Et si Guy Novès avait remplacé Philippe Saint-André ?
par La Boucherie

  • 19 February 2015
  • 15

Par Milton Georges,

 

Été 2013. Au terme d’une première année décevante ponctuée par une quatrième place aux Six Nations 2012, Philippe Saint-André est en danger. Sa sélection vient de terminer dernière du Tournoi 2013 et de couvrir la Patrie d’une honte incommensurable pour la première fois depuis 1982. Seules une deuxième place de l’Angleterre et une piteuse victoire sur l’Écosse évitent au XV de France la cuillère de bois et à PSA la guillotine.

Après être allé voir Hugh Jackman dans le dernier Wolverine au cinéma, Pierre Camou revient plein d’audace et de testostérone et pose un ultimatum à son sélectionneur : il exige au moins une victoire en Nouvelle-Zélande. Trois défaites plus tard, Ouin-Ouin est débarqué et on appelle Guy Novès pour la vingt-troisième fois. Contre toute attente, il accepte.

 

La patte Novès se met en place

 

Après avoir insulté l’ensemble des membres de la Fédération de « tartarins et matamores », René Bouscatel se résout à accepter la démission du beau-père du Gendridéal. Celui-ci prend ses nouvelles fonctions au début du mois de septembre et entame la révolution tant attendue du XV de France. Pour son premier stage préparatoire aux Tests de novembre, il décide de rappeler les trentenaires à l’expérience internationale que son prédécesseur dont-on-ne-doit-plus-prononcer-le-nom considérait obsolètes. Exit les Doussain, Samson et autres Guitoune, bonjour Bonnaire, Harinordoquy et Rougerie. Face à la pression des médias et des commentaires sous les articles de Rugbyrama pour sélectionner les jeune prodiges Pélissié et Plisson, Guy Novès improvise une conférence de presse et révèle son mot d’ordre : l’obligation de faire au moins une saison pleine avant de prétendre au XV de France.

 

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Pierre Camou Jackman à Saint-André : « Une victoire en Nouvelle-Zélande ou je te crève, Magneto ! »

 

Aux désormais ex-retraités se mêlent les pas-vieux qui ont déjà fait leurs preuves sur plusieurs saisons comme Parra, Maestri, Chouly ou Fofana. À leur tête, le sauveur de toute une communauté, de tout un peuple, de toute une nation : Trinh-Duc. Guytou entend marquer une rupture nette avec qui-vous-savez et fixe le Montpelliérain comme numéro 1 à l’ouverture, exprimant une volonté claire d’amener de la continuité dans le jeu. Selon des sources contradictoires, ce serait surtout pour emmerder un certain entraîneur-commentateur du service public. Mais la vraie révolution Novès ne se situe pas là ; prenant à contrepied le mythe du Grandisse, Guytou va largement fonder son mandat sur un Granneuf : Frédéric Michalak. Malgré le désir irrépressible de ce dernier d’évoluer à l’ouverture, il a toujours été meilleur à la mêlée et sera donc fixé à ce poste. La charnière Michalak-Trinh Duc sera la clé de voûte du XV de France version Novès.

La patte Novès passe son premier examen au mois de novembre à l’occasion des trois Tests face à la Nouvelle-Zélande, aux Tonga et à l’Afrique du Sud. La première défaite contre les Blacks est très encourageante. Les Bleus font la course en tête pendant une heure, en construisant leur performance sur une surprenante domination dans les rucks. Dusautoir, Bonnaire et Domingo sont sur tous les ballons. Quand ils ne récupèrent pas une pénalité en phase défensive, ils assurent une libération rapide pour Sofinco. Le poignet brisé, une dent cassée et la tête ensanglantée, McCaw n’ose plus s’immiscer dans les zones de plaquage.  Rapidement éreintés par cet étrange nouveau système de jeu consistant à rester en permanence au soutien, les Bleus finissent la rencontre sur les rotules et encaissent trois essais dans les dix dernières minutes par Dagg, Read et Nonu, et s’inclinent 27-31. Une large victoire sur les Tonga et une courte défaite du même acabit contre les Springboks plus tard, et le XV de France présente un bilan comptable négatif mais a rassuré tout le monde sur le contenu. Sur RMC, Moscato s’exclame : « Mais on s’en bat les roubignoles d’avoir perdu, l’important c’est qu’on l’a châtiée, cette pucelle de McCaw ! » Quelques mois plus tard, place aux Six Nations 2014.

