Mémoires d’un perfectionniste, la critique
par Damien Try

  • 03 April 2013
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Par Damien Try

Il y a presque un an, sortait le livre autobiographique de Jonny Wilkinson intitulé « Mémoires d’un perfectionniste ». Aujourd’hui sort sa critique sur la Boucherie Ovalie. Pourquoi donc ? On peut déjà trouver une première explication dans la légendaire réactivité des chroniqueurs bouchers, capables de se mettre à écrire vendredi à 14h du matin le compte-rendu du match du week-end, parce que ça sera bien de le sortir avant le prochain match, dans quelques heures donc. Mais la véritable raison n’est pas là, elle réside dans le bouquin en lui-même. Mais je m’avance un peu, feuilletons-le ensemble.

Le prologue se déroule en 2010, alors que Jonny dispute un match avec Toulon. S’il est déjà assez déstabilisant de voir une autobiographie de sportif débuter aux 31 ans de l’auteur, on apprend de surcroît que Paul Sackey a marqué un essai en H-Cup. Je ne pense pas qu’on soit proche de revoir ça, pour pas mal de raisons. Le match est gagné, mais on s’en fout, la raison pour laquelle on en parle est la présence dans les tribunes de Martin Johnson, qui vient demander à l’ouvreur toulonnais de rejouer pour l’Angleterre, alors que ce dernier hésite. Pendant la première séance d’entraînement de jeu au pied du livre (et vous vous en doutez, il y en aura d’autres) qui suit, Jonny décide que c’est bon, il participera à sa quatrième Coupe du Monde si on a besoin de lui. Dans un procédé narratif tout à fait inédit et trépidant, on revient dans le temps, retrouvant Jonny enfant dans le premier chapitre.

C’est alors qu’on pénètre dans un cerveau dément. Vous en connaissez beaucoup, vous, des enfants de 7 ans qui s’entrainent à buter dans le jardin de leurs parents, quotidiennement, pendant des heures, pied gauche ET pied droit ? Qui, chaque week-end à l’approche du match, vomissent de peur avant de rentrer sur le terrain ? Qui écrivent des dizaines de lettres, « la plupart d’entre elles à Dieu », parce qu’un petit oiseau est mort ? Le petit Jonny se met tellement la pression que 30 ans après, il se rappelle de la faute d’orthographe qui lui a fait obtenir un infâmant 19/20 à une dictée. Nous ne sommes qu’à la page 19 et le fil rouge du livre saute aux yeux avec les simples phrases « Je sens que le remède à mes souffrances est de devenir un être parfait. L’inconvénient avec le rugby est qu’il est impossible d’être parfait ». A la page 32 survient le drame, l’évènement qui va le traumatiser à jamais, l’horreur qui guette chaque joueur de 10 ans. Non bande de pervers, il ne s’est pas fait toucher sous les douches par un éducateur, il a raté une pénalité, ce qui le fait se morfondre pendant des semaines. Je ne vais pas vous citer toutes les crises d’angoisse du bouquin, elles le suivront toute sa vie, et vous avez saisi l’ambiance, ça ne sera pas un livre sur le bonheur de courir sur le pré. Avançons un peu dans le livre.

Vous vous en doutez, le jeune Jonny grandit, obtient quelques sélections régionales, marque le premier drop de sa carrière (contre une équipe française en plus, il avait vraiment décidé de nous faire chier). Il fait la rencontre de Dave Aldred, personnage qu’on recroisera souvent au fil des pages, et qui va s’occuper de son entraînement au pied. La première partie du livre va beaucoup parler d’entraînement au pied. Dans le sens beaucoup beaucoup d’entraînement au pied. J’insiste sur l’entraînement au pied. L’entraînement au pied. Au pied. Voyez-vous, Jonny s’entraîne évidemment tous les jours, y compris dans les créneaux pendant lesquels il n’en a pas le droit. Et une séance ne s’arrête qu'après un nombre fixe de coups de pied, ou une durée choisie à l’avance. Nous, on s’arrête uniquement quand on est satisfait. Et quand on vise la perfection, on est difficilement satisfait.

