Le Cantalabo analyse Aurillac-Perpignan
par La Boucherie

  • 30 April 2015
  • 6

Par Capitaine A’Men’Donné (image de titre par @greub1)

 

Le vol de la compagnie USAP-Airlines reliant Perpignan à Aurillac s’est crashé ce week-end dans les montagnes du Massif Central. Pour mieux comprendre la catastrophe, voici un dossier exposant les principaux éléments connus sur cette terrible tragédie. Avec en exclusivité pour la Boucherie Ovalie, la retranscription de la boîte noire retrouvée dans les décombres fumants de l’amour-propre catalan éparpillé dans tout le parc Hélitas d’Aurillac :

 

Vestiaires visiteurs du stade Jean-Alric, Aurillac- le 25/04/2015 à 16h45 – Causerie d’avant-match :

Alain Hyardet : Bon, les gars, on va pas y aller par quatre chemins, parce que c’est déjà comme ça qu’on est arrivés ici -foutu trou paumé. En face on a le Stade Aurillacois. Le Stade Aurillacois, putain ! Leur budget, c’est notre déficit ! On a un standing à assurer, les paysans du coin vont venir voir la grosse équipe de la division, donnons-leur en pour leur argent ! Offrons à ces pauvres gens un peu de rêve et de lumière avant qu’ils repartent pousser le cul de leurs vaches à la con toute la semaine! C’est leur sortie annuelle à ces gens-là, et ils sont déjà impressionnés par leur nouvelle tribune en plastique rouge. Alors imaginez, voir pour de vrai le grand David Marty ! D’ailleurs, à la vitesse où arrivent les informations dans ce coin, ils doivent croire qu’il est encore un bon joueur…

David Marty : Hé !

Alain Hyardet : Silence pendant mon speech ! Et leur équipe, vous avez vu ça ? À l’aller, ils ont profité des conditions pour faire le nul chez nous. Mais là, on va leur faire comprendre qui c’est les plus forts ! Jouer sous le vent et la pluie et les pieds dans la boue, ça leur avait profité, ils connaissent bien. Sans compter ma blague avec Henry (Tuilagi, note du transcripteur) en seconde ligne -haha c’était marrant, ça ! Mais avec des conditions normales comme aujourd’hui, on va voir s’ils arrivent à nous contrer en touche et à nous embrouiller en mêlée ! Bordel, le tiers de leur équipe, c’est des troisièmes couteaux dont l’ASM n’a pas voulu ! Alors qu’ils ont gardé Radoslavbidule ! C’est vous dire si ça doit pas voler bien haut !

Julien Farnoux : Euh…

Alain Hyardet : Ta gueule bleu-bite ! On sort d’une semaine de vac… de stage de cohésion ! Alors je veux voir de la cohésion ! Tout le monde à l’unisson, tout le monde dans le même sens, pendant 80 minutes ! Dès le début du match, on les prend à la gorge !

 

1ère mi-temps – Turbulences:

2° minute de jeu : essai Aurillac. Albert Valentin réceptionne une passe de McPhee sur ses 40 mètres en bord de touche, puis court tout droit -à l’exception d’un cadrage débordement sur Farnoux. Les vœux de Hyardet sont exaucés : l’équipe de l’USAP est tout à fait cohérente, puisqu’à part Duvenage et Mjekevu, ces sales individualistes, tout les autres sont à l’unisson dans la médiocrité. C’est d’ailleurs sur une combinaison bien menée par les deux Sud-Africains que Perpignan revient au score. Mais entre les fautes sanctionnées par Petitjean, la touche perpignanaise à la dérive et le manque d’agressivité dans les rucks, la mi-temps est atteinte sur le score de 21 à 7 pour les Cantalous -malgré une légère domination en mêlée des Catalans. Quoique subissant des turbulences, rien ne permet encore de prévoir un tel crash. En effet, la mise en route des systèmes auxiliaires de sécurité permettent encore de penser, à ce moment-là, que la tragédie pourra être évitée.

 

Plan de jeu du Stade Aurillacois (communiqué par une internationale française préférant garder l’anonymat) :
Ballon Perpignan dans leur camp → Faute aurillacoise → Pénalité USAP → Touche USAP dans les 22 aurillacois → Récupération Aurillac → Petitjean → Touche USAP 20 mètres plus loin → Récupération Aurillac → Petitjean → Touche USAP 20 mètres plus loin → idem jusqu’aux 5 mètres perpignanais → récupération Aurillac → D’une manière ou d’une autre, essai Aurillac.

 

Le plus dur pour les Cantalous étant de ne pas éclater de rire. Plan exécuté à la perfection, et débouchant tour à tour sur un groupé pénétrant victorieux pour l’essai de Maituku (35′), puis une récupération de touche et un sprint en marchant pour celui de Roussel (59′), et enfin un essai de Pénalité (72′), deuxième meilleur marqueur d’essai Aurillacois cette saison. Car, oui, à l’instar Beauxis et Poux à l’UBB ou de Bouilhou à Pau, les réprouvés du Stade Toulousain retrouvent une seconde jeunesse loin du Capitole.
 