 

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Frédéric prend plutôt bien l’annonce de son nouveau poste en sélection

 

À l’approche de la première rencontre face à l’Angleterre, Novès dévoile son groupe. Presque aucun changement à noter, si ce n’est la sortie du groupe de Vahaamahina au profit de Romain Taofifenua. Le compagnon de Guilhem Guirado a détrôné le premier nommé dans la hiérarchie usapienne et multiplie les belles performances depuis la saison dernière. Au Stade de France, les Bleus sont malmenés par les Anglais. Après un premier acte équilibré et très engagé, les deux équipes sont à égalité au retour des vestiaires. Tendus, les joueurs des deux équipes se font des politesses sur chaque plaquage et ça dégénère. Picamoles et Hartley se disent gentiment bonjour et s’échangent des caresses, quand Owen Farrell marche tranquillement vers eux. Avec son insupportable petit sourire à la King Joffrey, il s’arrête, regarde Picamoles, et lui crache un énorme mollard au visage. Louis Banner Picamoles devient fou, fait voler Hartley du bras gauche, étale Mike Brown d’un uppercut dans le ventre alors qu’il essayait de s’interposer, et se rue sur Farrell en hurlant « PA CRACHÉ SUR PICA !!!!! ». Défiguré, l’ouvreur anglais sort sur civière et, alors que toute la France est prise d’une demi-molle, le numéro 8 est logiquement sanctionné d’un carton rouge. L’Angleterre prend le contrôle de la partie et mène donc 24-19. À deux minutes de la fin, tandis que les Bleus peinent à contenir les assauts anglais, Dusautoir récupère une pénalité miraculeuse face aux poteaux, dernière munition pour passer devant. Du bord du terrain, le sélectionneur hurle « les trois points ! Assurez le bonus défensif ! » en brandissant fièrement sa fameuse « patte Novès », vague moignon composé de seulement trois doigts. Peu lucides ou pris de contépomite aiguë, les joueurs obéissent et Michalak passe une dernière pénalité sous les sifflets du Stade de France. Sur France 2, Fabien Galthié se moque d’un sélectionneur qui ignore les règles d’un tournoi de ce niveau.

Après cette défaite inaugurale, le XV de France se ressaisit et enchaîne trois victoires contre l’Italie (35-10), au Pays de Galles (17-20), et en Écosse (10-33). Après la victoire de l’Angleterre en Italie, les Bleus ne peuvent plus finir premiers mais ont l’occasion de réussir leur tournoi en terminant deuxièmes. Lors du dernier match contre l’Irlande, ils dominent leur sujet mais peinent à concrétiser. Alors que le XV du Trèfle est repassé devant à la 70ème, les trois-quarts français transpercent le premier rideau par Rougerie. Le soutien offensif est omniprésent et trois passes après contact plus tard, c’est le Toulousain Brice Dulin qui inscrit l’essai de la victoire en coin. Une juste récompense pour l’arrière, transféré à l’intersaison et en grande forme depuis le début du championnat.

 

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Victime de son succès, la patte Novès adaptée au cinéma

 

Labit et Travers au Stade Toulousain

 

Le départ de Guy Novès a entraîné une petite révolution du côté de Toulouse. Laurent Labit et Laurent Travers ont rompu le pré-contrat qu’ils avaient signé pour le Racing afin d’entraîner le club de leurs rêves. Dans leurs bagages, Claassens, Andreu, et, donc, Dulin. Face à tant de contrats résiliés du côté de la Garonne, Jacky Lorenzetti est furieux. Bouscatel doit casquer un joli pactole et décide d’organiser un match amical à Hong-Kong contre l’équipe francilienne pour se faire pardonner. Jean-Baptiste Elissalde revient à La Rochelle et remplace Fabrice Ribeyrolles. Les deux Laurent transforment le ST en CO bis et réalisent par là même le fantasme de tout le peuple castrais. Marc Andreu et Vincent Clerc se battent après que le Gendridéal a perdu sa place de titulaire, et que l’ancien tarnais l’a humilié au sprint à l’entraînement. À part ça, le Stade Toulousain réalise un début de saison tonitruant, boosté par une nouvelle méthode de travail rafraîchissante.

En tête dès la deuxième journée et une victoire 40-3 contre Bayonne, Toulouse finit logiquement champion d’automne, 5 points devant Toulon. En se focalisant sur les fondamentaux, les Toulousains ont retrouvé une conquête souveraine et disposent de la meilleure mêlée du championnat. Une domination des avants, un pragmatisme dans l’orientation du jeu et quelques percées de leurs trois-quarts Dulin, Andreu et McAlister permettent à Toulouse de glaner plusieurs succès à l’extérieur et de rester invaincus à domicile. C’est chiant, ça marche : l’Anschluss castrais sur Toulouse est réussi. En deuxième partie de saison, le club marque un peu le coup à l’extérieur mais termine à une très satisfaisante troisième place. En barrages, le ST élimine facilement le MHR 23-12, obtenant pas moins de 6 pénalités en mêlée, et grâce à une défense imperméable. Place à la demi-finale face au Racing, directement qualifié.

