Comment, bande de cons, vous m’avez dégoûté du rugby féminin
par Pierre Villegueux

  • 16 August 2014
  • 35

 

Par Pierre Villegueux,

 

C’est donc ce dimanche que se terminera la Coupe du Monde de rugby féminin, édition 2014. Et ce dans l’anonymat le plus complet, puisque bien entendu personne n’a envie de voir les Anglaises gagner un titre mondial sur notre sol, qui plus est au dépend d’un autre pays qu’on déteste tous, le Canada. Oui, désolé pour vous, mais je ne considère pas des types responsables de Céline Dion, Roch Voisine et autres Garou comme mes « cousins », lointains ou pas. De plus, tout le monde sait que votre George Saint-Pierre ne tiendrait pas un round dans une cage contre Julien Caminati, alors arrêtez de frimer.

Plus que quelques heures avant la fin de cet événement mondial, donc. Et putain, il était temps ! Pourtant, j’étais très enthousiaste à l’idée de suivre cette compétition. La raison principale était bien sûr liée à mon sevrage total de ballon ovale depuis la finale du dernier du Top 14 – ne me parlez pas de Super Rugby, merci. Période de manque où dans un désespoir profond, j’ai même regardé un match entre l’Uruguay et Hong Kong pour les qualifications de la Coupe du Monde (la vraie, celle de 2015).

La seconde raison, c’est que contrairement à beaucoup de gens, j’avais des a priori positifs sur le rugby féminin. J’avais regardé quelques matchs ces dernières années, et j’avais apprécié ce que j’avais vu. Physiquement ou techniquement, j’avais été surpris par le niveau affiché, qui est plus ou moins celui du Biarritz Olympique en 2013. Et j’avais pris du plaisir devant le jeu pratiqué, souvent moins stéréotypé que chez les hommes.

Bref, j’aurais très bien pu apprécier cette Coupe du Monde 2014. Sauf que vous m’avez cassé les couilles. Vous tous. Commentateurs, supporters, officiels, journalistes, twittos à deux balles, même ma mère m’a emmerdé avec cette équipe de France, elle qui n’en a rien à branler du rugby d’habitude.

Pourquoi tant de haine dans un monde déjà si cruel ? Pourquoi es-tu un hater, Pierre ? C’est facile derrière ton écran, non ?

Je vous explique pourquoi vous avez presque réussi à me dégoûter du rugby féminin. 

 

Ces putain de Valeurs du rugby et l’éloge de l’amateurisme

Déjà dès le premier match, ça commençait à sentir mauvais car j’avais la triste surprise de constater que Matthieu Lartot avait annulé ses vacances au Pays Basque avec Imanol pour commenter ce Mondial. Lartot, c’est le type qui porte le même costume Celio, et qui arbore le même sourire de requin sans âme que ton banquier, tu sais celui qui veut te vendre un crédit à 62% qui t’endettera toute ta vie. Il n’est donc finalement pas si étonnant de retrouver ce type sur les ondes pour te vendre la plus grande arnaque sportive de ce début de siècle : les Valeurs du rugby ©.

Dans sa tâche, Lourdot était accompagné de Marie-Alice Yahé, qu’il présentera à plusieurs reprises comme « la compagne de Lionel Beauxis », alors que la blondinette compte au moins 50 sélections de plus que son Bernardo sous le maillot bleu – la condition féminine en sortira une nouvelle fois grandie. Une deuxième ex-joueuse vient compléter ce trio en la personne d’Estelle Sartini. Sauf que elle, c’est pas possible. Elle n’est sans doute pas méchante, ni incompétente, mais à chaque fois qu’elle ouvre la bouche, j’ai l’impression qu’un Aveyronnais en scooter me poignarde les tympans avec une machette. Désolé, mais prendre quelqu’un avec une voix aussi désagréable pour commenter des matchs à la télé, c’est juste une énorme erreur de casting. Un peu comme choisir Jérôme Thion pour enregistrer un album de reprises de Françoise Hardy.