La touche de l'USAP a encore du travail.
La touche de l’USAP a encore du travail.

 

Vestiaires visiteurs du stade Jean-Alric, Aurillac- le 25/04/2015 à 17h45 – Discours à la mi-temps :

Alain Hyardet : Mais c’est quoi ce bordel ?

Grégory Patat : Bè c’est Aurillac. Ils jouent pour la qualif’ eux aussi.

Alain Hyardet : Quoi ? On joue à un tel niveau qu’une équipe comme Aurillac fait partie des outsiders ?

Grégory Patat : Bè, oué. On est en Prod2, vous vous rappelez ?

Alain Hyardet : Oué bin même en Prod2 ce genre de choses, c’est scandaleux ! Inimaginable !

François Gelez : Enfin, vous étiez prévenu, ils étaient déjà pas mal quand vous entraîniez Aix-en-P…

Alain Hyardet : Quoi Aix-en-Provence ? C’est quoi Aix-en-Provence ? C’est où Aix-en-Provence ? Connaît pas, ça n’existe pas ! C’est une invention de journalistes ! Quant à toi François, à ta place je fermerais ma gueule ! Vouloir produire du jeu avec David Marty en chef d’attaque ! On aura tout vu!

François Gelez : Oué bin en attendant, c’est avec ça qu’on a pu marquer un essai. Enfin en évitant David, quand même. Parce que récupérer des pénaltouches grâce aux mêlées, ça nous amène pas bien loin…

Alain Hyardet : Tiens d’ailleurs, ça vient d’où qu’ils sont bons en touche ?

Grégory Patat : Bè, c’est leur point fort depuis 2-3 ans. Vous avez pas regardé les analyses-vidéo ?

Alain Hyardet : Quoi ? On joue à un tel niveau qu’on doit étudier le jeu de l’adversaire ? Mais merde à la fin ! Bon, puisque c’est comme ça, on change Raphaël (Carbou, ndt) pour Benoît (Cabello, ndt) à la première occasion. On va voir s’ils continuent à nous faire chier en touche ! Heureusement qu’il y a Rudy à la mêlée ! Devant, c’est le seul qui joue à son niveau !
(les dialogues marqués en italiques sont en anglais sur l’enregistrement):

Dewaldt Duvenage : Sérieux ? Rudy fuckin’ Chéron ?

Alasdair Strokosch : Yep. Le pire,c’est que c’est vrai ce que dit le coach.

Dewaldt Duvenage : Mais qu’est-ce que je fous dans cette galère ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Alasdair Strokosch : C’est à moi que tu demandes ça ?

Dewaldt Duvenage : (soupir).

Alain Hyardet (à tous) : Bon, du coup, faut y remettre le nez ! Dès la reprise, je veux qu’on leur fasse payer ! Du combat, du combat, du combat ! Allez les gars, motivés !

 

2° mi-temps – Krabardaf:

42° minute, essai Aurillac. Le ballon est envoyé à l’aile après quelques temps de jeu. Le talonneur Leiataua hérite du ballon sur la ligne médiane. 4 gros contre 4 gros, la menace semble faible. Mais Chéron, bon en mêlée ce samedi, est beaucoup moins à l’aise dans le jeu. Il décide d’innover en défense en écartant les bras et agitant les mains pour faire peur au Samoan. Celui-ci l’expédie au sol d’une pichenette, le laisse gisant à terre, puis galope tout droit vers l’en-but. 28 à 7, la messe est dite.

Le système de sécurité Strokosch entré en jeu met du temps à être efficace, faute de ballons. Alors, c’est le protocole Cabello qui est envoyé pour sauver la touche catalane du désastre. Peine perdue, malgré un essai marqué par Bothma à la suite d’une touche enfin réussie sur lancer de l’ancien Clermontois. Se sera l’une des très rares touches maîtrisée par l’USAP. Le reste du jeu ne sera que rouge et bleu, et même la mêlée deviendra chasse-gardée des Aurillacois sur les 30 dernières minutes.

Ne se décidant à garder la balle qu’en toute fin de match, Perpignan prendra même un 6° essai sur interception de Conor Gaston pour clôturer le score à 52-14.
 

Le raffut de Leiataua sur Chéron : délicat et destructeur à la fois.
Le raffut de Leiataua sur Chéron : délicat et destructeur à la fois.

 

>Note du Stade Aurillacois à l’attention des recruteurs des autres clubs, publiée juste après le match :

Laissez-nous tranquille, Manu Leiataua est encore sous contrat jusqu’en 2016. Et puis, arrêtez de recruter par Youtube, c’est ridicule. Si vous vous intéressiez un peu, vous sauriez déjà que c’est un bon joueur. Et vous sauriez aussi qu’il nous a coûté la victoire à Biarritz. Alors pas la peine de s’enflammer.

