Le Lab’ougnat analyse Saracens – Clermont (3-22)
par La Boucherie

  • 10 April 2012
  • 45

 
Par Pastigo,

 

Ce weekend était écrit. Au sens propre, puisque Damien Try avait déjà fait le compte rendu de la victoire à l’expérience de Toulouse alors qu’Ovale Masqué s’était délecté de romancer la louse annuelle des auvergnats lors d’une joute de vannes de bien mauvais goût. Ceci afin d’être libres tout le weekend et de se vautrer dans le stupre. Ne restait plus au Stagiaire qu’à ajouter quelques faits de jeu inutiles, et l’affaire était pliée. Sauf que les choses ne s’étant pas tout à fait déroulées comme prévu, j’ai l’immense plaisir de vous présenter :

 

Saracens – ASM

Sorry, good game.

BIS REPETITA PLACENT . Voilà bien le genre de phrase que l’Auvergne maudit, et ce fifrelin d’Horace se ferait bien décalotter le vertex par plusieurs générations de deuxième ligne jaune et bleu s’il n’avait pas eu l’excellente idée de décéder quelques 16 siècles avant JP Perez.
Une semaine que j’incante, que j’implore, que je sacrifie une vierge à l’aube sur le Temple de Mercure (pardon aux familles), haut lieu de l’ésotérisme auvergnat, qui m’a vu dégoiser des psaumes déments bras ouverts face à la Capitale. Une semaine toujours que je chasse le démon, que j’enjoins à tous ceux qui ne veulent pas l’entendre que nous n’avons aucune chance de triomphe, que la messe est dite, que l’adversaire est trop fort. Avec au fond de l’âme cette puissante flamme si difficile à contenir, celle la même qui ferait fondre sur nos troupes l’impitoyable glaive de la guigne si je devais céder.

Mais aujourd’hui, il n’est pas de chance, d’hasard ni de prédiction qui saurait juguler l’infatigable élan du guerrier.


Le contexte :

Les Saracens, champions d’Angleterre et faciles premiers d’une poule 5 relativement accessible (si, quand le principal adversaire est Biarritz, c’est une poule accessible), ont l’avantage de recevoir dans leur antre de footeux ASM le maudit. Autant dire que même les plus gros infirmes chauvins conservent quelques réserves alors que le spectateur lambda annonce sobrement que le Club anglais semble favori.
Tant mieux.

L’ASM s’est sorti d’une poule pas si accessible qu’annoncée, qui a vu tomber Leicester et s’affirmer l’étonnant Ulster. Soit tout de même deux demi-finalistes sur ce groupe de quatre, Aironi se demandant encore ce qu’elle a bien pu faire de mal pour être donnée en pâture de la sorte.
Des victoires essentielles mais aussi des regrets, qui en plus de nourrir les pires présages ne permettent pas d’entamer cette dernière course dans les meilleures conditions. Reste à savoir si ces péripéties auront su rassembler un groupe qui, grâce à sa confortable avance en Taupe14 dans l’ombre du géant, peut se concentrer sur cette objectif qui fut si souvent le puits sans fond des pires déconvenues.


Le film du match

“La crainte de la guerre est encore pire que la guerre elle-même.”
Sénèque

C’est l’heure. Les Saracens jouent en rouge et noir, le maillot de ceux qui gagnent à la fin, en tout cas dans le meilleur championnat du monde. Les premières secondes du match donnent le ton d’une rencontre qui, si elle continue de la sorte, risque d’être rythmée et pour le moins percutante. David Skrela, titulaire indiscutable tant le Mojo de James pourrait interdire à ce dernier d’approcher un match de H Cup à moins de 500m, brille immédiatement dans l’exercice qui le rend incontestable. C’est en effet dès la 3ème minute qu’il sort suite à un KO de la jambe gauche, il ne reviendra jamais. Sans doute incapable de supporter l’idée de voir les rouges et noirs perdre deux matchs en 2 jours, en plus d’y participer. Cet homme a du coeur, c’est incontestable.
Skrela qui sort, c’est James qui rentre. Et là, les mots se mélangent. 28-29, défaite, drop… LE drop. Bref, je vois ici le signe des astres, la puissance céleste qui décide à jamais du sort funeste de l’entrée de L’Auvergne dans l’UE. Il a l’air pourtant si serein, notre néo-barbu. Il me regarde, calme, élégant, et dans ses yeux je lis ces mots assurés : Fais moi confiance.