Mais le pire avec ce trio infernal c’est qu’il ne nous parlera pratiquement jamais de rugby, de jeu. Non, il ne sera là que pour relayer la comm’ de la FFR, et nous inonder les oreilles avec ce putain de discours sur les Valeurs ©. Le Top 14 est tout plein d’étrangers et se retrouve gangrené par d’incessantes polémiques puériles. Le XV de France se ridiculise tous les trois mois, tandis que Philippe Saint-André réussit à faire passer François Hollande pour un Président qui a de la stature et une grosse paire de couilles. Par conséquent, les vraies valeurs du rugby se trouvent désormais… dans le rugby féminin ! Ah bah oui, c’est bien pratique. D’ailleurs, pour accentuer ce côté « retour aux sources », Pierre Camou (Monsieur « Le rugby féminin, c’est ni du rugby, ni féminin », rappelons-le) a décidé d’organiser tous les matchs du premier tour sur les terrains d’entraînement de Marcoussis. Ambiance Fédérale 3 et odeur de merguez sont donc au rendez-vous.

Mais pourquoi le rugby féminin aurait-il plus de valeurs que les autres, d’ailleurs ? D’abord, car ce sport est peu médiatisé. Et forcément quand on est pas médiatisé, on est forcément quelqu’un de bien, ça paraît imparable ! Ensuite, car ces joueuses sont des amatrices. Combien de fois n’a-t-on pas entendu « dans la vie Sandrine Grobizou est caissière à l’Intermarché de Givors, elle s’entraîne entre 20h et 22h le mercredi et le vendredi soir, alalah, quel courage ! ». Déjà, entendre ça de la part d’un clown qui touche des milliers d’euros pour commenter 9 matchs par an et faire 3 sujets de 12 secondes dans Stade 2 – et je suis sympa je compte même pas les montres qu’il se fait offrir – ça peut laisser un goût amer dans la bouche.

Ensuite… justement, les rugbywomen françaises ne souhaitent-elles pas sortir de ce statut amateur ? Avoir plus de temps et de moyens pour s’entraîner ? Avoir un vrai Championnat de France ? De tout cela nous n’entendrons bien sûr aucun mot durant la compétition, et on peut déjà supposer que rien ne changera une fois que tout le monde aura oublié le « beau parcours » des Bleues. Mais on s’en fout, parlons donc des Valeurs ©, ça marche toujours pour faire diversion quand vient le moment d’aborder les vrais problèmes. Et misons tout sur l’émotion et le storytelling en racontant le quotidien banal d’une de nos joueuses, ça fait « proche des gens », c’est bien ça !

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Matthieu Lartot ne fait pas que cracher à la gueule de tous les passionnés de rugby, il enfume aussi vos enfants. Arrêtez cet homme !

 

La négation de l’échec français

A l’instant même où les Bleus ont été éliminées par le Canada, on a vu fleurir tout un tas de messages tellement faux-cul et mielleux qu’on aurait cru qu’ils avaient tous été rédigés par Marion Cotillard. Mention spéciale à Lartot, cet homme aux qualités humaines immenses, qui osera pondre un tweet « Votre vraie victoire, c’est celle de l’audimat, 2 millions de spectateurs sur France 4 ce soir ! »

Pourtant, analysons les choses de façon factuelle et en mettant de côté notre sympathie pour cette « belle équipe de France ». Les Bleues ont gagné le Grand Chelem lors du dernier Tournoi des VI Nations. Elles ont disposé de deux mois de préparation à Marcoussis (où elles n’ont visiblement travaillé que la MUSCUUUU et les ballons portés, preuve que la culture du jeu Top 14 a contaminé l’ensemble du rugby français). Elles ont facilement passé des phases de poule où la seule équipe potable sur leur route était l’Australie. Et un boulevard semblait s’ouvrir devant elle après l’élimination surprise de la Nouvelle-Zélande, archie-favorite de la compétition.

