Pierre Villegueux revient sur la debâcle du rugby français
par Pierre Villegueux

  • 18 June 2013
  • 45

Note de la rédaction : si Pierre Villegueux semble toujours en vie, il semblerait que sa… condition particulière dirons-nous, ne s’arrange pas. D'autant plus qu'il a fait ami-ami avec Damien Try, avec qui il a co-écrit ce texte. Bref on a préféré éditer quelques passages, mais comme c’était l’heure de l’apéro on a relevé les passages craignos en rouge et on a demandé au Stagiaire de se charger d'élaguer, du coup c’est probablement mal fait.

Par Pierre Villegueux & Damien Try

Le contexte de la fin du monde : 

Il paraît qu'on a pris une branlée contre les All Blacks. 30-0 ! Fanny. La honte suprême. Intolérable. Du coup, les pleureuses sont de sortie pour nous resservir leur vieille rengaine : le rugby français est en crise, on va droit dans le mur, on va tous mourir, il faut tout révolutionner, blabla. C'est chouette, ça fait toujours du bien de gueuler un peu, même si comme d'habitude personne fera rien derrière, chacun préférant protéger ses petits intérêts plutôt que de réfléchir à une solution qui ferait avancer tout le monde. Mais franchement, tout ça à cause de quoi ? Se faire fesser jusqu'au sang avec une fougère n'a rien de bien exceptionnel, c'est même presque une sorte de tradition, et pas que française, les Rouquins en vert ont bien pris 66-0 l’année dernière. La différence avec les étrangers, c'est que si nous pendant 4 ans on enchaîne les branlées contre les Néo-Z, ben finalement on leur colle une bonne bifle au pire des moments, juste avant l'orgasme, pendant la Coupe du Monde. Histoire d'alimenter la légende du French Flair. C'est l'histoire de la vie, le cycle éternel, comme on dit au pays de Yannick Nyanga.

Si on se repasse le match et qu'on enlève ce vilain 0 qui blesse tant notre ego, c'est quand même loin d'être la défaite la plus humiliante du XV de France contre les Tout Noirs. 3 essais encaissés : ils ont même pas eu le bonus offensif ! On a pas pris 60 pions comme c'était systématiquement le cas il y a encore quelques années. On a rivalisé, mais on a été imprécis, puis on a été punis. C'est pas nouveau : quand on perd des ballons contre les All Blacks, les conséquences sont généralement plus fâcheuses que quand on les perd contre la Namibie. Mais si cette défaite fait si mal, c'est aussi parce qu'elle vient après un Tournoi assez minable, terminé sans panache à la dernière place. Se faire battre par les Anglais, ça aussi c'est rentré dans la culture. Mais là, on s'est même fait devancer par les Ritals (vous savez, ceux qui ont pas assez de talent pour jouer avec l'Argentine) et par toute la clique des consanguins celtes, ces gars qui viennent de pays où on trouve encore plus de pluie, de désespoir et d'alcooliques au kilomètre carré qu'en Bretagne.

Alors, c'est grave ou pas docteur Villegueux, me demande le petit lecteur boutonneux impatient de boire mes paroles pleines de sagesse ? Ben oui, ça l'est un peu. Enfin si on considère que perdre au rugby c'est grave, mais les Clermontois vous diront qu'on peut très bien vivre avec après tout. Et c'est vrai. Mais surtout, tout ça n'est pas nouveau : ça fait déjà un paquet d'années que le fonctionnement du rugby français est aussi logique qu'une partie de Camou-lox. Si ça vous plaît pas, vous avez qu’à faire une pétition sur internet bande de tocards.

Puisqu'en 2013 tous les cons ont le droit donner leur avis et leurs « yakafokon » sur le drame du XV de France – même Sylvain Marconnet, c'est dire – pourquoi pas moi ? Mais plutôt que de tirer au bazooka sur une ambulance qui ne roule déjà plus que sur un pneu depuis trop longtemps (Michalak, PSA, les étrangers, le Taupe 14, on connait), moi je conseillerais plutôt aux Français de s'inspirer des All Blacks. Je précise tout de suite, j’ai jamais aimé les Tout Noirs. N'allez pas m’accuser de racisme, ma belle-sœur est belge. D’abord c’est quoi cette histoire de danse indigène avant les matchs ? Depuis quand le colonisateur s’adapte aux rites de l’occupé ? Est-ce que Jules César il a installé des menhirs à Rome ? Est-ce que Christophe Colomb il s’est mis à égorger des enfants en haut de grands escaliers ? Et est-ce que moi je m’habillais comme un bédouin pendant mon temps au Burkina ? Non, non, non et non ! Mais bon il faut avouer que si un pays en faillite, de 4 millions d’habitants et initialement peuplé du rebut de l’Angleterre est capable de gagner deux Coupes du Monde, ben ça serait peut-être bien de regarder comment ils font. Ben ouais, s'inspirer des meilleurs, dit comme ça c'est très con, mais en même temps ça peut pas faire de mal, non ? Enfin attention, je parle pas seulement de copier leurs tatouages tribaux à la con comme le premier Portos venu au salon du tunning : on en voit déjà plein partout sur les joueurs du Top 14 et c'est pas ça qui les aide à savoir jouer un deux contre un.

