Sye – La critique
par Marcel Caumixe

  • 24 May 2012
  • 27

Par Marcel Caumixe,

Festival de Cannes oblige, le tour du monde cinématographique ovale se poursuit. Aujourd'hui, on fait escale dans des contrées reculées avec…

Sye – A Challenge (Warning : contient des Spoilers. Genre on vous montre carrément la fin du film)

Attention, rareté totale. Seuls ma connaissance encyclopédique du cinéma mondial et mon savoir exhaustif en matière de rugby m'ont permis de vous dénicher cet OVNI (Ovale Video Non Identifiée). Bon, probablement que Google y est pour beaucoup aussi. Bref. Toujours est-il que voici ce que de nombreuses lectrices qui se reconnaîtront n'osaient même pas imaginer dans leurs rêves Bollywoodiens les plus technicolorisés : UN FILM INDIEN qui PARLE du RUGBY !

En fait d'un Bollywood, il s'agit plus précisément d'un Tollywood. Pour ceux qui se demandent ce que c'est que Tollywood, c'est avant tout un moyen de dire “Meuh non, quôa, t'y connais rien, c'est pas du Bollywood, c'est du Tollywood… Mais qui est le kheûnnard qui a invité cet imbécile? Hu ! Hu! Hu!” dans les soirées parisiennes en essuyant nonchalamment ses lunettes Buddy Holly avec le revers de sa veste en velours côtelé.

Mais revenons au film.

Au M.K. college de Hyderabad, deux bandes rivales s'affrontent : les étudiants en science (les Wings), et les étudiants en lettres (les Claws). A la tête de la bande des sciences, Prithvi, le bellâtre à moustache dont on devine vite qu'il est le protagoniste principal. A la tête de la bande des lettres, un autre moustachu, un peu moins bellâtre et dont j'ai oublié le nom, car de toutes façons on a déjà deviné qui était le personnage principal. Pour ceux qui ne sont pas très familiers avec le genre, il y a beaucoup de moustachus. Car comme le disait mon coach, “Moustachu, Bouffeur de Curry“. Je m'astreindrai à ne plus mentionner cette particularité physique par la suite.

Le Héros, Prithvi, joué par Fabrice Estebanez
Le Héros, Prithvi, joué par Fabrice Estebanez

Et le rugby dans tout ça? Et bien figurez-vous que cette rivalité trouve principalement son expression sur les terrains de rugby.

[pullquote]We get 2 points if our
guys put the ball on ground
(…)
Extra points if you hit
between these two posts.
So, we get 3 points now[/pullquote]

Nos loubards, affublés des attributs de leur virilité sauvage (motos sans casque, cigarette, moustache), voient leur quotidien bouleversé par l'arrivée à la fac de la jolie Indhu, la petite nouvelle. Le jeu indien de la séduction étudiante semble alors se résumer à un enchainement de blagues un peu potaches, plus ou moins prétexte à un tripotage chaste, fugace et à demi-consenti par la demoiselle. Parmi ces expressions d'affection que leur pudeur maquille en facéties, on notera notamment l'anecdote suivante. Réalisant que Indhu étudie les lettres, et fait donc partie du gang d'en face, Prithvi et sa bande l'enlèvent contre son gré et lui tatouent de force leur symbole sur le bas du dos. Personne ne s'en offusque, c'est sur le ton de la rigolade, on peut pas dire “c'est bien/c'est pas bien”, c'est une autre culture, tout ça, tout ça. Bien sûr nos tourtereaux montrent souvent au spectateur la vraie nature de leurs sentiments par le biais des chansons bien sirupeuses qui ont fait la gloire du genre.

Pendant ce temps, et même si cela n'a rien à voir à première vue, Bikshu Yadav, le brutal parrain de la mafia locale, se livre à un vil racket, usant du meurtre et de la menace pour soutirer leurs biens aux notables locaux.

Le Méchant, Bikshu Yadhav, joué par un frère Maka adepte du piercing et de Movember
Le Méchant, Bikshu Yadhav, joué par un frère Maka adepte du piercing et de Movember

Alors que la petite guéguerre continue au M.K. College (le film fait 2h41, je résume) et tourne carrément à l'émeute, notre Parrain local poursuit son expansion et signifie au doyen qu'il a obtenu la propriété de l'université. La police impuissante ne peut qu'obtempérer et expulser tout le monde (notons au passage la critique sociétale de la corruption rampante et des violences policières). Grand désarroi chez les étudiants, qui en viennent à décider que pour sauver leur fac, il faut s'unir. Du coup, les mauvais tours sont dirigés à l'encontre de Bikshu Yadhav et de ses hommes de main avec un certain succès, et un vérita

editing and proofreading services

ble lien se crée entre les adversaires d'autrefois. Mais bien sûr notre principal antagoniste découvre bien vite le pot aux roses, et se venge à coup de batte de baseball sur le chef-de-la-bande-des-lettres-qu'on-sait-pas-comment-il-s'appelle. Il s'adresse ensuite à Prithvi et lui propose de jouer la fac au rugby… Ne me demandez pas, moi aussi ça me dépasse un peu.


Caméo de Byron Kelleher
On a retrouvé Byron Kelleher

Et c'est ici qu'arrive le moment de grâce de ce film. Un match de rugby d'une demi heure, à la sauce Bollywood (“Meuh non, quôa, t'y connais r- TA GUEULE!”), avec Haka, coups bas, sang, générale et Valeurs Du Rugby ®. Quoi, vous ne me croyez pas? Alors voici ces trente minutes, au mépris de la propriété intellectuelle et du droit d'auteur.

En même temps, je pense que les Chicago Bulls n'ont pas reçu un centime, ni Oliver Stone pour le pompage de “l'enfer du Dimanche”.

Pour résumer, au Boucher-o-mètre :

L’histoire :

C'est un peu un copier-coller de la beaucoup de films, indiens ou pas. Rivaux, romance, méchants… On n'est clairement pas là pour le scénario

Le rugby :

Ça joue un peu comme en corpo, mais c'est plaisant à voir. Alors oui, l'essai est à 2 points et la transformation à 1. Mais on leur pardonne les quelques approximations car il faut surtout souligner l'effort, pour un endroit aussi peu rugbycisé que l'Inde, d'arriver à sortir des séquences de jeu pas trop ridicules ni trop mal filmées (si S.S. Rajamouli, le réalisateur cherche un job en Europe, il y a des postes à pourvoir sur certains matchs de HCup ou du tournoi.)

La boucherie :

Il y a de la boucherie, de la vraie, car les méchants sont très méchants, et ne reculent devant rien. Réaliste? Non. Mais inventif et vicieux. Mention spéciale pour le 9 qui se glisse dans le tunnel pour envoyer des bourre pifs.

L’intérêt global

Ce film fut un blockbuster en inde. Une salle l'a joué 365 jours consécutifs. Les gens à l'écran sont de véritables stars. L'Inde étant le deuxième pays le plus peuplé du monde, autant de personnes ne peuvent pas avoir tort!

Certes ça pique et repique de partout, c'est cheap, il y a des chansons, il y a des bruitages débiles, des gens qui surjouent, des effets spéciaux nazes, la réalisation est tout sauf sobre, l'intrigue tiendrait sur un demi poppadum, il y a des longueurs, mais franchement, c'est jouissif. Alors ne boudons pas notre plaisir, ce n'est pas tous les jours qu'on voit un film indien, qui plus est avec le rugby en toile de fond.


zp8497586rq