Et si… la France avait été éliminée par les Tonga en 2011 ?
par Ovale Masque

  • 07 August 2014
  • 15

 

Par Ovale Masqué

 

A l’occasion de la rentrée 2014/2015, la Boucherie inaugure une nouvelle rubrique originale, intitulée : “Et si…”. D’accord, on s’est pas cassés le cul et on dirait le début d’un titre de roman de Marc Lévy, mais c’est facile de critiquer derrière son écran. Dans cette nouvelle rubrique, nous vous proposerons de revivre un match, une action, un évènement, et de réécrire l’histoire en imaginant ce qui se serait passé… si tout s’était passé autrement. En bref, une uchronie, mais nous n’utiliserons pas ce terme pour éviter d’effrayer les première ligne.

Pour débuter, notre bon chef Ovale Masqué a décidé de pondre son seul bon texte de la saison dès le mois d’août, et d’imaginer pour nous un monde où la France aurait été éliminée par les Tonga en phase de poule de la Coupe du Monde 2011. 

 

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France – Tonga, 1er octobre 2011, Wellington, 78ème minute.

 

Il reste deux minutes à jouer. Mêlée à 5 mètres pour la France. Menés 26 à 9 après deux essais tongiens de Hufanga et Moa en première période, les Bleus vont perdre cette rencontre. Piqués dans leur orgueil, ils veulent néanmoins sortir de ce match la tête haute et font le forcing pour réduire le score. La première ligne îlienne s’effondre à plusieurs reprises, mais l‘arbitre de la rencontre, Steve Walsh refuse d’accorder l’essai de pénalité recherché. Le facétieux pilier tongien Alisona Taumalolo toise les joueurs français et en redemande. Las, Dimitri Yachvili décide alors d’ouvrir le jeu. Le ballon passe de mains en mains jusqu’à Maxime Mermoz, qui n’a plus qu’à jouer un 2 contre 1 d’école pour offrir l’essai à Vincent Clerc en coin. Mais l’ailier toulousain échappe le ballon ! L’arrière tongien Lilo tape un grand coup dans la gonfle et part en sprint. Les Français, cramés, sont incapables de le rattraper. Le joueur de l’UBB s’empare de l’ovale et file sous les poteaux pour sceller la victoire de son équipe, 33-9. 

Il reste alors encore quelques secondes à jouer. Steve Walsh, demande que le renvoi soit joué alors que la sirène retentit. Sous la menace d’un 4ème essai qui serait synonyme de bonus offensif pour les Tongiens, François Trinh-Duc décide de taper le renvoi directement en touche. Mais Monsieur Walsh sanctionne alors les Bleus d’une mêlée au centre du terrain, appliquant le méconnu « amendement Michalak ». Les Tongiens disposent donc d’un dernier ballon d’attaque face à des Bleus complètement démobilisés, et vivant cette dernière décision arbitrale comme une injustice. Morath ouvre le jeu vers Siale Piutau, qui efface facilement Mermoz et perce plein champ au milieu d’une forêt de joueurs bleus en train de trottiner. Le joueur des Highlanders fixe Médard et n’a plus qu’à passer le ballon pour Hufanga, qui marque en coin et signe un doublé. 38-9. 

Ce match ne devait être qu’une formalité. Mais ce soir, les Bleus sont éliminés. C’est la première fois dans l’histoire de la Coupe du Monde qu’ils ne parviennent pas à s’extraire des poules. C’est un séisme. 

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La nuit suivante

Au camp de base des Bleus règne une ambiance de guerre civile. Marc Lièvremont, le crâne rasé comme le colonel Kurtz dans Apocalypse Now, erre nu dans les couloirs de l’hôtel du XV de France, un pack de bières à la main. Dans le même temps, ses joueurs dégoupillent complètement. Ivres, la plupart d’entre eux décide de saccager leurs chambres, malgré les rappels à l’ordre de Thierry Dusautoir qui leur sermonne « Hé ! C’est pas bien ! ». Le charismatique capitaine des Bleus ne semble plus avoir d’emprise sur son groupe. Refoulé à l’entrée d’une boîte de nuit par un videur qui l’avait pris pour un SDF, Cédric Heymans déclenche une bagarre générale. Pascal Papé est lui filmé par des caméras de sécurité en train d’uriner sur des œuvres au musée des arts maoris de Wellington. Enfin, Alexis Palisson est arrêté à 4h du matin dans les bras d’une prostituée vietnamienne de 68 ans spécialisée dans les dépucelages. Les incidents sortent dans la presse dès le lendemain en France et c’est tout un pays qui est scandalisé par l’attitude indigne de son équipe. 