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 Le saviez-vous ? A chaque lancé raté de Dimitri Szarzewski, Ma'a Nonu se rase un bout de sourcil. 

Le match

Revenons donc sur le fameux match de Christchurch. Encore une fois, les Français n'ont pas été ridicules, contrairement à ce qu'on peut entendre à droite à gauche. Finalement, ça s'est joué « à des détails », comme disent les gens qui sont payés pour se faire passer pour les Spécialistes d'un jeu que personne ne comprend de toute façon. Ouais, 30-0, ça fait de gros détails, c'est sûr. En première mi-temps, la France est archi-dominée, voire étouffée : contrée en touche, incapable de se dégager, maintenue dans son camp. Savea marque le premier essai assez vite. De son côté, Michalak rate un drop en déséquilibre en se prenant pour le mec à qui il sert la soupe toute l'année à Toulon. Quelques minutes après, il envoie un obus sur le poteau dans une position difficile, pas de bol. Personne ne monte côté bleu, ça relance des 22 en face, Lou Read nous sort une percée tout droit sortie des compil’ des plus belles actions de Lionel Nallet (je suis sûr que y a des détraqués qui sont capables de pondre des trucs comme ça), la défense se fait déborder puis pénaliser : 3 points de Cruden le lépreux. Bon, ça arrive, avec plus de réussite, ça aurait pu faire 7-6. Voire même un peu mieux. Une action entre Médard et Fritz aurait pu offrir un intervalle en plein milieu de la défense des Blacks, malheureusement elle aboutit sur un en-avant. Une contre-attaque, encore une fois menée par Médard aurait également pu donner quelque chose d'intéressant si le Wolverine pour adolescentes en chaleur avait réussi à fixer correctement son adversaire pour servir Planté démarqué sur son aile. On aura quand même pu rigoler sur Nonu qui se fait repousser sur la ligne par Machenaud comme un vulgaire Morgan Parra. Fritz en profite pour lui balancer le ballon sur la gueule, ça lui apprendra à porter une coiffure de beatnik que même Bastareaud a eu l’intelligence de couper, c’est dire.

Puis surtout, en fin de mi-temps, il y a une longue séquence près de la ligne des Blacks, où les Bleus auraient pu espérer marquer, mais finalement non. Peut-être que Alain Roland aurait pu siffler un p'tit quelque chose pour nous quand le maul qui partait à l’essai s’est fait écrouler, et que Dagg faisait honneur à son prénom en considérant comme chez lui quelque chose qui ne l’était pas. Il paraît que Roland est à moitié français, je l’ai entendu sur Antenne 2. Mouais, pour moi il est surtout à moitié étranger, et quand un fruit est à moitié pourri moi je le balance. Tant pis. Rentrer au vestiaire avec 10-0, en ayant en plus eu quelques occasions, et ce malgré la grosse domination territoriale des Blacks.

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78% d’occupation à la mi-temps, ça me rappelle quelque chose.

Du coup c’est pas si mal finalement, ça aurait pu être pire : Cruden aussi il en a raté une de pénalité, et lui on vient pas le faire chier sur fesse boks ou chais pas quoi. Il y a donc de quoi espérer en seconde période. Et en effet, ça va mieux en seconde période. Globalement, les Français parviennent enfin à mettre la main sur le ballon, à tel point qu'ils finiront le match avec 60% de possession et d'occupation. La touche va un peu mieux, la mêlée est bonne. Ils attaquent, semblent maîtriser le jeu, et on se dit qu’ils vont nous offrir un remake de la finale 2011 en remontant un peu au score avant de vaillamment échouer d’un rien. Ils vont bien pilonner la ligne d’en-but des connards pendant 3 minutes sans s’arrêter, avec du flamboyant jeu à zéro ou une passe. Mais ça passe pas, alors on essaie d’écarter pour voir, et là c’est le drame, on perd 10 mètres. Puis encore 10 mètres. Du coup le vendeur de hamburger retente ce qui n’a pas marché en première mi-temps en tapant un vieux drop sur une passe moisie de Machenaud, et réussit encore moins. Son drop est contré, les Néo-Z remontent tout le terrain avec un contre de 80 mètres dans les dents. Bon, à partir de là le match est fini, la suite c’est anecdotique. Le troisième essai viendra encore d'un contre, mais pourtant jusqu'à la 80ème les Français n'ont rien lâché et ont continué d'attaquer et de squatter les 22 mètres néo-zélandais. D’ailleurs on se prend le dernier essai parce qu’on a voulu jouer et pas taper la pénalité tellement facile que même le Michalak du jour l’aurait passée. Ca aurait servi à rien, fallait pas le faire, mais un 23-3 faisait moins branlée dans les tablettes. Au final ils n'ont pas pris 60 pions donc, et ils auraient même mérité d'en mettre une petite dizaine, ça aurait pas été volé. Les All Blacks sont vraiment pas très sympa, même quand ils jouent sans Richie McVache.

