Retour sur ASM – Saracens (13-9)
par Pastigo

  • 22 April 2015
  • 13

Par Pastigo,

 

Nous nous étions quittés sur une mise à mort, deux strophes où les pieds se comptaient dans la tronche. Northampton outragé, Northampton brisé, mais Northampton martyrisé un point c’est tout. Avec éclat et sans équivoque, Clermont s’était offert les louanges de fin de saison de la presse unanime, la traditionnelle cérémonie d’intronisation à la louse auvergnate ne manquait pas de panache.
Quelle bonne idée d’ailleurs d’enchaîner directement avec les Saracens, l’équipe qui leur avait mis exactement la même l’année passée ! L’avant match sentait fort le backroom SM, où les partenaires inversent les rôles à la moitié du jeu pour que chacun profite bien comme il faut. Pourtant les Sarries n’ont pas particulièrement brillé sur l’exercice 2013-2014. Sortis sans trop de difficultés d’une poule molle, pour ainsi dire un vieux fond de nuggets KFC, ils n’ont pourtant pas réussi à faire grosse impression. Toulouse aurait même presque pu espérer passer devant sans tout le talent qu’on lui connaît.
Cette année leur stratégie semble articulée autour de deux principes phares : être très moches et tuer le rugby, pour devenir aussi détestables qu’ils sont laids. Et ça implique d’être sacrément détestables.

Pour l’événement le stade Michelin n’était pas assez grand, alors on a cherché lieu plus glauque. A ce jeu, c’est toujours Saint-Etienne qui gagne. 60.000 Auvergnats empruntent donc l’autoroute la plus dégueulasse de France et déjà bien préchauffés, environ 40.000 d’entre eux atteindront les terrils, un score honorable sans traverser la Méditerranée. Les survivants, conscients que le musée de la mine n’occuperait pas l’après-midi, se concentreront sur une distraction plus enrichissante : gueuler.

Soyons honnêtes, tenter un compte rendu épique en s’en tenant aux faits de jeu est voué à l’échec. Peu de choses séparent cette rencontre d’un match du vendredi en décembre, hormis peut-être le public, et un moindre dégoût. Il ne reste que l’enjeu, qui cannibalise l’intérêt, de sorte qu’on se souvient vaguement avoir vu un ballon mais personne n’est formel.

Ce pourquoi nous nous concentrerons sur un sujet autrement plus intéressant : le pressoir à huile.

 

img-15-small580

VIe siècle av JP Perez: pressoir classique dit « à arbre »

 

Le pressoir à huile est apparu au XI siècle avant J.-C, sous forme d’une grosse poutre et d’une grosse meule, préfigurant déjà le fonctionnement d’une première ligne de ProD2. La technique restera globalement inchangée à travers les siècles, consistant à exercer une pression insupportable pour en extraire de l’huile, bien que celle-ci se verra perfectionnée à travers l’invention du pressoir à bascule, puis du pressoir à chapelle, jusqu’au pressoir auvergnat que nous connaissons aujourd’hui.

 

770780string2

 2014 : pressoir à huile auvergnat, dont le rendement maximum est obtenu entre avril et juin.

 

40.000 moulins ont donc été mis en branle durant 80 minutes pour obtenir quelques litres d’un nectar premium. Les pauvres boitaient de douleur, pris de tendinite fessière avec pour seul horizon une constipation clinique.

Les Anglais avaient « fait en sorte que Clermont joue de la manière dont il n’avait pas envie de jouer ». Autrement dit à la belote, au frisbee ou au jokari mais pas au rugby. Ça marche, puisqu’aucun entraînement aux cartes n’avait été prévu par Azema dans la semaine, et les Sarries balancent tout au pied dans tous les coins. Comme il n’y en a que deux côté ASM, on en arrive vite à trouver le temps long. Par contre ils auront beau parler de stratégie après match, on ne s’empêchera cependant pas de noter qu’à chaque fois que l’Anglais porte le ballon à la main c’est quand même bien risible. Mauvais choix, approximations, maîtrise toute en Top14 des grands jours, ça peut aussi expliquer pourquoi ils tapent sans arrêt. Seulement voilà, l’ASM a eu la bonne idée de s’équiper d’un Brock James flambant neuf qui équilibre les coups de pieds chiants, mais en mieux et plus sexy.
De fait, les deux équipes alterneront le jeu au pied et la technique dite du demi-TacOTac. Une chance au grattage, et puis c’est tout. On tape au pied, on laisse monter, on gratte, on attend que l’arbitre siffle.
Hormis cela, le jeu est ponctué d’actions plus ou moins ratées, plus ou moins déprimantes. Tel Nalaga qui sur une des rares actions d’envergure ira aplatir en tribune, bien aidé cependant par un placage tout à fait légal et tout à fait à l’épaule d’Ashton. Les arrières gallois pourront désormais s’en servir de jurisprudence.

Ce même Nalaga ne manquera pas d’entrain d’ailleurs pour aider son club, le Rugby Club Toulonnais, quand il s’agira de foirer une réception et d’offrir un essai tout fait à Burger. Essai que seul un Anglais bien décidé à ne pas jouer au rugby sera capable de rater.

Dans un tel contexte seuls les Auvergnats les plus dégénérés trouvent un plaisir certain, tel Bardy qui plaque en apnée sans prendre le temps de toucher le sol ou Cudmore qui, pris par l’enthousiasme, réussit à s’assommer en balançant un coup de tête dans un tas de gens. Pour les stratèges, c’est quand même une belle journée.

Brock James en a un peu marre d’être génial au pied, alors il décide de braver la règle du jour en jouant au rugby. D’une superbe passe il envoie Fofana à l’essai, ce dernier trouvant judicieux d’imiter un plongeon d’Ashton pour se faire une image de gars sympathique.

Tout ceci a lieu dans un bain d’huile constant que l’acharnement du public à gueuler autant que possible masque à peine. Au final, on gagne. (final au masculin)
Ce match était tellement tendu que je n’y ai pris aucun plaisir, cependant je ne suis toujours pas certain d’apprécier le rugby. Il fallait être plein comme une poche pour en sortir satisfait, au mieux quelques heures après un léger soulagement faisait office de bonheur, faut se satisfaire de peu.

Fort heureusement nous voilà en finale, et compte-tenu du match de Toulon le lendemain, on n’a pas fini de faire de l’huile. Les touristes auront de quoi ramener quelque chose cet été. Si on gagne, une armée de zombies spasmeux errera place de Jaude sans cligner des yeux. Un filet de bave coulera de leurs lèvres tétanisées, répétant « je suis trop heureux » jusqu’à s’en convaincre. Et si on perd, on boira un coup. Un bien beau programme.