Résultat ? Une défaite en demi-finale, à domicile, contre le Canada, 5ème nation du monde. Les Bleues s’arrêteront donc en demie, comme tous les 4 ans, malgré des conditions de préparation idéales et un chemin tout tracé vers une finale contre les rivales anglaises. C’est un échec, point. Personne n’a jamais osé dire que le XV de France de Bernard Laporte avait fait « un beau parcours » en perdant en demi-finale de la Coupe du monde 2007 au Stade de France. Vous voulez l’égalité homme-femme ? Bah alors dites-le, les Bleues ont foiré leur Mondial. Comme les mecs avant eux.

 

Des commentaires toujours plus condescendants

Je ne vais pas vous apprendre que le pire ennemi du féminisme, sont parfois les (soit-disant) féministes. Tous les compliments qui ont été balancés à cette équipe, à base de « regardez, comme elles sont courageuses, elles plaquent dur » (sous-entendez : elles font comme les hommes, c’est touchant !) ou pire encore les remarques sur le physique (« elle est fraîche et pétillante », quelqu’un a t-il déjà dit ça de Yoann Huget ? J’en doute) sont tous plus imbuvables les uns que les autres. Encore une fois, au nom de l’égalité hommes-femmes, je revendique donc le droit de me moquer du gros cul d’Assa Koita, puisque après tout, faire de même avec celui de Mathieu Bastareaud semble être devenu un sport national. Et de dire que Sandrine Agricole a raté des coups de pied que même Jean-Marc Doussain aurait pu mettre.

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« En plus d’être talentueuse, Magali Harvey est très belle ! ». Bah ouais, tu pensais ça tellement incompatible que tu te sens obligé de le mentionner ? 

 

La foire aux hypocrites sur les réseaux sociaux

Vous avez tous vu ces rugbymen internationaux dociles, réciter sagement le mot d’ordre de la fédé et poster des « Allez les filles, on y croit !!! » sur leurs comptes Twitter les jours de match. Ces mêmes joueurs qui ont ensuite probablement passé leur soirée à jouer à Fifa 14, ou qui sont aller draguer des cagoles dans des bars lounges où les Mojito sont à 12 euros. Vous ne vous la ferez pas, le rugby féminin vous vous en foutiez avant, ça n’a pas changé comme par magie.

 

Un public de mongoloïdes

« Au rugby, on ne siffle pas ». Mon cul. La demi-finale contre le Canada à Jean-Bouin a ramené à la vie toute la clique des “supporters” de rugby qu’on avait enfin cru réussir à enterrer avec la Chabalmania. Car non, ce n’étaient pas les supporters habituels du Stade Français : ceux-là ils dorment. Au final, cette ferveur nationale estivale à la con nous a probablement offert l’ambiance la plus crade jamais vue pour un match de rugby en France en dehors du département du Var. Les décisions arbitrales et les joueuses canadiennes ont été systématiquement sifflées, leurs en-avant applaudis, tandis que nos petits Christian Jeanpierre en herbe en tribunes semblaient tout étonnés de découvrir qu’on avait le droit de charger le buteur sur une transformation.

Heureusement tous ces gens-là ne s’intéresseront plus au rugby avant qu’une équipe de France n’atteigne la demi-finale d’une Coupe du monde sur le sol français, donc on a une centaine d’années de tranquilité devant nous. En attendant, on plaint les vrais passionnés de handball, qui eux, doivent voir fleurir ce genre de cons tous les deux ans.

Ah d’ailleurs si vous voulez encore des places pour la finale demain, je crois que des supporters tricolores sont en train de les re-vendre à moitié prix, comme des vulgaires Clermontois à la fin du mois de mai.

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Najat, première supportrice de l’équipe de France de rugby féminin (mais seulement quand elle gagne hein).

 

Conclusion :

OUI au rugby féminin. NON à tous les connards obséquieux et autres moutons qui ont commenté cette Coupe du Monde comme Gérard Holtz commente un Téléthon. Le rugby féminin n’a pas besoin que vous lui portiez ses courses dans les escaliers, ni de votre enthousiasme opportuniste et disproportionné pendant deux malheureuses semaines de votre putain de vie.

On se dit donc à dans 4 ans pour le prochain Mondial que vous ne suivrez probablement car de toute façon on sera tous morts (et ce sera la faute à Mourad Boudjellal et aux doublons).