Jonny continue de grandir et est sélectionné chez les moins de 18 ans pour jouer le Tournoi (des V Nations à l’époque). Mais il n’est que numéro 2, derrière un certain James Lofthouse. Coup de chance, celui-ci se blesse, et c’est Jonny qui jouera donc, remportant un Grand Chelem. C’est difficile à juger en lisant le bouquin, mais il paraît clair qu’il a été excellent, offrant même la dernière victoire par un drop de 40 mètres. Pour l’anecdote, ce fameux Lofthouse, qui apparaît comme celui qui a barré les sélections U18 de Jonny (limite le chouchou des coachs), alors qu’il jouait dans l’équivalent de la ProD2 anglaise, s’est blessé à l’entraînement et a arrêté sa carrière à 20 ans. Aujourd’hui il est banquier.

Jonny devient ensuite professionnel à Newcastle, faisant la connaissance de nouveaux joueurs. Comme dans tout le reste du livre, c’est l’occasion pour Jonny de s’émerveiller des qualités des autres, on a un peu l’impression que chaque personne qu’il croise est le meilleur joueur du monde (même Pierre Mignoni, mais bon il a dû se sentir obligé d’écrire ça puisque c’est son coach maintenant). On a droit à un classique pour l’annonce de sa première sélection dans le groupe de l’Angleterre, il était chez un ami, il ne s’y attendait pas du tout, etc… Les pages s’égrènent, ce n’est pas très intéressant, on apprend quelques anecdotes au passage. A l’image de son amie Martine (Johnson), Jonny n’a pas le permis donc Jonny prend le taxi, Jonny se met une cuite, Jonny passe un contrôle anti-dopage, Jonny part en tournée dans l’hémisphère sud, Jonny habite dans un quartier un peu chaud où des jeunes viennent chez lui lui demander des « battes de golf » (Jonny est un peu naïf et leur prête, s’étonnant un peu de ne jamais les retrouver), Jonny fait une pub avec David Beckham. Je vais m’arrêter là dans mon compte-rendu factuel. Vous savez déjà ce qui va se passer : Wilkinson va s’entraîner très dur, il va gagner une coupe du monde, et puis il va se blesser, puis se re-blesser, se re-re-blesser, puis, décidément le sort s’acharne et Jonny va aller à Toulon. Tout ça n’est pas n’est pas très intéressant.

Si vous avez lu « Du Côté de chez Swann » (pauvre de vous), vous retrouverez le côté « j’enchaîne des petites histoires, les enfilant comme des perles sur un collier, mais sans que le lecteur n’ait la moindre idée d’où je l’emmène, puisqu’en fait je fais du volume et je ne l’emmène nulle part » du début du livre. Il s’agit d’un petit pavé, 440 pages sans images ou presque, écrit en caractères assez gros pour que même M. Péchambert puisse les voir. Ce n’est pas si gros que ça, me direz-vous, ça devrait pouvoir se lire assez vite. Le style est de plus assez simple (j’y reviendrai), il n’y a pas d’intrigue complexe qui demande de revenir 50 pages en arrière pour vérifier si on a bien compris un passage, aucune réflexion particulière n’est demandée, bref, ça devrait vraiment pouvoir se lire vite. Mais

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non, et pour une simple raison : c’est putain de chiant. Ce livre va vous tomber des mains. J’ai eu l’impression de retourner en classe de 3ème lorsqu’on m’avait imposé la lecture des « Chouans » de Balzac. Pourtant, j’ai l’habitude de lire des trucs chiants, je suis un fidèle de la chronique rugbyrama de Pierre Villepreux. Le premier tiers du bouquin, Jonny s’entraîne d’arrache-pied (haha), ce qui n’est pas vraiment captivant. Et pourtant c’est le plus intéressant du bouquin, puisqu’on découvre l’esprit torturé du garçon, et qu’on le voit gravir à toute vitesse les échelons l’amenant au titre de meilleur joueur du monde. Parce qu’ensuite, le deuxième tiers ne parle que de ses blessures, et bien sûr du travail pour revenir au niveau qui suit. Je vais vous donner un putain de scoop : lire des pages et des pages sur le processus d’une rééducation, c’est d’un ennui sans nom. Surtout quand 10 pages plus tôt c’était une autre rééducation, et que si tu connais un peu la carrière de Jonny, tu sais qu’il va à nouveau se blesser rapidement, et donc que tu vas te retaper des histoires de rééducation. Le dernier tiers du bouquin est encore plus décousu, c’est son retour en équipe d’Angleterre alors que tout son pays semble le détester, combien Toulon c’est chouette, sa dernière coupe du monde… Au passage si on en croit le livre, la Coupe du Monde s’est résumée à des ballons qui partent pas droit. Dix pages sur la difficulté de botter avec ces ballons, un paragraphe sur les « débordements » de l’équipe d’Angleterre. J’aurais préféré l’inverse, parce qu’honnêtement, que le ballon n°2 ait tendance à aller vers la gauche et que le n°5 fasse n’importe quoi, je m’en fous pas mal. Quoique, peut-être que si Trinh-Duc l’avait su, il aurait peut-être passé la pénalité en finale. Mais je me fais du mal là.

