[Tournoi B] France – Italie : La BRANLÉE inattendue
par Copareos

  • 17 March 2015
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Par Copareos,

 

Il fut un temps où le match à Rome était synonyme de détente pour les joueurs du XV de France : le printemps commence à se faire sentir, les joueurs profitent de la ville, visitent le Colisée, et jouent au rugby pendant deux heures, histoire de faire croire aux Italiens qu’ils font partie du gratin du rugby européen tout en prenant soin de leur mettre quarante points. Seulement voilà, l’Italie progresse – ou le XV du Coq régresse c’est comme vous voulez – et reste sur deux victoires à domicile face à ses cousins latins. L’air est alors passé de « Week-end à Rome » à « Tombé pour la France », et c’est toute l’ambiance d’avant-match qui s’en est retrouvé changée.

En 2011, personne n’osait imaginer un tel scénario. La veille du match, Yoann Huget et Maxime Médard avaient passé la journée sur un Vespa à draguer les belles Italiennes pendant qu’Aurélien Rougerie passait vingt-quatre heures en garde à vue pour avoir uriné sur une statue de Jules César en criant « Gergovie résistera ». Puis en 2013, Saint-André voulant montrer sa supériorité vis-à-vis de son prédécesseur, les joueurs sont restés ensemble toute la journée pour éviter que le cauchemar ne se répète. Au programme : repas dans une pizzeria afin de passer un « moment de convivialité #DesValeursPourLaVie » et passage par la fontaine de Trevi pour souhaiter une victoire française, avec le résultat qu’on connaît. Alors cette année, pour ne pas répéter l’humiliation (bien qu’ils n’en soient plus à une près), PSA a enfermé ses joueurs dans leur hôtel. Fini la rigolade, le XV de France vient à Rome en tant qu’outsider pour ce match qui opposera – d’après les consultants – deux prétendants au titre. Oui, au titre, vous ne rêvez pas.

Malgré cette peur de la défaite, le match n’a pas pu être préparé dans les meilleures conditions. En effet, en plus de la journée de Top 15 disputée la semaine dernière, PSA s’est vu prescrire un arrêt de travail de 10 jours après s’être énervé lors de la conférence de presse à la suite de la défaite face au Pays de Galles, pour « hausse soudaine du taux d’adrénaline, pouvant provoquer la prise de confiance, voire le plaisir ». Le sélectionneur a donc eu peu de temps pour choisir son XV de départ, ce qui peut expliquer l’incompréhension d’une partie du monde de l’Ovalie au vu de la composition d’équipe. Mais après tout, le dernier match des Bleus était imbuvable. Alors, pourquoi pas ?

 

La compo

 compo

 

Le match

1ère minute : Au coup d’envoi, les Français constatent que ce n’est pas Haimona qui joue 10 en face, mais Tommaso Allan. Panique dans les rangs tricolores : tout le monde comptait sur la maladresse du joueur à la queue de rat pour l’emporter. Serein, Lopez les rassure : « C’est bon les gars, il joue à Perpignan, c’est lui qui m’a remplacé la saison de la descente ! ». Tout va bien, le match peut débuter.

3ème minute : Noa Nakaitaci devient le meilleur ailier français depuis 2012 en gagnant un duel aérien puis en avançant de cinquante mètres.

5ème minute : Première touche perdue. Le rythme est trouvé.

8ème minute : Alors que les Italiens dominent largement le début de match, les Français commettent beaucoup de fautes. Pénalité facile ratée par Tomasso LE CATALAN. L’Italie est aussi dans son match, le spectacle est au rendez-vous.

10ème minute : Faute de combinaisons, les Bleus jouent un énième ballon au pied. Problème, ils ne savent ni être précis, ni gagner un duel à la réception des chandelles. Et l’Italie ne profite toujours pas de ces cadeaux. Le match bat son plein.


12ème minute : Dixième en-avant de la partie. Les consultants évoquent les mauvaises conditions météorologiques pendant une compétition se passant la plupart du temps sur les îles britanniques en plein hiver. Les connaisseurs parlent quant à eux d’un mauvais niveau technique. PSA rend responsable le stress « face à une équipe faisant tout de même partie du Top 16 du rugby mondial ».

