Et si… le RCT n’avait pas perdu face à Grenoble au Stade Mayol
par Ketchup-Mayol

  • 29 September 2014
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Par Ketchup-Mayol,

 

6 janvier 2014. 16ème journée de Top 14. 78ème minute de jeu. Toulon mène 21 à 15 face à un adversaire qui s’est montré coriace, mais là, à deux minutes de la fin, les Varois ont la main sur le ballon et un avantage en cours. A la seconde où l’arbitre Laurent Cardona baisse le bras, le ballon s’est envolé des mains de Jonny Wilkinson. Il est intercepté par Alipate Ratini qui file aplatir entre les poteaux au terme d’une course de près de 80 mètres. Le banc grenoblois explose de joie. Une victoire inespérée dans l’antre des champions d’Europe est à portée de pied.

Las ! L’ailier fidjien n’a pas entendu les coups de sifflet de l’arbitre couverts par les hurlements des supporters toulonnais. Laurent Cardona revient au point d’origine de la faute et lève le bras. Jonny Wilkinson montre les poteaux. Quelques secondes plus tard, ce métronome (c) de Wilkinson assure le score final, 24-15. Fabrice Landreau aura beau contester que l’arbitre avait signifié la fin de l’avantage et vilipender un “arbitrage maison” – récriminations pour lesquelles il écopera de trois semaines de suspension, rien n’y fera.

 

Fabrice Landreau réalise qu’il est passé à ça d’un moment historique

 

Bernard Laporte, lui, ne se satisfait pas de cette victoire et se confie avec le franc-parler qu’on lui connaît dans les colonnes de Var Matin. “Honnêtement, c’était un match de merde. On se met en danger et on frise la correctionnelle sur l’interception. On aurait pu perdre le match connement là-dessus, et si ç’avait été le cas, c’est pas à l’arbitrage qu’on aurait pu s’en prendre mais à nous-mêmes !”

La fin de saison

Pour le club isérois, ce match restera dans les annales comme le tournant de la saison. Ce match mettra fin à la dynamique positive du FCG. A l’issue de sa suspension, Fabrice Landreau va jeter l’éponge, écoeuré par ce qu’il vit comme une deuxième injustice arbitrale après le match contre Bayonne un mois plus tôt. Les Grenoblois vont constater avec horreur à quelques journées de la fin de saison que le championnat est tellement resserré qu’alors que les joueurs flirtaient avec une qualification pour les phases finales quelques semaines auparavant, ils vont devoir lutter pour le maintien. Le coup sera fatal : à la dernière journée, ils  rejoindront finalement le Biarritz Olympique dans la charrette de la ProD2, au grand soulagement d’Oyonnax et Perpignan, également sur la sellette.


Le soulagement pour David Marty et tout le peuple CATALAN

 

Pour le RCT, ce match marque le réveil après un début de saison poussif tant en championnat qu’en H-Cup. Le rouleau compresseur de la Rade va tout écraser sur son passage. Bientôt, pas un jour ne va passer sans un article sur le club ou un portrait de joueur au titre évocateur (“Steffon, la caisse !”, “Encore là, Bruni !” et autres “Belan d’As” de sinistre mémoire) dans la presse spécialisée. Le RCT va susciter l’admiration des uns et la haine farouche des autres. L’Equipe titrera “RCT : le Côté Obscur du Rugby”, avec un article de cinq pages de Richard Escot détaillant comment le club de Mourad Boudjellal sonne le glas du rugby français. La possibilité de remporter la H-Cup et le Top 14 devient de moins en moins farfelue, et la Boucherie Ovalie dépeindra Guy Novès comme un vieillard sénile maintenant contre vents et marées que le doublé est impossible.

Il faut dire que les joueurs et le staff sont en pleine confiance. Et pour éviter l’ennui que leur domination suscite, ils décident de se mettre en danger. Bernard Laporte fait tourner son effectif allant mettre jusqu’à trois ou quatre jeunes formés au club sur les feuilles de match contre des équipes de seconde zone comme Oyonnax ou le Stade Toulousain. Comme tout semble réussir aux Varois, ils se lâchent et osent les paris les plus fous, Bernard Laporte allant jusqu’à faire entrer Maxime Mermoz avant la 75ème minute.