Pendant ce temps quelque part en Auvergne, Gerhard Vosloo finit les restes d’un catalan et allume sa télé.

La pause Skrela n’aura pas entamé la volonté des deux cotés de prendre rapidement le dessus en terme de vitesse et d’agressivité. Le combat est rude, les ballons sortent vite, le niveau est européen.
Les charges punitives s’enchaînent et Clermont met son adversaire à la faute, l’occasion d’une première mêlée qui s’avère jouissive puisque le pack auvergnat explose son homologue. C’est à ce moment que va démarrer l’attraction jaunarde de cette première mi-temps : le festival Brock James.
Frappes stratégiques d’une précision diabolique, occupation intelligente, mettant en oeuvre le plan de jeu de Saint Vern qui ne fait désormais plus de doute. Presque aussi précis au pied que lors d’un match de taupe14 inutile, il concrétisera les temps forts de ses partenaires.

Brock James, l’homme qui donne toujours l’impression de jouer en smoking, même avec les affreux maillots clermontois.

 

Ceux ci ne sont d’ailleurs pas non plus avares de leurs qualités, et surtout d’une détermination exemplaire, à l’image d’un Zirakasvili sevré de sang pendant de trop longues semaines et qui semble déterminé à avancer sur chacun de ses ballons jusqu’à ce que mort s’en suive.
Les Anglais continueront plus ou moins à coller au score via la botte moyenne de Farrell qui ressemble quand même sacrément à une espèce de zombie quand il prépare ses coups de pied. Même si la suprématie reste fragile à ce moment du match, c’est Clermont qui avance à l’impact et qui propose la défense la plus agressive apte à faire déjouer l’adversaire. Chaque Clermontois assume ses responsabilités avec classe. Les découpeurs découpent sans jamais se faire piéger, Lee Byrne est impeccable dans les airs et ajoute en plus des coups de pieds de mammouth déroutants pour les anglais, Parra est insupportable, Sivivatu nous fait des percées d’autrefois, et je vais bientôt demander Brock James en mariage.

Même la météo anglaise ne sait plus quoi penser, tentant d’arroser les initiatives auvergnates tout en illuminant celles des Anglois, sans succès.
Les Anglais commencent cependant à faire déjouer la mêlée clermontoise, tout n’est pas parfait. Si Clermont a raté l’occasion de concrétiser à plusieurs reprises, les Auvergnats ne sont pas non plus à l’abri d’un éclat anglais. Clermont a certes pris la main, sur l’énergie, avec un encourageant 9-3 à la mi-temps, mais l’Auvergnat sent bien que le match est loin d’être plié.


Vern Cotter: j’aime qu’un plan se déroule sans accroc


Pendant ce temps, Gerhard a depuis longtemps compris que ses camarades ne sont pas à une séance de dédicaces à Vulcania. Prenant à peine le temps d’enfiler un slip en peau de Toulonnais, il court tout droit vers l’Angleterre, dessinant le premier tracé de la future autoroute Clermont-Calais. Tel Obelix devant une légion romaine, il invective dans un néandertalien parfait « Laissez m’en un ! Laissez m’en un ! »

La deuxième mi-temps va démarrer, le temps que ces sympathiques commentateurs nous rappellent (ahah) que la veille Toulouse menait aussi à la mi-temps. Clermont va faire comprendre que la 1ere partie n’était qu’un préambule, un doux échauffement, et s’ils ont montré de l’envie précédemment là ils commencent à avoir faim.
Parra commence à simuler des fautes, les gros font tout exploser à chaque impact. Les Anglais se consomment de plus en plus et Hines sur une superbe passe après contact sert Rougerie qui fait de même pour Parra qui n’a heureusement pas à en faire autant pour permettre à Byrne d’aplatir, ce dernier ayant bien failli survoler l’en but anglais sans le toucher tellement celui ci est court.
Joie – FOUYAYAYAYA – frénésie – slip sale.