Sur Itélé, Eric Zemmour déclare qu’il « avait vu venir cette élimination » et qu’il ne « fallait pas s’attendre à autre chose quand on désigne un Ivoirien capitaine du XV de France ». Alain Finkielkraut, dans « Ce soir ou jamais », fustige le comportement de « racailles » qu’auraient eu certains joueurs comme Vincent Clerc. Christian Jeanpierre, lui, affirme que la France aurait pu être championne du monde « si seulement Marc Lièvremont avait jugé bon de sélectionner Sébastien Chabal, le sportif préféré des Français, que vous retrouverez d’ailleurs ce soir sur TF1 dans un épisode inédit de Joséphine Ange-Gardien ». Après la fameuse couverture mettant en avant les insultes de Nicolas Anelka lors de la Coupe du Monde de football 2010, le journal l’Équipe frappe encore plus fort en décidant de titrer « Bande d’enculés » au-dessus d’une photo des joueurs du XV de France effondrés après la défaite contre les Tonga. 



Révolution à la tête du rugby français

Le XV de France a fait honte à toute une nation. Les hommes politiques de tous bords tentent de récupérer l’évènement à leur profit. Les Bleus sont raillés sur Twitter, insultés dans les bars PMU. Faisant face à une pression médiatique terrible, Pierre Camou prend ses responsabilités et décide de démissionner de son poste de président de la FFR – alors que Jean-François Copé ne lui avait même pas demandé de le faire. Cette annonce est vécue comme un tremblement de terre dans le monde du rugby, mais pas que, puisque l’action de Pernod-Ricard chute de plus de 40% en bourse dans la foulée. 

Le vice-président de la FFR Serge Blanco assure l’intérim pendant quelques semaines, et organise de nouvelles élections. Celles-ci sont organisées au Château de Brindos, lors d’un vote à main levée. Blanco s’assure lui-même du bon déroulement du scrutin en braquant un revolver sur la tempe des votants. Unique candidat, Serge Blanco est élu à 99,9% des voix – en effet, un des membres historique de la FFR, âgé de 102 ans, avait voté pour Albert Ferrasse. 

Très humble, Serge Blanco déclare qu’il « ne souhaitait pas prendre la présidence de la FFR, l’ambition personnelle n’ayant jamais guidé son parcours professionnel ». Mais puisque cette situation de crise exigeait qu’un homme fort soit placé à la tête de la fédération, il « accepte cette mission et fera tout pour redorer le blason de l’équipe de France ». Sa première décision à la tête de la FFR est naturellement d’accorder une subvention de 1.000.000 d’euros au Biarritz Olympique. 

Marc Lièvremont, bien qu’il n’ait pas été reconduit avant la Coupe du Monde, décide lui aussi de démissionner avant le terme de son mandat. Sa tête ayant été mise à prix au Pays Basque, il est contraint à l’exil en Corse, où il passera le reste de ses jours à jouer au poker avec Raymond Domenech. Comme prévu depuis plusieurs mois, Philippe Saint-André prend la tête du XV de France aux côtés de Patrice Lagisquet et Yannick Bru. Serge Blanco s’auto-nomme manager des Bleus, reprenant ainsi le poste laissé vacant par Jo Maso depuis 20 ans la fin de la Coupe du Monde. Blanco prévient tout de même qu’il n’a « aucune intention de s’immiscer dans la gestion du sportif, comme il l’a toujours fait lorsqu’il était président du BO ».

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Serge Blanco, à l’époque où il gérait encore la chaîne de fast-food “Los Pollos Hermanos”. 



PSA AN I : Des résultats décevants

En janvier, Philippe Saint-André annonce une première liste de 30 joueurs et tient compte de l’indignation du peuple, qui n’a toujours pas pardonné au groupe des mondialistes. Ainsi, dans la sélection de PSA ne figure aucun joueur présent en Nouvelle-Zélande quelques mois plus tôt, à l’exception de Dimitri Yachvili, Imanol Harinorodoquy, Damien Traille, Raphaël Lakafia et Fabien Barcella, en pleine bourre avec Biarritz, qui domine le Top 14 depuis l’arrivée sur la côte basque de joueurs comme Dan Carter, Bismarck du Plessis, Ma’a Nonu, Brian O’Driscoll ou encore Bryan Habana. Par contre, aucun joueur de l’Aviron Bayonnais ne figure dans cette liste. Mais on ne peut pas accuser Serge Blanco d’être partisan sur ce coup : c’est juste parce qu’ils sont nuls. 