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Bref, la lecture de ce livre est un calvaire. Si quelqu’un vous dit qu’il a aimé ce livre, il ment et ne l’a pas lu jusqu’au bout. Demandez-lui de quel animal était la merde dans laquelle Jonny a marché à Barcelone. C’est vers la fin du bouquin, je doute que plus de 15 personnes soient allées jusque là. J’ai été passablement énervé en lisant dans les remerciements qu’un type l’a aidé à écrire (et vu le curriculum du mec, c’était probablement un nègre). Il n’a pas dû non plus beaucoup l’aider, parce que la simplicité du personnage de Wilkinson transpire dans le style d’écriture. Sujet, verbe, complément. « Nous avons marqué un essai intéressant ». « Je pense qu’il s’agissait d’un renard » (c’est vraiment dans le livre, et comme ça vous avez la réponse à votre question). On peut toujours arguer que je n’ai lu qu’une traduction, c’est vrai. Mais le traducteur, c’est Olivier Villepreux (oui, le fils), quelqu’un dont je partage rarement l’opinion mais dont on ne peut nier qu’il sait très bien écrire…
Si vous vous retrouvez avec ce livre dans les mains et du temps à perdre, vous pouvez toujours vous amuser à lire en diagonale la première moitié, pour faire connaissance avec le personnage Jonny Wilkinson. Jonny, c’est un petit enfant autiste, un labrador, ou quelque chose comme ça. Le souci de la perfection est omniprésent dans le livre, certes, mais aussi le sens du Devoir. Envers ses parents, envers les spectateurs, envers l’Angleterre. Jonny se fait des listes de ses objectifs. C’est genre :

– Gagner avec Newcastle

– Gagner avec l’Angleterre

– Gagner avec les Lions

– Devenir le meilleur joueur du monde

Mais qui fait des listes comme ça, sérieux ? Quand il arrive en équipe d’Angleterre, il ne se sent tellement pas à sa place qu’il fait exprès d’arriver à la bourre aux repas pour pouvoir manger tout seul. Y a un passage pas mal dans lequel il explique combien il est affreux d’avoir gagné la Coupe du Monde, car une fois tout en haut, forcément vous ne pouvez qu’aller vers le bas. Enfoiré, laisse-nous ce fardeau dans ce cas. En France on est assez fort pour baisser de niveau. N’offrez pas non plus ce livre à un enfant qui aime le rugby, c’est à le dégoûter de l’entraînement. Jonny c’est le mec qui dit « Ah, ce mois de vacances m’a fait le plus grand bien. J’ai fait de la préparation physique tous les jours, j’ai travaillé plus dur que jamais. » Il passe son temps à se dire qu’il est cuit, qu’après ce match il prend deux semaines de coupure. Et puis au final il ne coupe jamais. Il admire certains joueurs qui sont « plus pro

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que lui sur la récupération ». Comprenez : des joueurs qui prennent des vraies vacances, au lieu de soulever de la fonte comme des cons. Jonny a un besoin éperdu de reconnaissance. Il se prépare spécifiquement aux tests physiques, pour avoir les meilleurs scores. Et du coup il est tout chafouin de voir afficher dans la cafétéria ses résultats à la lutte. C’est vrai qu’il est honteux de perdre à la lutte contre Manu Tuilagi et James Haskell.

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Bref, ne lisez pas ce bouquin. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi un éditeur a voulu le publier en français : Wilkinson doit être le joueur le plus détesté en France, sauf à Toulon où il est adulé. Mais à Toulon, ils ne savent pas lire…

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