la Taverne de la Lulu fut. Rapidement, elle devint un haut-lieu pour les amoureux de philosophie et de blanc-cassis. Cela plût tellement à Saint-Géraud qu’il fonda une abbaye, elle-même réputée pour l’érudition de ses moines et pour son université. Aurillac était née, et depuis, tout notable ambitionnant une carrière politique locale appelle son premier-né mâle Géraud.

L’abbaye devint même le modèle sur lequel fut fondé celle de Cluny. Et la taverne le modèle du Café de Flore. Autant dire que sans Aurillac, le Quartier Latin ne serait rien. Détruite, l’abbaye fut retrouvée au moment même où la dernière de la longue dynastie de Lulu abdiqua, comme un symbole©.

La ville fut l’une des premières à se constituer en sauveté, ville sans servage, où quiconque pouvait tenter de redémarrer à zéro. Aujourd’hui encore, la tradition se perpétue, accueillant fin-août tout ce que la France compte de marginaux asociaux irrécupérables. Ainsi, babs, punks à chien, intermittents du spectacle et CRS (les alcooliques A.O.P. étant déjà sur place) se réunissent pour un festival de théâtre de rue, majoritairement gratuit, populaire, et à plus de 5 heures en transports de la place de l’Odéon. Autant dire que le retentissement médiatique est largement inférieur à ce qu’il devrait dans les milieux culturels. C’est d’ailleurs pareil pour le rugby, à part qu’il faut remplacer l’Odéon par le Capitole.

Depuis sa fondation, Aurillac jouit d’une paix relative. En effet, les Romains, les Vandales, les Arabes, les Vikings, les Anglais, et même les Français  évitèrent tous l’endroit. Ou ne le trouvèrent jamais. Ou s’y perdirent. Ou ne le cherchèrent même pas, les sources divergent sur le sujet (il faut aussi dire que pour la dissuasion, la gastronomie auvergnate est une arme chimique très efficace). Ainsi, énième aberration du calendrier, le Cantal ne pût quasiment jamais défendre ses chances à domicile. Il faut tout de même signaler les exactions ponctuelles de hordes d’Aveyronnais cirrhosés, surnommés les jaunis Ruthènes, mais qui ne venaient que parce que l’on se fait encore plus chier chez eux que dans le Cantal. 

 

La ville vue par le reste de la France :

« Ah, oui, c’est le point bleu sur la carte de la météo. Mais c’est quoi au juste ? Un bosquet ? »

Ce à quoi tout les Aurillacois répondront : « Ça se voit que tu connais pas Saint-Flour. »

Ce qui tend à prouver que, de la même manière que quiconque est le con de quelqu’un, toute ville est l’Aurillac d’une autre. 

 

Le club :

Le club naît début 1904 de l’union de l’équipe des lycéens et de celle du 139° régiment d’infanterie. Des premiers, il a hérité d’un goût pour les fêtes alcoolisées enthousiasme certain. Des seconds, il a hérité de la propension à enculer des chèvres faire feu de tout bois. Ça n’a pas pris tout de suite. Il a fallu que les paysans locaux se mettent au rugby pour faire le liant, par la grâce de leur sens aigu de la diplomatie. Il suffit d’avoir une fois dans sa vie discuté avec un agriculteur Cantalou pour se rendre compte de son mépris poli pour les débats contradictoires -et pour voir ressurgir l’ancestral instinct de survie cher à Darwin chez celui qui a tenté le sus-dit débat.

Enthousiasme, pragmatisme et solidarité (de gré ou de force) sont donc devenus les trois mamelles fondamentales du Stade Aurillacois. Et dans le Cantal, les mamelles, on sait les utiliser. Non, mesdames, rien de graveleux et/ou prometteur. Simplement l’économie du département étant basée sur la production laitière, la nécessité implique de savoir tirer le meilleur de la partie charnue des mammifères femelles.

Depuis l’immédiat après-guerre, le club affiche une régularité remarquable, se situant presque toujours dans les 30 meilleurs clubs français (mais jamais au-dessus de la 9° place, faut pas déconner non plus). La grande réussite fut de parvenir à prendre contre toute attente le virage du professionnalisme. Jusqu’à, presque par hasard, faire partie de la première formule de la 1° division professionnelle du rugby français durant 3 saisons. Puis à atteindre SON Graal lors de la saison 2000-2001. Avec deux victoires à l’extérieur face aux ennemis Brivistes et Clermontois, le club pouvait redescendre en 2° division avec le sentiment du devoir accompli.

Depuis, Aurillac est devenu une place forte de la ProD2, ne la quittant qu’une année pour la Fédérale 1 en 2006-2007, le temps de glaner un titre de champion de France. De 2007 à 2010, Aurillac fut ainsi le plus gros palmarès du rugby auvergnat, à égalité avec le RC Vichy. Je précise juste ça pour faire plaisir aux supporters de l’ASM : être 3° pour une fois, ça a dû vous changer.