La Nalyse :

Le scénario de match peut peut-être nous permettre de soulever un point : pendant des années on nous a parlé du « retard physique » des nations de l'hémisphère nord (enfin dehors de l'Angleterre) sur celles du sud. C'était le gros problème de l'époque, puisque comme vous l'avez compris, en France il y a toujours des problèmes, mais ça c'est normal quand on répète ses erreurs encore et encore et qu'on élit un gouvernement de putain de socia [passage édité]. Laporte incarnait parfaitement cette grande inquiétude de l'époque : il citait constamment comme modèle les Wallabies de 99, puis les Anglais de 2003, des grosses machines de guerre sévèrement burnées. C'est aussi à ce moment qu'il a commencé à sélectionner des Golgoths pas forcément talentueux à tous les postes, avec le résultat que l'on sait au niveau du jeu. Aujourd'hui, il n'y a plus vraiment de fossé entre la France et le reste du monde à ce niveau-là : on arrive à rivaliser dans le défi physique ©, à enchaîner de longues séquences, à tenir la distance pendant 80 minutes avec toujours plus de temps de jeu effectif, même au mois de juin et après avoir joué plus de 30 matchs dans la saison. Le Top 14 est devenu le championnat le plus relevé du monde (relevé, ça veut pas dire meilleur ou plus spectaculaire, hein) et on peut supposer que finalement, il prépare bien au niveau international.

Par contre, là où il y a toujours un vrai fossé, voire même encore plus encore qu'avant, c'est au niveau des bases de ce jeu à la con : technique individuelle, rapidité d'exécution, et même la fameuse intelligence situationnelle chère à cet imposteur qui a parodié mon nom. Aaaron Cruden et Israel Dagg sont principalement réputés pour être des joueurs créatifs et un peu foufous : sur ce match ils ont montré qu'ils savaient aussi bien jouer au pied, et surtout de façon intelligente. Michalak, qui a un peu le même profil, a lui peiné dans ce domaine, et à part Dulin en seconde période il y a pas eu grand monde pour l'épauler. Même le gros Ma'a Nonu qu'on caricature souvent comme un gros bourrin a réussi à dégainer une passe au pied pour le premier essai de Savea, ballon qui passe dans un espace plus petit que la bite d’un [Boarf je pense pas que cette communauté ne lise la Boucherie mais on sait jamais avec Trinh-Duc, ce passage saute aussi]. Imaginez Bastareaud faire ça ! Et si vous vous êtes pas étouffés tout de suite, continuez à lire. A la main, comme depuis toujours les Blacks sont capables de remonter 80 mètres et de marquer un essai en moins de 10 secondes avec des passes millimétrées, de bonnes trajectoires de course, des offloads, des chistera, des transmissions à cloche-pied avec une main attachée dans le dos et le casque des Daft Punk vissé sur la gueule, bref toutes ces conneries de frimeurs de trois-quarts. Ces tests-matchs sont donc bien dans la lignée du dernier Tournoi : souvent la France domine, mais attaque sans imagination, sans variation, dégueule 234 en-avant par match, s'entête à faire l'essuie-glace sans jamais réussir à avancer, on dirait les Rouquins en kilt. Et quand par miracle on se retrouve avec un deux contre un à jouer, on sait même plus comment faire. Ben ouais connard, ça s’apprend pas en faisant du développé-couché. Quand on regarde les -20 ans qui viennent de se faire éliminer en poule des championnats du monde, on constate à peu près la même chose : y'en a pas un qui sait jouer au pied avec sa tête, physiquement ça tient la route mais techniquement c'est frustre. Le match contre les USA était sûrement le plus représentatif de tout ça : il y bien eu une vingtaine d'en-avant. Pour un « petit » 45 à 3 au tableau d'affichage à la fin du match. Ces mêmes Américains qui ont pris 97 puis 109 points contre les Sud-Africains et les Anglais. Les Sud-Africains et les Anglais quoi ! Des artistes connus pour avoir inventé le rugby total, assurément.

PelousSomatoline

Dis Fabien, et si tu t'occupais un peu de tes jeunes au lieu de vendre de la crème contre les vergetures ? 