Le RCT ne sera battu que deux fois dans les mois qui suivent. La première après avoir envoyé une équipe de seulement quatorze joueurs composée pour moitié d’espoirs contre une équipe de Brive composée d’Arnaud Méla et du KMCC (Krav Maga Club Corrézien) qui s’était substitué aux joueurs de l’équipe (la supercherie passera inaperçue, puisqu’à l’exception de notre spécialiste Capitaine A’men’donné, personne ne connaît le nom ni le visage de l’effectif briviste). La deuxième défaite sera dans l’antre inviolé de l’ASM, où le RCT emmené par Fred Michalak passe à deux doigts de l’exploit malgré une tentative d’intoxication alimentaire à base de potée avariée que n’auraient pas reniée les instances rugbystiques sud-africaines, et le fait que le rôle de buteur ait été dévolu à Mathieu Bastareaud. Interviewé par Canal +, Jacques Delmas confiera en riant : “Ouais, bon c’est vrai, sur ces coups-là on a peut-être un peu déconné.”

 


Matt Giteau s’apprête à faire connaissance avec la technique du “sécateur corrézien”…

 

H Cup : et soudain, c’est le drame

La machine varoise semble impossible à arrêter. Le Leinster prend une leçon de rugby à Mayol en quart de finale mettant un terme sans lustre à la carrière de Brian O’Driscoll. Les Varois semblent marcher sur l’eau au point que Jonny Wilkinson lui-même sort de sa réserve habituelle, déclarant “le doublé, c’est dans le poche”.

Le RCT affrontera donc le Munster au Stade Vélodrome, la résidence secondaire des Varois. Mourad Boudjellal envoie une lettre à l’ERC pour que Nigel Owens ne soit pas l’arbitre de la rencontre. Les responsables de l’ERC ne googleront pas son nom comme il les y invitait et c’est bien le Gallois qui arbitrera la rencontre. Comme le redoutait le président Boudjellal, le match tourne à l’avantage des Irlandais qui s’imposent 24 à 16 après des décisions arbitrales qui font encore débat aujourd’hui.

Mourad Boudjellal va payer cher sa remarque en fin de match quand il sera interrogé par Canal + sur certaines incohérences d’arbitrage comme quoi “Au bout d’un moment ça ne fait plus mal et en plus avec M. Owens, au moins, on a pas été pris par surprise.” L’association britannique Stonewall qui défend la cause gay et lesbienne assignera le président toulonnais en justice pour propos homophobes et il sera condamné à 50 000 euros d’amende et interdit de stade pour les compétitions européennes pendant deux ans.

Le Munster rejoindra donc Clermont, vainqueur des Saracens au terme d’une demi-finale haletante arbitrée par Alain Rolland, dont le père était français, le saviez-vous ? Les Jaune et Bleu survoleront les débats pendant soixante minutes avant d’encaisser trois essais, dont deux de Simon Zebo, l’autre “plus Français des Irlandais”, et de s’incliner sur le score de 24-25.

 

Phases finales de Top 14 :

Trois semaines après sa défaite en H-Cup, Toulon rencontre le RM 92 à Lille. Malgré les déclarations à la presse comme quoi le groupe se recentrait désormais sur l’objectif Brennus, ce sont des Toulonnais empruntés et maladroits qui foulent la pelouse du Stade Pierre Mauroy. On sent que la défaite face au Munster a cassé quelque chose dans le groupe. Au terme d’un match ennuyeux qui garantit le désintérêt pour le ballon ovale de la région Nord-Pas de Calais pour au moins trois générations, le Racing l’emporte 6-3 grâce à Jonathan Sexton. Pierre Mignoni, qui pensait enfin toucher le Brennus cette année tente de se suicider en avalant un pot de brillantine de Jacques Delmas. Jonny Wilkinson, qui avait annoncé sa retraite se demande s’il ne lui reste pas encore une saison dans les jambes.

 

Un rêve de gosse qui s’envole pour la troisième fois…

Bernard Laporte, hagard, répond aux questions des journalistes. “Je ne comprends pas. On avait tout pour réussir le doublé. Je ne sais pas ce qui s’est passé, à quel moment on a fait une erreur…”

L’Equipe titre triomphalement “Le doublé de la lose” tandis que dans un article de cinq pages, le Midi Olympique explique comment la faillite du RCT est le reflet de l’échec d’un système et qu’à trop utiliser d’étrangers qui viennent voler le travail des rugbymen français voilà ce qui arrive, et d’invoquer les mannes de Michel Savitsky et Jack Cantoni…

A Toulouse, un sourire énigmatique de vieux sage se dessine sur le visage de Guy Novès.

 

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