Confessions d’un enfant du siècle dernier
par l'Affreux Gnafron

  • 02 June 2014
  • 14

Lundi 2 Juin 08h45 Clinique du Val des Cygnes

 

C’est à l’appel d’un homme en détresse que la Boucherie Ovalie a décidé de répondre. Dans sa chambre de repos où il récupère d’un gros coup de fatigue subi samedi soir, il est là, blessé dans ses certitudes les plus affirmées mais toujours combatif. Car jamais Guy Novès ne plie devant les éléments contraires.

 

Bonjour Guy, tout d’abord cette question pour rassurer tous vos fans  : comment allez-vous  ?
Comme un Lundi, connard. C’est Laurent Bellet qui t’écrit tes questions  ? Et pas n’importe quel Lundi en plus.. Un Lundi de triomphe toulonnais alors que je suis attaché à ce putain de lit, que la bouffe est dégueulasse et que l’aide soignant qui m’a amené la compote ce matin a cru bon de me faire remarquer que cette victoire de Toulon ‘ça restait un succès pour des Rouge et Noirs’. Dès qu’ils me détachent, je l’égorge avec mes dents, ce con. Et ensuite ce sera ton tour. (il s’agite sur son lit et fait grincer les cordages)

 

Euh oui… alors… racontez-nous comment vous en êtes arrivé là  ?
Si je te dis Burgess, Guillamon, Montès, Gear, Yann David, ça te parle  ? Voilà où on en est aujourd’hui. Et encore je passe pudiquement sur Elissalde entraîneur, faut que je fasse attention à ma tension.

 

Euh non, je parlais de votre situation actuelle, dans cette maison de repos de la banlieue toulousaine.
Ah ça… Tout a commencé samedi dernier, au coup de sifflet final de Toulon/Sarracens. Je sentais confusément que quelque chose clochait, j’étais à 34 de tension et

 

34  ?
Oui, mais bon rien de grave puisque j’ai naturellement une tension un peu élevée, autour de 28/29. Quand on passe plusieurs saisons à essayer de faire comprendre l’intérêt d’effectuer des lancements de jeu à Jean-Ba, ça devient normal. Je suis donc allé voir le docteur Boussaton dès le lundi pour faire une prise de bile.

 

Vous voulez dire une prise de sang  ?
Non, de bile. Contrairement à un corps humain classique, le mien est constitué à 70% de bile, c’est un déséquilibre hormonal que les médecins n’expliquent pas. Il existe très peu de cas dans le monde. Il paraît que seul Pierre Salviac dépasse ce taux. C’est son côté dauphin qui ressort  : la bile de Flipper.

 

…Guy, vous venez de faire de l’humour.. vous vous sentez bien  ?
Ben non, connard, sinon je ne serai pas ici. C’est la faute à tous ces médocs., je ne suis plus moi-même.
Donc le docteur m’a dit que je couvais un truc grave mais il n’arrivait pas à déceler quoi. Il m’a prescris une semaine de repos total. ‘Mais je ne peux pas, j’ai une finale de Top14 à préparer’ que je lui ai répondu. On s’est marré comme des gosses et je suis rentré à la maison. En courant pour me calmer les nerfs. D’ailleurs il va falloir que je pense à ralentir devant le radar des Pont-Jumeaux la prochaine fois. 

 

Et comment s’est passée cette semaine  ?
Je sentais poindre une sourde angoisse que je ne m’expliquais pas. Et puis l’annonce des internationaux français qui ne devraient pas jouer plus de 30 matches la saison prochaine est tombée jeudi. Et soudain tout est allé mieux  : pas de Fickou ni de Fritz. Et en plus Maxime Médard et Yannick Nyanga étaient dans la liste  ! Et Michalak aussi  ! J’ai vérifié sur mon calendrier, mais non, ce n’était pas mon anniversaire. J’ai envoyé illico un texto à Max et Yann pour leur dire que je devrais les ménager l’an prochain. Yannick a pleuré et Max s’est préparé un second burger. Ça me donne enfin une excuse valable pour ne plus les mettre sur le terrain.

 

Et puis samedi est arrivé…
Oui, Wilkinson par-ci, Wilkinson par-là. On a eu droit à une overdose de Jonny. Toby Flood m’a dit qu’au bout d’un moment, on s’y faisait. J’ai tout de suite vu que Lamerat n’était pas dans un bon jour. Je le savais bien qu’il était surcôté ce joueur. Dès 2011, je l’avais dit au père Rancoule et on avait décidé de garder Yann David à la place d’ailleurs. 
Kockott aussi est passé à travers. Mais ça je le savais aussi. C’est pour ça qu’on a refusé qu’il vienne l’an dernier. On a bien fait.

 

Guy, vous semblez être dans le déni…
Oui, c’est ce que disent les médecins. Grégory Lamboley aussi est dans le déni, 32 ans qu’il se prend pour un joueur de rugby. Pour l’instant, je suis dans le choc et le déni. Viendra plus tard le temps de la colère mais comme je suis en colère depuis que je suis né, on risque de ne pas voir la différence.

 

Parlez-nous de votre blessure, Guy. Si ce n’est pas trop douloureux bien sûr…
Le plus dur est passé. Je suis en phase de cicatrisation. Au moment où Delon Armitage passe la pénalité du 18-10, j’ai senti une immense douleur en moi et j’ai entendu comme un bruit d’os cassé. Ensuite plus rien, et je me suis réveillé ici, dans cette chambre.

 

Les pompiers venus sur place ont diagnostiqué un simple choc post-traumatique mais aux urgences on a vu sur l’IRM que c’était bien plus grave, non  ?
En même temps, ils sont pompiers les mecs, pas chirurgiens. Sinon, ça se saurait. J’étais semble-t-il prostré, éteint comme Florian contre le Racing.  A la radio, le docteur a décelé une double fracture de l’égo. Une blessure très rare et difficilement soignable par la médecine traditionnelle.

 

Et maintenant, comment voyez-vous la suite  ?
Je vais peut être faire un petit séjour au Tibet, pour me ressourcer au contact des vraies valeurs. Et puis on m’a parlé d’un talonneur népalais de 56 ans, qui a pris sa retraite internationale que j’aimerais contacter. Au retour, je n’exclus pas non plus de passer aux Fidji pour proposer un dernier challenge sportif à Caucaunibuca. La vie continue et le Stade Toulousain est plus fort que les épreuves de la vie.

 

Guy, une dernière question pour finir  : pensez-vous que le doublé soit possible  ?
Aaaaaahhhhhhhhhhh grrppmhjb fjhjjtikbhrhgeh jfhgrkithjitueftgefghhr (un docteur arrive en courant et lui administre un sédatif)

 

Et c’est sur l’image de cette forme humaine, écumant de rage, la bave aux lèvres que prit fin cette interview-confession poignante.