Entre autres motifs de frustration, Aurillac est historiquement un excellent centre de formation, mais qui profite surtout à d’autres. Ainsi, Olivier Magne, Thomas Domingo, Sébastien Viars, Jean-Marie Bonal, Ludovic Mercier ou Daniel Kotze pour l’équipe de France ; Keith et Mark Andrews pour les Springboks, tous firent leur classes à Aurillac. Et tel un vulgaire jeuxvideo.com, furent mutés ailleurs dès que (et parfois avant) l’investissement s’avéra rentable.

Néanmoins, d’échecs en semi-réussites, le Stade Aurillacois poursuit sa route cahin-caha, loin du regard des médias, à l’abri de gros sponsors, au mépris du bon sens, et avec pour seule gloire le fait de ne pas à avoir de honte. Dans un pays ou les seules plantes consommables qui poussent sont la gentiane et la châtaigne, on apprend à en faire de l’alcool ou à vivre de protéines. On a les missions qu’on peut, le tout est de les réussir.

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Aurillac, par un bel après midi d’été.

 

Le stade et les supporters :

Pendant longtemps, le stade Jean-Alric était vieux, moche, et vétuste, à l’image du réseau routier local. Puis, il y a peu, des camelots parvinrent à braver les nombreuses embûches, et arrivèrent à Aurillac. Là, ils firent démonstration de merveilleux produits que nul n’avait jamais même imaginé, et pour une fois ne furent pas brûlés pour sorcellerie -une première depuis l’Aveyronnais qui vint présenter un liquide jaune magique, qui devient blanc quand on verse de l’eau dedans. L’effet fut saisissant, et ainsi l’une des tribunes (celle des riches, les pécores attendront) fut entièrement refaite à base de bouts de plastique rouge. Depuis, le Cantalou, avide de voir ses routes à leur tour enfin refaites, vit dans la peur qu’elles soient revêtues avec le mystérieux matériau.

Ce stade est peuplé d’êtres étranges, inimaginables au commun des mortels et chimérique sujet favori de la crypto-anthropologie : les supporters du Stade Aurillacois. Ceux-ci présentent l’avantage, sur leurs équivalents Brivistes ou Clermontois, d’être en nombre plus restreint. Ce qui réduit d’autant les nuisances. En outre, humble, fidèle et avec une moyenne d’âge supérieure à celle du Sénat (donc ce qu’il perd en urine, il le gagne en expérience), il a à titre individuel la particularité d’admettre ne rien connaître aux règles de rugby. Ainsi, fort de la certitude de ne rien comprendre aux décisions arbitrales, il gueulera encore plus fort que ses concurrents encore persuadés de maîtriser la règle du hors-jeu. Dans le jargon, c’est donc ce que l’on appelle un public de connaisseurs.

 

Scénario idéal : 

Avec une équipe de France totalement à la dérive, le public français délaisse peu à peu le rugby. Les audiences commencent à baisser, donc les droits TV. Petit à petit, le rugby commence à perdre ses investisseurs. De dépôts de bilan en modèles économiques devenus inadaptés, les anciennes armadas du Top14 ne sont plus que de lointains souvenirs. 

Avec son immuable budget de 4 millions d’euros, le Stade Aurillacois devient le deuxième plus gros budget du rugby français, derrière l’intouchable Stade Montois. Ce sont aussi les deux seules villes françaises où le rugby intéresse encore un peu, mais c’est aussi que personne n’a jugé bon de les prévenir (c’est l’avantage pour les derniers dont le mode de communication favori reste le fax). Les deux clubs se partagent en tout cas la plupart des Brennus lors de la deuxième moitié du XXI° siècle, tout en se faisant éliminer par des clubs roumains en coupe d’Europe.

 

Scénario catastrophe : 

Les volcans d’Auvergne se réveillent ! Aurillac est rasée de la carte, les victimes s’y comptent par dizaines (par millions, si on inclue les vaches et les vieux). Les burons attaqués par le magma, des vagues de fromages fondus déferlent de toutes part, engloutissant les rares traces de civilisation auvergnate dans un torrent à l’odeur exquise, mais plutôt difficile à digérer. Les derniers survivants aux vagues lactées décèdent finalement d’extase et d’indigestion, dans un dernier rôt plaintif quémandant quelque patates sautées pour alléger le vénéneux et divin mélange.

Mais à toutes choses, malheur est bon : Clermont-Ferrand aussi disparaît. Néanmoins, cette solution à des siècles de rivalité n’arrange réellement aucun des deux partis (même si au Pays Basque, certains admirent cet exemple de fusion réussie). Plus intéressant, avec une température moyenne (ressentie) de 600°C, Aurillac n’est plus le point bleu de la météo.

Le Stade Aurillacois n’est pas épargné. Seuls deux Géorgiens, un Wallisien et le président Millette eurent la capacité stomacale pour encaisser tout cela, au prix d’une IMC encore plus morbide. Insuffisant pour se maintenir, évidemment, mais au moins, ils ont pour une fois une excuse valable pour être en surpoids.