(En revanche, si vous êtes prêts à cracher la thune pour racheter sa dernière année de contrat, nos bureaux sont ouverts de 9h à 17h, 64 boulevard Louis-Dauzier, 04 71 43 37 95. Pas sérieux s’abstenir.)

 

Vestiaires visiteurs du stade Jean-Alric, Aurillac- le 25/04/2015 à 18h15 – pendant de la 2° mi-temps :

L’enregistrement devient ici confus. Il semblerait qu’après sa sortie du terrain, le jeune talonneur usapiste Raphaël Carbou soit allé directement au vestiaire. Miné par sa performance catastrophique en touche, il se serait enfermé dans la salle, refusant le dialogue et l’entrée à quiconque. On entend Grégory Patat tenter de le raisonner avec ces mots :

« Allez, calme-toi. Ça arrive aux meilleurs. Rappelle-toi Brice Mach en équipe de France comment c’était drôle. Et puis, je suis pas sûr que ce soient tes lancers qui soient les seuls en cause, les annonces étaient foireuses aussi. On a pas assez travaillé là-dessus, c’est notre faute aussi. On aurait pas dû t’envoyer au casse-pipe, surtout contre Aurillac. Benoît (Cabello, ndt) fait pas mieux en ce moment. Ni Romain (Terrain, ndt) ou Jean-Philippe (Genevois, ndt) au match aller. On était prévenus, à l’époque, on a préféré mettre le match nul sur le compte des conditions climatiques et de l’arbitrage… Ça évite de se poser les vraies questions, on a merdé, voilà. Allez, ouvre… »

 

Pelouse du stade Jean-Alric, Aurillac- le 25/04/2015 à 19h00 :

De rares survivants catalans hébétés traînent leurs âmes souillées autour de l’endroit du crash. Seul Grégory Patat, ancien Auscitain et habitué à de telles branlées en des lieux aussi inimaginables que la Haute-Auvergne semble réaliser. Rudy Chéron, imperturbable, reprend des chipolatas au stand de grillades. Jean-Pierre Perez médite sur le fait que pour la première fois de sa longue carrière, il n’a commis aucune faute stupide sur ce match, et se dit que si c’est pour ce résultat, autant taper des gens.

Dewaldt Duvenage, lui, est l’un des rares Perpignanais à pouvoir être fier de son match. Décisif sur le premier essai de son équipe, actif sur le second, il est marqué par ses échecs pourtant pardonnables en défense : il a failli rattraper Valentin sur le 1° essai, malgré 15 mètres de retard ; il a échoué à plaquer Leiataua, la faute à une trop grande différence de poids ; il a au moins tenté (contrairement à ses coéquipiers) d’empêcher Roussel de marquer trop facilement ; il a même failli aller plaquer l’arbitre sur l’essai de pénalité -freinant heureusement son réflexe à temps. Prostré, on l’entend murmurer le refrain du Massif Central de Frank Black. « Please, don’t run away. Please don’t run away… ».
 

 

Perpignan, à la même heure :

Devant sa télé, Lifeimi Mafi a la larme à l’œil : suspendu pour ce match pour cause d’accumulation de cartons jaunes, il a apprécié la solidarité de ses coéquipiers du centre, puisque Piukala et Marty y sont chacun allés de leur carton jaune idiot. Paul Goze trouve que c’est décidément très bien que l’an prochain les matchs de d2 se jouent le jeudi, car alors personne n’aura de nouveau à voir pareille chose.
Dans le centre-ville de Perpignan, une marche silencieuse spontanée s’organise en hommage aux victimes. Enfin, « en hommage » ou « en représailles », on ne sait plus trop.

Pour lancer la reconquête, il faudrait déjà avoir une conquête au départ. Ce constat pourtant limpide ne semble toujours pas avoir vraiment été saisi par l’encadrement de l’équipe. Avec la réception d’Albi et le déplacement à Agen pour finir la saison, soit deux gros bras assoiffés de points dans la course à la qualification, l’USAP a pourtant encore à cravacher pour obtenir les phases finales, objectif a minima d’une saison dont les ambitions ont déjà été revues à la baisse.

 

Aurillac, 24h plus tard :

La gueule de bois s’estompe, les espoirs de qualification un peu aussi. Émergeant enfin, les Cantalous voient les autres résultats de la journée. Dans la plus pure tradition Auvergnate, ce coup d’éclat ne servira probablement à rien. Albi vainqueur à l’extérieur prend solidement position à la 5° place, Biarritz a perdu mais a un calendrier plutôt favorable. Un exploit Cantalou à Mont-de-Marsan ce week-end risque bien d’être obligatoire pour aller décrocher une nouvelle qualification pour les phases finales. Mais les Landais affichent une belle santé depuis deux mois, alors que les Auvergnats hors de leur base ont enchaîné les contres-performances ces derniers temps. Reste la saison solide effectuée par cette jeune équipe, qui se retrouve dans le peloton pour la qualification, en ayant joué son premier match vraiment plein de la saison ce samedi seulement.