14ème minute : Tommaso Allen sort sur blessure, sous l’ovation du public italien. Orquera, le bourreau de 2013, entre sur le terrain. La tension se fait sentir chez les Bleus et certains commencent à pleurer.

15ème minute : Des larmes plein les yeux, Mermoz ne voit pas que Parisse est en l’air lorsqu’il le plaque. Pénalité tapée par Orquera. Huget crie de toute son âme : « POURQUOIIIIIIII ? », mais Orquera n’est pas en réussite lui non plus : le ballon tape le poteau.

0-0 selon les règles du rugby
5-0 selon Fabien Galthié

18ème minute : Première prise d’intervalle côté Français. La ola est proche.

20ème minute : Pénalité tapée par Scott Spedding, qui chante la Marseillaise avant de voir sa tentative passer à droite des poteaux.

26ème minute : Les Italiens viennent de sortir leurs tentes pour s’installer dans le camp français.

26ème minute (et deux secondes) : Les tentes sont installées. Un Italien ose une punchline dont Fabien Galthié ne se remet pas : « Hé Goujon, t’as pas une sardine ? ».

27ème minute : Le ballon est finalement perdu par les Ritals, mais rendu par des Français pas rancuniers. Malgré tout, cela ne donne rien. Pour rappel, il y a toujours 0-0.

29ème minute : Très bon plaquage de Dusautoir qui fait commettre un en-avant à son adversaire, en-avant qui se transforme en hors-jeu. Pénalité pour les Français. Le capitaine des Bleus, aidé par Camillo Pez, offre les trois premiers points du match.

0-3, « I will survive » est entonné par les supporters en folie.

34ème minute : Nouvelle faute italienne, que Camillo transforme en points.

0-6, LE CATALAN AUVERGNAT fait taire les rageux.

35ème minute : Les Français avancent de 20 mètres grâce à un groupé pénétrant, puis Lopez slalome au milieu de la défense (?) italienne. Mais en bon Français, et surtout en bon Clermontois, il ne parvient pas à passer le ballon à Fickou et se blesse, à cinq mètres de l’en-but.

36ème minute : Nouveau franchissement de Spedding, nouvelle perte de balle dans les 22 mètres adverses.

39ème minute : Succession de pick-and-go près de la zone d’essai des Ritals, vous connaissez la suite.

40ème minute : Pénalité pour les Français. Scott Spedding inscrit ses premiers points sous le maillot frappé du Coq.

0-9, Spedding saute de joie dans les bras de Lagisquet, qui se fracture la colonne vertébrale.

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France 2 envoie tranquillement des signes à la FFR pendant la mi-temps

 

42ème minute : Nouvelle pénalité pour la France. Plisson, qui vient de rentrer, la réussit.

0-12. Les Français mènent. Je répète : les Français mènent.

46ème minute : L’inarrêtable Spedding relance depuis le camp français en transperçant la défense adverse, avant de remettre à Goujon, qui donne à Guirado, arrêté dans les vingt-deux mètres adverses. Tillous-Borde écarte et Maestri conclut cette action en bout de ligne, après une passe de Yoann Huget. L’essai est transformé par Plisson.

0-19. Personne ne comprend plus rien à ce qui se passe.

51ème minute : Les Français perdent tous leurs duels en l’air mais défendent bien. Après une nouvelle série de phases de jeu dans les vingt-deux mètres adverses, les Italiens perdent le ballon sur une touche. Les deux équipes souffrent donc du même symptôme de stagnation dans le camp adverse.

57ème minute : Pénalité pour le XV de France, réussie par Jules Plisson.

0-22. La gêne commence à se faire sentir chez les spectateurs. Les enfants sont priés de quitter le stade.

59ème minute : Après une série de cinq passes réussies, record en cours, Nakaitaci commet un en-avant… de passe.

65ème minute : Bonne séquence de pick-and-go française dans les vingt-deux mètres italiens, à la suite de laquelle Jules Plisson tape une chandelle en coin pour Yoann Huget qui réalise un smash au-dessus du filet.

24-15 pour les Français dans le troisième set. Balle de match.
Toujours 0-22 si on considère que cette action fait partie du rugby.

67ème minute : Les Italiens tapent toutes leurs pénalités en touche. On peut s’étonner de ces choix car ils n’arrivent pas à franchir le rideau défensif français et ne marquer aucun point joue forcément sur la confiance. Quelques pénalités réussies auraient peut-être relancé les joueurs.

