Rugby d’Avant : Saison 1935-1936, Épisode 2
par Thomakaitaci

  • 16 April 2015
  • 13

Par Thomakaitaci,

 

Pour relire l’épisode 1 , c’est ici.

Le rugby d’avant, avec ses premières divisions à 42 clubs, offre un panel de villes et de destinations assez intéressant. Et encore ce n’est rien par rapport aux 80 équipes qui participeront au championnat dans les années 1970-1980. Néanmoins, cela permet aux joueurs de découvrir chaque recoin de notre beau pays. Prenons par exemple les joueurs du Stade Français, placé, à l’aube du championnat 1935-1936, dans le Groupe C. Les Parisiens, héros d’antan, sont aujourd’hui rentrés dans le rang (marrant comme cette phrase fonctionne toujours aujourd’hui). Eux qui avaient été les premiers « losers magnifiques » en s’inclinant 4-3 lors de la première finale en 1892 contre le Racing Club de France, devant à peine 2000 spectateurs (déjà, on ne se battait pas pour voir du Rugby à Paris), avaient ensuite remporté sept Brennus en dix ans. 

Stade Français – Racing en 1906 : si le rugby a changé, le nombre de spectateurs à Paris n’a pas changé aussi…

 

Donc en Juillet 1935, le Stade Français n’est plus qu’un vague souvenir. Une seule finale – en 1927, perdue contre le Grande Stade Toulousain, 19 à 9 – et encore douze ans à attendre la naissance du messie, Max Guazzini. Les Rouge et Bleu (couleurs originelles du club, petit rappel pour ceux nés après 1998) vont pouvoir se déplacer dans le Béarn (Section Paloise), dans l’Aude (Narbonne), dans les pruneaux (Agen), dans les Landes (Boucau) mais aussi dans le Jura (Lons-le-Saunier) et l’Isère-Ardèche-Aveyron (Vienne). Et contre les apparences, c’est bien ces derniers qui sont les têtes de série du groupe.

Eh oui, le Club Sportif de Vienne s’est qualifié pour les demi-finales du dernier championnat de France, s’inclinant de très peu (11-10) contre Perpignan LES CATALANS. Faut dire qu’ils ont reçu l’aide du fameux Jean Etcheberry, 16 sélections, vice-champion-olympique et devenu entraîneur du club à 26 ans. Le Basque a déjà un palmarès bien fourni à la tête du club : double champion de France Honneur, demi-finaliste du championnat de France Excellence. Reste que cette fois-ci, pour se qualifier pour les phases finales, il faudra sortir de cette autre poule de la mort ©. Narbonne est double finaliste du championnat de France entre 1932 et 1933, Pau champion de France 1928 et régulièrement dans le dernier carré depuis. 

“Un jour Bègles et Bordeaux ne feront plus qu’un… – Qu’est-ce que tu as dit ? Jamais tu entends, jamais ! Je vais t’en coller une !”

 

Mais, pour rassurer tout le monde, le rugby d’avant c’était déjà un sport consanguin, concentré dans le Sud-Ouest. On s’en aperçoit avec la dernière poule de ce championnat 1935-1936 : le Stadoceste Tarbes, le Stade Bordelais, le Stade Pézenas, le CA Bègles, l’AS Bayonne, l’US Dax, l’AS Carcassonne. Humez la bonne odeur de Cassoulet, de truffe, de vin, de confits et d’accent fleuri qui s’exhale de cette poule. Autant le dire tout de suite, le tirage à la Fédération été pipé : il fallait avoir le Stade Bordelais et le CA Bègles dans le même groupe pour assurer le respect des valeurs (LA BAGARRE !).

A l’époque, l’idée d’une possible union entre Bègles et Bordeaux, un machin qui s’appellerait CA Bègles-Bordeaux ou Union Bordeaux-Bègles, euh… ce n’était pas franchement envisagé. C’est vrai aussi que Bègles, ce n’est pas encore grand-chose dans le rugby français, là où le Stade Bordelais, c’est l’autre grand club historique (avec le Stade Toulousain) : premier club non-parisien à devenir champion de France en 1899, le SB enchaîne sept titres en dix ans. M’enfin, depuis la fin de la guerre 14-18, ils dorment. 

Barbe bien taillée, pull en laine : le rugby d’avant c’était déjà un sport de hipsters.

 

Notons aussi la présence du Stadoceste Tarbais, ancien champion de France en 1920 et d’un second club bayonnais (ce qui porte à quatre le nombre de clubs basques en tout : beaucoup de derbys, beaucoup de bagarres !) Mais – et certains journaux de l’époque n’ont pas manqué de le regretter – il n’y aura pas cette année de Boiteusico, ce fameux match entre Lézignan et Pézenas. 

Donc pour ceux qui ont eu la flemme de lire les deux premiers épisodes, le résumé complet des six poules du championnat de France 1935-36 (avec en gras, les favoris pour le titre selon France Olympique, l’ancêtre du Midi Olympique, c’est vous dire si c’est fiable) : 

Poule A : Biarritz Olympique, AS Montferrand, FC Lézignan, AS Tarbes, RC Chalon, Stade Athlétique Bordelais, Stade Nantais.
Poule B : USA PerpignanStade Toulousain, Lyon OU, CA Périgueux, FC Auch, AS Bort-les-Orgues, US Thuir
Poule C : CS Vienne, Section paloiseRC Narbonne, SU Agen, Stade Français, CS Lons, Boucau Stade
Poule D : Stadoceste Tarbes, Stade Bordelais, Stade Pézenas, CA Bègles, AS Bayonne, US Dax, AS Carcassonne
Poule E : Aviron Bayonnais, Racing Club de France, CA Brive, FC Oloron, SC Albi, US La Teste, Stade Poitiers
Poule F : RC Toulon, AS Béziers, FC Grenoble, US Soustons, UA Libourne, UA Gujan-Mestras, US Tyrosse