Le premier Tournoi des VI Nations est malheureusement catastrophique. Malgré une belle première victoire contre l’Italie grâce à un triplé de la nouvelle pépite toulousaine Pierre-Gilles Lakafia, qui a profité du début de dépression de Vincent Clerc pour s’imposer sous le maillot Rouge et Noir, les Bleus sombrent face à l’Irlande au Stade de France, dans un match disputé dans des conditions climatiques extrêmes. S’il avait été un temps considéré que le match puisse être reporté à cause du froid, Serge Blanco a fait peser tout son poids pour que la rencontre ait bien lieu. Une décision qui aura des conséquences dramatiques. Alors qu’il partait pour inscrire un essai en coin, Imanol Harinordoquy glisse sur une plaque de verglas et manque de se blesser grièvement. Heureusement, selon le médecin des Bleus Jean-Philippe Hager, Imanol possède « la plus grosse tête qu’il ait jamais vue », ce qui lui a sauvé la mise. La sortie du nouveau capitaine des Tricolores met néanmoins un coup au moral à l’équipe, qui s’incline 22 à 12 après un doublé du néo-biarrot Brian O’Driscoll. 

Le reste de la compétition ne sera pas de meilleure facture. Les Bleus s’inclinent face à l’Écosse après qu’une tentative de drop de 70 mètres de Damien Traille soit contrée par Dan Parks. Face à l’Angleterre pour le Crunch, PSA décide de rappeler Benoît Baby à l’ouverture pour remplacer un Jonathan Wisniewski décevant lors des deux premières rencontres. Cela ne change rien : les Français sont corrigés par la bande à Jonny Wilkinson, qui a décidé de prolonger sa carrière internationale après le beau parcours du XV de la Rose, finaliste du Mondial 2011 face à la Nouvelle-Zélande – et qui aurait même pu l’emporter sans un arbitrage partial de Craig Joubert, selon les médias anglais.

Lors de l’ultime match au Pays de Galles, la déroute est encore plus grande. Malgré un essai de l’espoir biarrot Philippe Bidabé en début de partie, le XV du Poireau marche sur le XV de France. Alex Cuthbert signe un triplé. George North un doublé. Enfin, Adam Jones scelle la victoire de son équipe avec un essai accompagné d’un salto dans l’en-but. Score final, 60 à 7.

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“Comment ça, Barcella tient plus une mêlée depuis 2009 ?”



Le déclin du XV de France 

Les prochains Tournois seront malheureusement du même acabit. Les tournées seront également des fiascos, avec des défaites à répétition contre les nations de l’hémisphère sud, bien plus fortes. Malgré les critiques, PSA continue de s’appuyer sur l’ossature du Biarritz Olympique, qui vient de réaliser le doublé Top 14 / H Cup . Mais force est de constater que ce sont principalement des joueurs étrangers qui sont responsables du renouveau du BO, alors que des cadres des Bleus comme Yachvili, Traille ou Harinordoquy ont perdu leur influence et vu leur temps de jeu se réduire. 

Dans les colonnes du Midi-Olympique, le président du RCT Mourad Boudjellal n’a pas peur de flinguer le tout-puissant président de la FFR : « Blanco est responsable de tout ce qui arrive au rugby français ! Voilà ce qui se passe quand on recrute des stars à prix d’or et qu’on néglige la formation : on appauvrit l’équipe de France. A Toulon, nous ne pouvons pas rivaliser avec les salaires proposés par le BO, alors nous avons monté un projet à long terme, en misant sur de de jeunes talents. Et ça paye ! Grâce à la génération portée par Yoann Maestri et Gaël Fickou, nous avons terminé 7ème du championnat cette saison. L’avenir est devant nous ».

Malgré les critiques, Serge Blanco a décidé de maintenir sa confiance à Philippe Saint-André, qu’il présente plus que jamais comme « l’homme de la situation ». A un an de la Coupe du Monde en Angleterre, la popularité du XV de France n’a pourtant jamais été aussi basse. Régulièrement moqués par la presse et le public, les rugbymen français n’attirent plus les foules, au contraire des footballeurs, portés en triomphe après leur beau parcours lors du Mondial au Brésil. Désormais, Mathieu Valbuena et Antoine Griezmann ont remplacé Aurélien Rougerie et Maxime Mermoz dans les pubs Dim. Quant au Top 14, ses droits ont été rachetés pour trois fois rien par BeIn Sports, Canal + ayant décidé de ne pas renouveler son partenariat avec la LNR. Un évènement qui a provoqué la liquidation financière de plus de la moitié des clubs engagés dans le championnat, qui sera désormais connu sous le nom de Top 6. 

Dans les couloirs de la FFR, il se dit qu’on espère plus qu’une chose : arracher une finale à Twickenham en 2015. « Rien qu’une petite finale. Une défaite honorable, et ils oublieront tout », affirme un cadre de la Fédération souhaitant rester anonyme. Pendant ce temps, Guy Novès, qui avait refusé le poste de sélectionneur avant la débâcle des Bleus en Nouvelle-Zélande, n’en démord pas : selon lui, tout ça, « C’est la faute des doublons »