69ème minute : Nouveau temps fort italien dans le camp français. Nouvelle bonne défense des Français. Nouveau ballon rendu. Un jour sans fin.

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Ne rien dire. Ne rien dire. Ne rien dire.

 

71ème minute : Séquence de dix temps de jeu des Français ! C’est exceptionnel ! Le public est en furie, on est proche de l’envahissement de stade ! Plus sérieusement, les Bleus manquent cruellement de créativité quand il s’agit d’aller aplatir le ballon alors que la défense adverse met les barbelés ©.

74ème minute : Le pack français récupère le ballon sur une mêlée italienne, dans les vingt-deux mètres de ces derniers, mais l’action ne donne toujours rien. Patrice Lagisquet (je mets son nom ici pour que vous vous souveniez qu’il y a un mec censé améliorer ces phases de jeu).

80ème minute : Dernière action du match. Les Français démontent leurs adversaires en mêlée et Kockott joue rapidement la pénalité à la main, sur la ligne des cinq mètres. Le ballon arrive dans les bras de Bastareaud qui fait un cadrage débordement puis un retour intérieur magnifique avant de taper un coup de pied pour lui-même et d’aller aplatir avec classe dans l’en-but. Non, je déconne. Il pète dans le tas et va aplatir en force sous les poteaux, au milieu de huit Italiens. Mais il y a essai, on va pas se plaindre. Et en plus Plisson le transforme.

Score final : 0-29. FANNY.

 

Les joueurs

En première ligne, Ben Arous a fait son match, surtout en mêlée où il n’a concédé qu’une pénalité en début de match, quand toute l’équipe était dans le dur. Mas LE BUS CATALAN a fait un match correct mais assez discret, alors que son remplaçant Slimani a été plus présent dans le jeu. Enfin, Debaty n’a pas franchement réussi sa rentrée même s’il a eu son rôle à jouer en fin de match quand le pack français a tordu la mêlée italienne. Côté talonneurs, Guirado a fait un bon match au pays de la pizza, présent dans les rucks et au soutien, comme sur le premier essai français. Son remplaçant Kayser a lui été moins influent sur le jeu et la récupération.

En deuxième ligne, Flanquart a fait un match assez mitigé. Intéressant en touche, il a concédé deux pénalités et ne s’est pas beaucoup montré ballon en main. Maestri a quant à lui prouvé que non seulement il n’était pas une starlette, mais qu’en plus il était toujours aussi bénéfique au jeu français, notamment sur l’essai qu’il marque en début de seconde période. Tout n’est pas parfait mais il reste le meilleur deuxième ligne de ce Tournoi côté Bleus. Entré en cours de match, Taofifenua n’aura existé que dans la bouche de Galthié, qui a amusé la galerie en essayant de dire un mot de plus de trois syllabes, et dans celle de l’arbitre, qui a sifflé une faute contre lui et un en-avant. Sa présence dans les rucks a tout de même été intéressante en fin de match.

Dans la troisième ligne du pack français, Dusautoir a fait du Dusautoir : une défense parfaite, un contre en touche, une bonne présence au nettoyage. Moins en vue que contre les Gallois en attaque. Le Roux a lui concédé trop de fautes et ceux qui le comparaient a McCaw ont pu constater la différence qui subsiste entre les deux à ce niveau-là. Enfin, Goujon, ce joueur que l’on a découvert en même temps que Fabien Galthié, aux dires de ce dernier, a fait un excellent match : une défense de fer, une très bonne présence au soutien (notamment après la percée de Spedding qui amène le premier essai français), et une puissance intéressante, puisqu’il a beaucoup fait avancer le ballon. L’ancien Clermontois a été bien meilleur que Chouly, qui a du mal à être aussi bon qu’avec l’ASM dans ce Tournoi. En plus Yoann Goujon (dixit PSA) c’est le seul joueur du XV de France qui nous répond sur Twitter et qui ne nous déteste pas encore, ça mérite d’être souligné (même si on a peur que le succès le change un peu).