On pourrait croire que les Clermontois ne peuvent donner plus, et bien si. Lee Byrne décide de voler la place du meilleur joueur au pied à James, trouvant une touche de 70m sans angle (wtf de platine de l’après midi), chaque joueur qui touche un ballon avance comme à Stalingrad sous le feu des commissaires politiques, la défense annihile toutes les tentatives des Anglais qui dans ces conditions commencent visiblement à perdre toute conviction dans leurs attaques. Pire, ils souffrent et s’épuisent, alors que les hommes de Vern semblent eux se nourrir encore de ce constat.
C’est à ce moment que je vais avoir mes premières règles, puisque sa désormais re-Majestée Brock James, le regard froid et convaincu, nous passe un magnifique drop devant ses 14 comparses médusés.

Brock James passe un drop en H-Cup.


Clermont continue, et récupère une pénalité sur un maul qui avance bien, faisant suite à une touche bien maîtrisée. Brockinou transforme dans un geste d’une sensualité sans égale et à la 54eme minute l’ASM mène désormais 22 à 3.

Je vais couper le fil de ce résumé pour passer un message personnel, je le dois et c’est le meilleur moment.

Brock, mon amour.
On s’est aimé comme on se quitte.
Je t’ai trompé, j’ai sali ton nom quand tu m’avais tant donné.
S’il te plait, reviens. Je préparerai tes sandwichs, je rangerai tes chaussettes, je ferai tout pour que tu oublies à quel point je ne te mérite pas.
Rentre à la maison, les enfants t’attendent.

 

Reprenons.
Les premiers changements s’opèrent, des deux cotés. A chaque fois, ils amèneront sang frais et détermination pour les uns, impuissance et résignation pour les autres. Les Anglais finiront même par à peu près tout changer, parce qu’on sait jamais, sans plus de succès.
Rougerie nous offre quelques exemples de ce que devrait être une défense offensive en équipe de France, et PSA doit peut être commencer à se demander si c’est pas son plan de jeu qui déconne vu à quel point le décevant blondinet en bleu redevient le Golgoth des montagnes en jaune.
Sivivatu se sort à merveille d’un situation perdue avec 3 Bretons sur le râble, tout Anglois qui se présente est au choix concassé ou dans le meilleur des cas catapulté en tribune. Napoléon commence à twitter sévère.

Malgré le pilonnage de la RAF, Gerhard est arrivé à Calais. D’un coup de poing il ouvre la Manche en deux et commence sa traversée.

Les Anglais vivent un cauchemar. Chaque tentative avorte, et les arrières ne sont même plus jouasses à l’idée de récupérer un ballon de relance, désormais convaincus que celui ci n’est expédié que dans le simple but de les voir revenir et se faire éparpiller la tronche dans le mur auvergnat, encore et encore. Nous entrons dans les dix dernières minutes. L’Anglais admet qu’il n’y a plus rien à espérer, mais voudrait sauver l’honneur s’il n’est pas déjà enterré.

Quelques brèches se créent, et les voilà devant la ligne de mes soldats. Ils n’en bougeront plus.
C’est alors que commence ce qui est probablement l’une des scènes de siège les plus épiques de l’histoire du cinéma. Et seront consacrées sur les cendres de l’armée anglaise la ténacité, la rage et la détermination de tout le groupe auvergnat. Un moment intense.
On peut lire la hargne dans l’oeil du défenseur jaunard : « Regarde derrière moi. J’ai le pied dans l’en-but. Tu n’as qu’un pas à faire, juste un, pour gagner ce combat. Mais tu n’y arriveras pas, car aujourd’hui j’ai décidé que tu ne passerais pas. C’est ainsi, car je préfère mourir ici que de te laisser ces points. »
Et à chaque regard de répéter ces mots en silence, chaque joueur déterminé à faire honneur aux autres. Lâcher, céder ne serait-ce qu’un pas, c’est planter un couteau dans le dos de tous ceux qui sont là, à coté, d’ores et déjà sacrifiés au nom des siens, du drapeau, du sang.