Alors certes, avec un temps de préparation supplémentaire, on jouerait sans doute un peu mieux en équipe. Maintenant on peut aussi se demander ce que fout la formation française depuis un moment. Nous pondre des vrais joueurs de rugby plutôt que des bodybuilder (coucou Gunther) ou des mecs trop mauvais pour faire de l'athlé (coucou Djibril Camara) serait peut-être bénéfique pour la santé du XV de France. Même par rapport aux autres pays européens, on a du retard. Suffit de regarder jouer les Lions en ce moment (avec quel temps de préparation pour eux ?). Les Gallois, les Ecossais et même les Irlandais sont devenus plus marrants à regarder que les Français – et pas seulement parce qu'ils sont moches. Et même les Anglais d'ailleurs, merde ! Depuis quelques années ils peuvent plus suivre les grosses écuries du Top 14 à cause du salary cap, et leurs clubs sont plus faibles. Mais le jeu proposé en Premiership est plus attractif, plus varié et on commence à voir émerger pas mal de talents. Pour rappel, en 2012 et en 2013, l'Angleterre de Stuart Lancaster a fait deuxième du Tournoi avec une équipe de 24 ans de moyenne d'âge. Et l'équipe de puceaux qu'ils viennent d'envoyer en Argentine vient de leur coller 100 points en deux matchs. Ok c'était l'équipe B des Pumas… oui rappelez-vous, celle qui nous a tapés l'année dernière.

Bon, après c'est la mode de taper sur Saint-André. Lui qui fait des choix si incohérents. Un peu comme Lièvremont d'ailleurs, mais lui au moins il apportait un peu de testostérone pour faire monter la température aux conférences de presse, pas comme l'autre sosie foireux de l'Empereur Palpatine avec sa voix de Kermit la grenouille. On se rappellera pourtant que tout le monde militait pour la nomination de Ouin-Ouin il y a encore deux ans. Maintenant c'est Galthié le sauveur, ensuite ce sera Labit et Travers. Puis on reparlera bien un jour de Guy Novès qui sera sûrement encore vivant en 2062 : l'aigreur ça conserve, j'en sais quelque chose. Mais est-ce qu'ils feraient mieux ? Ouin-Ouin avec ses 70 sélections, ses titres à Gloucester et à Sale, il est pas censé s'y connaître un peu en rugby ? C’est le mec à qui on doit Sébastien Chabal quand même. Ouais bon ok, mauvais exemple. Enfin il a quand même supporté Boudjellal pendant deux ans ! Après avoir subi ça le mec est paré à tout, même aux articles de Richard Escot.

L'autre grand truc du moment, c'est les étrangers. « Toujours taper sur les étrangers quand ça va mal, ça donne de grands résultats », me disait récemment Damien Try. Il faudrait aussi se demander pourquoi on fait appel à eux. Est-ce qu'on aurait besoin de Wilkinson, McAlister et Sexton si Michalak, Beauxis, Skrela ou Wisniewski avaient été capables de réussir deux bons matchs de suite au moins une fois dans leur carrière ? Ben peut-être pas, non. Même un inconnu total en Australie comme Brock James est capable de devenir un Dieu vivant en France tant le niveau est faible à certains postes-clefs. Et même un joueur de 29 ans qui a fait presque toute sa carrière en ProD2 peut devenir le N°10 du XV de France, c'est dire notre désespoir. Et pour revenir sur les étrangers, il faudrait pas négliger le fait que jouer avec ou contre ces mecs-là tous les week-ends, c'est aussi une chance de progresser. Encore faut-il avoir le niveau pour gratter un peu de temps de jeu.

Et enfin lieu de se branler sur notre médaille en chocolat de finalistes de la dernière Coupe du Monde, et de faire de Craig Joubert un enculé international digne d'un méchant dans James Bond, il faudrait essayer de se rappeler que la France s'est taillé son chemin jusqu'à l'Eden Park à la machette, en jouant affreusement mal, et en sodomisant le Pays de Galles en mondiovision en demi-finale. Et les équipes de France précédentes souffraient déjà plus ou moins des même maux : incapable de s'adapter et de jouer avec un cerveau en 2003 (« c'est pas notre faute, c'est la pluie ! »), puis incapable de créer du jeu et de planter un essai à ces mêmes Rosbifs pourtant bien plus limités et en fin de cycle en 2007.

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« Si tu muscles pas ton jeu, tu vas au devant de grande déconvenues » disait un mec qui parait-il, a entraîné des champions du monde chez les Pousse-Citrouilles. Chez nous au pays des Valeurs ©, on ferait peut-être bien de pousser un peu moins de fonte et de jouer un peu plus au ballon. Jusqu'à preuve du contraire c'est encore le meilleur moyen de marquer des essais.

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