Un navire transportant 30 joueurs sud-africains naufragé au large de Toulon
par Ovale Masque

  • 14 October 2013
  • 15

 

 

Par O. Val Quilmeurt

Après les drames de Malte et Lampedusa, la Méditerrannée s’est à nouveau transformée en cimetière sous-marin, après le naufrage d’une embarcation de fortune qui a coûté la vie à une trentaine d’immigrés sud-africains, vendredi dernier au large de Toulon (Var).

 

Le “rêve toulonnais” en question

Des immigrés qui souhaitaient rejoindre le port de la Rade dans l’espoir de décrocher un contrat professionnel avec le club de rugby du RC Toulon. Un rescapé du drame, Wandilé Tutdjevukantabu, témoigne : « Pour nous autres qui vivons dans les Townships, le RCT représente le seul moyen d’échapper à la misère. Ici, les joueurs noirs sont encore victimes de racisme, et il est difficile de percer dans les championnats locaux. Mais j’ai lu dans un journal que Mourad Boudjellal cherchait à engager un 8ème ailier en tant que joueur supplémentaire. J’ai une bonne pointe de vitesse, des appuis… je me suis dit, pourquoi pas moi ? En France, des mecs comme Benjamin Fall et Alexis Palisson n’ont jamais réussi un cadrage débordement de leur carrière, et pourtant ils sont internationaux. C’est dire la faiblesse de leurs ailiers. J’aurais pu faire mon trou là-bas, j’en suis certain.».

Un phénomène qui ne touche pas seulement les classes le plus défavorisées. Un autre candidat à l’immigration, Vickus Van der Joubert, souhaite lui aussi accéder au “rêve toulonnais” : « J’ai fait l’académie des Blue Bulls (Pretoria), puis j’ai eu l’occasion de disputer quelques matchs en Vodacom Cup. Mais je n’ai pas réussi à décrocher de contrat en Super Rugby. J’ai donc pensé à abandonner le rugby et à devenir fermier, comme mon père. Cultiver les terres, tirer sur des noirs avec ma carabine… c’était un chemin tout tracé pour moi. Mais je voulais échapper à ce destin, tenter le tout pour le tout dans le rugby, ne rien regretter. Quand je vois la réussite en France de parfaits inconnus comme Antonie Claassen, Gerhard Vosloo ou Bernard le Roux, qui réussissent à faire carrière alors qu’ils avaient à peine le niveau pour faire porteurs d’eau en Afrique du Sud, je me dis qu’il y a peut-être une place pour moi là-bas. Je sais que Toulon cherche un 5ème talonneur. Puis j’ai des ancêtres français, je peux même être éligible en Equipe de France, comme Pieter de Villiers. C’est regrettable d’en arriver là et je suis évidemment très choqué par le sort de ces pauvres naufragés. Après, j’essaye de voir le côté positif : ça me fera moins de concurrence. »

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La réaction de Nadine Morano sur Twitter

 

Le gouvernement réagit, Mourad Boudjellal contre-attaque

Un drame qui a bien évidemment fait réagir le Ministre de l’Intérieur, Manuel Valls : « Le gouvernement français présente bien évidemment toutes ses condoléances aux familles des victimes de ce terrible drame. Cependant, il faut rappeler que le Top 14 n’a pas vocation à accueillir tous les joueurs étrangers du monde. Ces recrutements incessants ont fait un effet d’appel d’air et je redoute à présent que d’autres drames similaires arrivent dans l’avenir. C’est pour ça que j’ai demandé à la Ligue Nationale de Rugby de renforcer les mesures visant à mettre en place des quota de JIFF (joueurs Issus des Filières de Formation) plus importants. Il faut aussi que les présidents de club comprennent cette réalité et changent leur politique de recrutement. On ne peut plus continuer ainsi. » Un message soutenu par son collègue Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif : « La solution, c’est de soutenir l’industrie française. Faire confiance au Made in France ! J’ai envie de dire à Mourad Boudjellal : pourquoi recruter un Bryan Habana quand Pierre-Gilles Lakafia et Jacques Boussuge sont sur le marché ? On marche sur la tête. »

Mourad Boudjellal, au cœur de l’actualité ovale en ce moment – le facétieux président toulonnais aurait pour ambition d’organiser un match au sommet contre le club néo-zélandais des Chiefs sur la Lune – n’a pas tardé à répondre aux deux Ministres, avec son désormais célèbre sens de la répartie : « Je suggère à Manuel Valls de s’occuper en priorité du problème des Roms, ce qui lui permettra de continuer à piquer des voix au Front National. Je suis même prêt à l’aider. J’ai repéré un campement illégal non loin de Perpignan. Il y a des gens comme Jean-Pierre Perez qui résident sur le territoire français depuis des années en toute impunité. Manuel Valls parle beaucoup, mais il agit peu. Manuel Valls fait partie du mensonge. Quant à Arnaud Montebourg, je l’invite à constater que le « redressement » chez nos arbitres français est un réel succès, puisque le RCT s’est encore fait glorieusement sodomiser récemment à Grenoble et à Oyonnax. »

Interrogé sur cette situation de plus en plus insupportable, le manager du Stade Toulousain, Guy Novès, fait lui figure de vieux sage. Ainsi, il s’est contenté d’un commentaire des plus laconiques : « Tout ça ne serait jamais arrivé sans les doublons ».

Bref, on l’aura compris, le rugby français n’en a pas fini avec sa crise d’identité.