Oh putain que c’était bon de les voir tout donner comme ça chacun leur tour, pendant ces dix longues minutes, et de permettre à Parra de dégager le ballon à la sirène. Ce n’était même pas une libération, on aurait cru qu’ils pouvaient encore tenir dix minutes de plus, rien que sur la rage.
Ils sont fiers, nos hommes. Tellement qu’ils en oublient presque d’être heureux. Mais ils la méritent, leur demi-finale, sans l’ombre d’un doute. Un match qui pourrait sceller leur sort, tant le groupe a grandi et s’est soudé dans une telle rencontre.

Ah oui pardon, Gerhart. Et bien il est arrivé, juste après la sirène. Empêtré dans un filet de pêche, il traîne un chalutier derrière lui depuis Douvres ce qui l’a considérablement ralenti.
Déçu, il commencera par manger une jambe de Farrell quand l’émotion prendra le pas lors des retrouvailles avec Bardy et Cudmore, qui lui ont offert un joli collier en crânes d’Anglais qui décorera sa grotte avec goût.

Moi, j’ai joui.

 

La palette des Experts analyse les dix dernières minutes. C’est bien foutu.


En conclusion :

C’est évidemment un beau succès. Mais rien est fait, il faut s’en servir pour construire la prochaine rencontre. Le favori à mon avis, vu leur match de samedi, ne laissera pas à Clermont de quoi se permettre les quelques erreurs qu’ils ont pu commettre. En touche notamment, quelques fautes, quelques ballons mal négociés qui sont passés face aux Saracens mais qui laisseront autant de munitions au Leinster.
Ca va moucher rouge, et ça nous promet l’un des plus beaux matchs de l’année. M’est avis que celui qui sortira vainqueur de cette rencontre sera probablement champion d’Europe.
Mais aussi effrayant que puisse être le Leinster actuellement, s’il y a une équipe aujourd’hui qui a une infime chance de les faire tomber, c’est bien Clermont.


Les joueurs :

Difficile de mettre en lumière un joueur plus que les autres. A moins que… Skrela homme du match : se blesser, son choix de jeu le plus pertinent de l’année. Les plaquages offensifs de Rougerie furent remarquables d’efficacité, ce qui en aura sans doute agacé plus d’un. Il a aussi été très volontaire quand il s’agissait d’aller de l’avant. Zirak’ a sorti un match énorme, de teigneux, monopolisant plusieurs joueurs sur des charges de mule et libérant toujours son ballon une fois maîtrisé (20 mètres plus loin). Debaty est entré et a très vite compris l’idée, qui lui allait d’ailleurs très bien. Brock James évidemment, l’oeil qui va bien et le pied qui suit, n’a pas eu peur de l’évènement et l’a même carrément pris à son compte. Bardy, Cudmore, Ti Paulo avaient de quoi se régaler.
A noter, Julien Bonnaire a fait une faute de main derrière une touche mal négociée, un scandale. Sivivatu a fait quelques belles courses qui ont mis son équipe dans le bon sens, et a fourni un très gros travail défensif. Buttin n’a même pas manqué tellement Lee Byrne a fourni un superbe travail autant sur les ballons hauts que sur un jeu au pied de qualité.


Coté anglais, évidemment c’est moins jouasse. Papa Farrell a probablement giflé son fils.
Charlie Hodgson a gagné son duel de Gaston Lagaffe avec David Skrela car lui ne s’est pas blessé et n’a fait aucune connerie. Schalk Brits a été victime de l’ostarisation de Raphael Ibanez qui ne supportait pas qu’un talonneur puisse faire cadrages débordéments, il est vrai assez inutiles sur ce match. Alex Goode est meilleur quand il présente la météo sur M6 et Matt Stevens n’a jamais franchi la ligne jaune.

Dégoutés par leur propre médiocrité, les Saracens ont décidé de se retirer un point.