La charnière française a également un bilan mitigé. En effet, si les ouvreurs ont fait un bon travail à l’image d’un Lopez en jambes après dix minutes catastrophiques et avant de se blesser, ainsi que d’un Plisson très inspiré malgré un jeu au pied parfois moyen, Tillous-Borde est totalement passé à côté de son match. Certaines de ses passes au près étaient dignes d’un pilier, il a perdu une mêlée pour une introduction pas droite, n’a pas su rythmer le jeu pour achever définitivement la défense adverse dans les temps forts français et son jeu au pied est loin d’être utile (même si on peut aussi mettre en cause l’échec des autres joueurs dans les duels en l’air). Ainsi, le Toulonnais n’a pas marqué de points en l’absence de Parra. Kockott, qui l’a remplacé en fin de match, a fait un match correct, notamment sur la dernière action lorsqu’il joue la pénalité à la main et lance Bastareaud. L’ex-futur Varois devra par contre faire attention à ne pas trop papoter avec l’arbitre et à regarder le jeu de temps en temps. Le but restant de mettre des essais, avant d’obtenir des pénalités.

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Kockott derrière les rucks, quand il veut trop montrer qu’il est Français.

 

Sur les ailes, Nakaitaci a fait un très bon match : seul joueur français à avoir gagné des duels en l’air ou presque, il a été incisif en attaque et a fait avancer son équipe. Certaines fautes de main viennent cependant ternir sa partie. Huget aurait quant à lui participé au match d’après certaines personnes qui prétendent avoir vu « un objet bleu se déplacer lentement avant de partir à la vitesse de la lumière hors du terrain lorsque la fin du match fut sifflée ». Cependant, aucune preuve ne peut conforter ces témoignages et la question de l’existence de ce joueur reste totalement ouverte.

Au centre, Mermoz et Fickou ont peu apporté au jeu français. L’un d’entre eux a quand même avancé de deux mètres avec le ballon sur tout le match. DEUX METRES. Je ne vous dirai pas qui c’est, mais il est pourtant bon en club et joue en Coupe d’Europe. L’autre a lui confirmé qu’il sait bien jouer, mais pendant deux minutes, ce qui n’est pas si mal que ça si on imagine qu’une rencontre de rugby dure deux minutes. On peut néanmoins admettre qu’ils n’ont pas été beaucoup servis et qu’ils ont réalisé une bonne prestation en défense. Bastareaud, entré en fin de match, a mis tout le monde d’accord en touchant plus de ballons que les deux trublions évoqués précédemment en moins d’un quart d’heure, et en marquant un essai comme il sait le faire, c’est-à-dire comme un pilier.

Enfin derrière, on notera que Spedding a fait un si bon match que les téléspectateurs de France 2 l’ont nommé Talent d’or alors qu’il n’a pas marqué d’essai, ce qui n’était plus arrivé depuis 2004. Il a été incontestablement le meilleur Français sur le terrain. Ses relances ont permis aux Bleus d’occuper le camp adverse, ses multiples franchissements ont fait du mal à la défense italienne et il a même remplacé Lopez en fin de première mi-temps quand il a fallu mettre des points, après avoir raté une première pénalité en début de match, pénalité assez difficile tout de même.

 

Le bilan

Oui, la France a gagné, mais calmons-nous. A défaut d’avoir été la meilleure, on peut dire qu’elle a été la moins pire tant l’Italie était transparente. Si ce match peut rassurer en vue de la lutte pour la deuxième place de la poule D à la prochaine Coupe du monde, et où l’Italie pourrait bien se faire taper par la Roumanie si elle continuer à jouer comme ça, il faudra augmenter le niveau de jeu à Twickenham où les Anglais joueront le Tournoi tout en connaissant le résultat des Irlandais, voire des Gallois.

Quant aux illuminés qui imaginent une victoire de la France en énumérant la liste des soixante-dix conditions nécessaires à un tel scandale, rappelez-vous que l’éclipse solaire de ce vendredi ne signifie en rien un alignement des planètes et donc qu’aucun évènement paranormal n‘aura lieu cette semaine.


Malgré tout, si les Bleus conservent leur niveau défensif, améliorent leur présence en l’air et pimentent leur animation offensive, on peut s’attendre à une bonne surprise. De toute façon, face aux Anglais, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Qui sait, peut-être même qu’ils ne mettront aucun point eux aussi, si Saturne modifie son orbite de 1,75° et que la Lune est pleine.