 

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« – Depuis que beau-papa est parti, je ne joue plus.

– C’est pas grave chéri, on va trouver une solution. »

 

Comme depuis le début de la saison, Toulouse est impérial en conquête. Derrière leur mêlée, les Toulousains marquent quelques pénalités et monopolisent la possession. Nouvelle munition pour Toulouse dans les 22 mètres adverses. Le pick & go ne donne rien et Doussain décide d’écarter. Les deux Laulau n’étant pas encore parvenus à lui apprendre à vriller ses passes, le ballon est intercepté par Benjamin Fall – il existe même dans cette réalité alternative – qui pensait trottiner face au retour d’Huget, puis décide de taper le sprint de sa vie en voyant Andreu revenir sur lui, les yeux injectés de sang et la bave aux lèvres. Avant la mi-temps, le Racing inscrit deux nouveaux essais sur des actions d’école en première main et fait honneur à sa première place au classement des attaques. Sur Twitter, Lartot poste fièrement « jeu de mains, jeu de Franciliens ! ^^ ». La deuxième mi-temps est un calvaire pour Toulouse. Huget reçoit un carton jaune pour avoir bousculé Ducalcon sans ballon, alors que celui-ci l’avait dépassé à la course et filait aplatir le quatrième essai à la suite d’un superbe coup de pied à suivre de Chavancy. Les offensives du Racing sont imparables et l’équipe de Quesada et Berbizier finit par s’imposer facilement, 38-9.

 

Berbizier renonce à sa carrière de commentateur

 

Devant le volte-face de Labit et Travers, Lorenzetti avait en effet tenté le tout pour le tout. Il a convaincu Gonzalo Quesada de rester et s’est servi de l’argent récupéré grâce à Toulouse pour rompre son contrat signé avec le Stade Français. Il fait revenir Pierre Berbizier qui accepte de former un duo avec l’Argentin. Ce nouveau tandem décide de mettre en place un jeu très offensif, auquel les joueurs n’adhèrent pas tout de suite. À la dixième journée, alors que le club reste invaincu à domicile mais n’a toujours aucun succès hors de ses terres, Lorenzetti recrute chez Canal et fait signer Isabelle Ithurburu au poste de préparateur mental. Instantanément, les joueurs deviennent plus dociles.

 

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Si Guy Novès avait remplacé PSA, on aurait été privés de ÇA

 

S’ils ne sont que cinquièmes à la fin des matchs allers, les Racingmen parviennent à mettre leur jeu en place en seconde partie de saison et enchaînent les victoires par plus de 40 points. En terminant deuxièmes derrière Toulon, ils accèdent directement aux demi-finales. Après une facile victoire contre Toulouse, le Racing affronte Toulon en finale. Boudjellal et Lorenzetti s’envoient des piques dans les médias et des pokes sur Facebook. La finale donne lieu à une orgie de rugby. Des relances dans tous les sens, des chisteras, des redoublées, des passes sautées de 30 mètres… Les spectateurs sont bouche bée, les commentateurs se paluchent allègrement et Paul Goze demande à un collègue : « C’est pas contraire au Produit Top 14, ça ? Ça manque de mêlées et de bagarres ». À la fin, ça fait 6 essais partout et une victoire 45-42 pour le Racing au terme de la plus belle finale de l’histoire du Top 14. Après son succès sur le Leinster en finale de la H Cup une semaine plus tôt, le Racing devient la première équipe à réaliser le doublé. Guy Novès, Bernard Laporte et Mourad Boudjellal tombent en dépression et partent en vacances au Brésil dans un camp de shiatsu.

Pour combler le départ de Pierre Berbizier et d’Isabelle Ithurburu, Canal a trouvé un binôme à Marc Lièvremont en recrutant Philippe Saint-André, qui gratifie les téléspectateurs de sa fine analyse et de sa voix suave.

 

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Sa nouvelle carrière de commentateur sportif a rendu Ouin-ouin plus heureux que jamais

 

Pour la saison 2014-2015, Toulouse et le Racing continuent sur leur lancée. À la trêve hivernale, les deux équipes trustent les deux premières places du classement. Côté XV de France, après une tournée d’été satisfaisante ponctuée de trois bons matchs et une victoire en Australie, la sélection s’est imposée trois fois en novembre contre les Fidji, les Wallabies et l’Argentine, et aborde les Six Nations 2015 avec des certitudes. Déprimé depuis la nomination de Novès à la tête des Bleus, Fabien Galthié n’a plus la tête à son club. Dans une spirale négative, le MHR a vu Mario Ledesma être contraint à la démission. Pendant les fêtes, Galthié serait lui aussi parti au Brésil. Il n’est jamais revenu.