XV de France : Pourquoi le mythe du Grandisse © c’est de la merde
par Mathieu Lourdot

  • 06 November 2014
  • 28

 

Par Mathieu Lourdot et Ovale Masqué,

 

Samedi à Marseille, le XV de France va changer de charnière pour la 17ème fois en trois ans (statistique sortie de mon cul, on est pas sur l’equipe.fr) et nous proposera une association inédite entre Sébastien Tillous-Borde et Camille Lopez. Une décision qui, pour une fois, est accueillie avec bienveillance car :

1) Camillo Pez fait un très bon début de saison
2) Pour une raison difficile à déterminer, tout le monde déteste Rémi Talès.

Cependant ne soyons pas dupes, s’il arrivait que Lopez se foire dans les grandes largeurs contre les Fidji, il subira probablement le même sort que Michalak ou Plisson qui ont été annoncés comme les sauveurs avant d’être ringardisés dans des pubs pour Sofincable et Numérico. Rappelons que même s’il semble faire l’unanimité quand il ne joue pas (le fameux syndrome du banni), François Trinh-Duc s’est lui aussi presque systématiquement fait pourrir depuis ses débuts en bleu sous l’ère Lièvremont.

C’est un fait, le poste de 10 est probablement le plus exposé dans le rugby moderne. L’ouvreur est souvent celui qui récolte les lauriers de la victoire mais aussi celui à qui incombe (et à qui décombe) la responsabilité de la défaite. Par son positionnement au cœur du jeu, le demi d’ouverture conduit le jeu de ses trois-quarts, soulage son équipe dans les moments difficiles et sanctionne les fautes de l’adversaire car il est bien souvent buteur (sauf Rémi Talès, que personne n’aime).
Et dans tous les pays, mais tout particulièrement en France, nous avons le fantasme du Grandisse ©.

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Bonjour, c’est ici pour sauver le XV de France ?

 

Le Grandisse ©, Kesseusé ?

Avant toute chose, le Grandisse n’est pas français.

La particularité de ce type de joueur est qu’il est particulièrement rare. En effet, à l’heure actuelle, seuls 3 ou 4 joueurs peuvent se voir attribuer le qualificatif. Le Grandisse, c’est un ouvreur qui excelle dans tous les secteurs de jeu. Il plaque comme un 3ème ligne, il est intelligent, a toujours un coup d’avance sur tout le monde. Il est imaginatif, rapide comme un ailier, soulage son équipe avec de grands dégagements ou la fait avancer avec des coups de pied tactiques. Il a un mental de Samouraï, peut aligner des passes sautées de 40 mètres qui tombent dans les mains ou un drop entre les perches peu importe sa position dans la moitié de terrain adverse et il sait aussi faire du bon café.

Avec cette description, le lecteur reconnaîtra aisément Julien Bonnaire. Malheureusement le lecteur est con car Julien Bonnaire est en fait 3ème ligne. Les quelques mecs que l’on peut qualifier de Grandisse sont des joueurs comme Stephen Larkham, Michael Lynagh, Gérald Merceron et Dan Carter, le CATALAN ©.

Vous noterez sûrement que Jonny Wilkinson n’est pas cité tout simplement car il est anglais et qu’il a l’imagination d’un ver de terre sous Tranxen. Vous noterez également que de très bons joueurs comme Carlos Spencer, Andrew Merthens ou Ronan O’Gara ont également du mal à recevoir le qualificatif de Grandisse à cause de failles évidentes dans leur jeu (une soif de jeu quasi-suicidaire pour le premier, la technique de plaquage de Yoann Huget pour les deux autres). Bref, un Grandisse, c’est presque aussi rare qu’un bon jeu de mots de Matthieu Lartot.

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Carlos Spencer à 39 ans. Dans ta gueule, Sireli Bobo.

Pourquoi la France n’a pas de Grandisse © ?

On pourrait disserter durant des jours sur cette question. Dieu a-t-il voulu nous punir d’avoir osé sélectionner Benoît Baby au poste de demi d’ouverture ? A-t-il voulu compenser la présence du grand Imanol en nous imposant David Skrela ? Problème de formation, de mental de joueurs français aussi solides que leurs homologues du tennis ?

En effet, au cours des âges, on remarque que la France n’a jamais vraiment eu un demi d’ouverture capable de s’imposer comme une évidence sur le long terme. Depuis le début de l’ère professionnel, notre ouvreur le plus complet a sûrement été Titou Lamaison, devenu légendaire pour sa demi-finale contre les All Blacks en 1999. Mais si on a un peu de mémoire, on se souvient que ce mec a souvent été sélectionné au centre, qu’il ne compte « que » 37 sélections et qu’il n’a participé qu’à un Mondial. Difficile de faire de lui un Grandisse de référence donc, malgré tout son talent.

Alors pourquoi, pourquoi nous n’avons jamais de Grandisse ? Malheureusement, nous croyons que la réponse n’est pas à chercher du côté du ciel mais du côté de chez nous. En effet, si tous les médias du pays sont prompts à nous vendre tout jeune puceau portant le numéro 10 comme le messie qui nous offrira la Coupe du Monde, on l’a déjà évoqué, cet espoir disparait bien rapidement. En effet l’exception culturelle française impose qu’après avoir été porté au pinacle, ledit puceau sera balancé dans un caniveau comme Julien Caminati à l’entrée d’une boîte de nuit toulousaine.

Les générations d’ex-futurs Grandisses se sont enchaînées et plus particulièrement depuis la fin des années 1990. François Gelez, Fred Michalak, David Skrela, Lionel Beauxis, François Trinh-Duc, Jules Plisson… tous ces mecs ont en commun d’avoir été un jour annoncés comme le futur grand ouvreur qui manquait à l’équipe de France pour être enfin championne du monde.

Malheureusement au premier plantage, ce mec se retrouve foutu dehors à coups de pied au cul et remplacé par un nouveau futur-Grandisse qui se plante à son tour et ainsi de suite. On a aussi tenté l’ouvreur bon/moyen – le sans génie – fiable mais qui n’a pas la capacité d’avoir une vidéo YouTube compilant ses actions les plus spectaculaires. En effet personne n’irait regarder une vidéo des meilleures chandelles de Gérald Merceron ou des dégagements de Rémi Talès alors que pour les chistéras après-contact réussies de Sonny Bill Williams, là il y a du monde.

A l’inverse tous les bons ouvreurs que l’on retrouve dans les autres pays ont connu des baisses de régime et se sont même parfois vautrés comme des merdes. Mais leur sélectionneur a décidé de les maintenir, parfois au péril de sa propre crédibilité. Un bon exemple en Angleterre avec Owen Farrell, souvent accusé de perdre ses moyens sous pression, mais qui a conservé son poste malgré l’emergeance de joueurs vendus comme plus talentueux que lui, comme Freddie Burns, George Ford ou même Danny Cipriani, le Michalak local, dont le nom revient tous les deux ans, comme un comeback raté d’une star de la pop en désintox.

Le nouveau futur Grandisse s’appelle donc Camille Lopez, ou peut-être bien Pierre Bernard, ou peut-être même que c’est un type dont on ne connait pas encore l’existence, puisque dès qu’un jeune joueur réalise trois bons matchs en Top14, PSA s’empresse de le sélectionner. Ce futur-Grandisse réussira quelques bons matches, il se plantera et on rappellera certainement Michalak. C’est l’Histoire de la vie, le cycle éternel, aussi vrai que j’ai vu le visage de David Marty apparaître dans le ciel en regardant les nuages hier soir.

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Pierre Bernard au moment où il a appris sa sélection avec le XV de France.

 

Le Grandisse ©, c’est vraiment indispensable ?

Bah en fait, non. Diego Dominguez pourrait être apparenté à cette espèce si particulière et pourtant, mal entouré en équipe nationale, il a enchaîné les branlées comme Jerry Collins les Whisky-Coca.

Sur toutes les équipes championnes du monde, seule l’Australie était dotée d’un Grandisse avec Michael Lynagh, puis Stephen Larkham. Les Springboks gagnent la Coupe du Monde 1995 avec le fils de Clint Eastwood à l’ouverture et avec un psychopathe sanguinaire en 2007.

L’exemple le plus frappant reste encore celui des All Blacks qui auront été champions du monde en utilisant trois ouvreurs moyens : Colin Slade et son mental de chips, un Aaron Cruden alors encore boutonneux et cassé en deux par les Français en finale, et enfin Stephen Donald, sorte de David Skrela Leader Price, qui sera pourtant bien auteur de la pénalité de la gagne en finale. De son côté, Dan Carter n’aura jamais fait mieux qu’une demi-finale en 2003, alors qu’il jouait au centre. D’ailleurs, Dan aura gagné presque la moitié de son palmarès en tribunes, tel Maixme Mermoz au RCT.

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Dan Carter recevant une fellation de tout le peuple catalan. 

 

Alors comment on fait ?

Le point commun entre toutes les équipes championnes du monde, c’est qu’elles utilisent des joueurs de rugby. Quand on voit l’appétence des joueurs français pour la MUSCUUUU et PSA qui déclarait à sa prise de fonction qu’il cherchait des Décathloniens, on peut d’ores et déjà dire que ce sera difficile de gagner des matches. A moins que les Décathloniens soient vraiment super bons au lancer de javelot, on aura vraiment l’air con face à Bakkies Botha et son fusil de chasse.

Les champions du monde savent jouer sur leurs forces. Les Anglais et les Boks gagnaient avec un gros pack et un bon buteur, les Australiens et les Blacks gagnaient avec leur jeu de mouvement bien huilé. Ces équipes sont aussi composées de mecs qui jouent ensemble depuis des années et avec un groupe très stable. Inutile de dire qu’on est dans la merde pour 2015.

Alors pour conclure, vu que c’est niqué pour 2015, tentons de créer un groupe pour 2019 en sélectionnant des jeunes et des joueurs moyens mais sûrs (dans le style d’un Talès, d’un Fritz, ou Kayzer) qu’on installe en équipe première. On va enchaîner les défaites au début, se faire déchirer par la presse, mais on les maintiendra contre vents et marées puis on fera le point quand on sera champions du monde au Japon.