Le Labo aux Roses analyse Stade Français – Exeter (22-17)
par Pierre Villegueux

  • 06 April 2012
  • 5

 

Ca y est, Sergio a vu Felipe nu dans les vestiaires..

 

Cette fois ci c’est Pierre Villegueux s’est collé au match du jeudi, car selon lui c’était une bonne excuse pour commencer à picoler avant le week end.

 

Le contexte :

Après une cruelle défaite face au Stade Toulousain pourtant venu en mode footing au Stade de France (18-22), les Parisiens voient leur qualification pour la H-Cup compromise, puisqu’il leur faudra aller gratter des points à Clermont et Barritz, battre l’USAP à Charlety et bien sûr triompher du Racing à Saint-Denis : autant dire qu’on a maintenant plus de chance de voir Joe Rokocoko marquer un essai en Top 14 que de retrouver les Stabilo Boys dans le Top 6 à la fin de la saison.

Heureusement, et on le sait mieux que quiconque au Stade Français, on peut toujours passer par la porte de derrière, et gagner son billet pour la Grande Coupe d’Europe en gagnant la petite. Après un parcours sans faute en poule, les stadistes ont donc le bonheur de recevoir Exeter pour ce ¼ de la Heinekid Cup. Exeter est un club qu’on connaît peu, puisqu’il ne fait partie de l’élite anglaise depuis seulement 2010. Si tout le monde s’attendait à les voir faire l’ascenseur de l’autre coté de la Manche, les Chiefs ont réussi une jolie première saison (8ème place) et cette année c’est encore mieux puisque à quelques journées de la fin du championnat, ils occupent la 5ème position, en embuscade derrière Northampton pour une place de demi-finaliste. Avec 12 points d’avance sur le 7ème (Sale) on peut même dire sans trop se mouiller que les Chiefs, eux, seront bien en H-Cup l’année prochaine quoiqu’il arrive. Bref, pas un adversaire si facile que ça, et qui en plus n’a finalement pas grand chose à perdre à Charlety.
Le film du match

Vous connaissez le match du vendredi soir en Top 14 ? Et bien il y a pire, le match du jeudi soir en Amlin Cup, qui plus est à Paris. Décor post-apocalyptique, tribunes froides et désertées, il ne manquait que des zombies dans les parages pour faire une bonne série B. Mais dans les tribunes il y a pire que des zombies : des Anglais. On peut néanmoins leur reconnaître le mérite d’avoir mis un peu d’ambiance dans les tribunes avec leurs chants, d’autant plus que les virages parisiens se sont bougés le cul pour leur répondre un peu.

Bohringer avait raison, c’est beau Charlety la nuit

 

Malgré cette atmosphère quasi-exceptionnelle pour le Stade Charlety, on échappera malheureusement pas à un match chiant à mourir. Les Chiefs démarrent bien mieux le match que les Parisiens avec de bonnes initiatives, bientôt récompensées par les premiers points de leur ouvreur argentin Ignacio Mieres. Oui, Ignacio Mieres, vous avez bien entendu. Puisque cette première mi-temps est pourrie, je me permets de vous rappeler qu’Ignacio Mieres a joué au Stade Français il y a quelques saisons. Annoncé comme le nouveau crack argentin, Ignacio débarque de l’Academy de Leicester en 2008 (déjà, si un club comme Leicester laisse filer un joueur, c’est que ça sent l’arnaque). Le petit fantôme de la Pampa ne jouera pas un seul match de l’année. Finalement, les Parisiens lui trouvent une utilité en cours de saison : quand Dan Carter se pète le tendon d’Achille au Stade de France, l’USAP est à la recherche d’un joker médical, et les stadistes voient là l’occasion de se débarrasser du joueur. Mieres ne disputera finalement que deux matchs à l’USAP avant de se blesser à son tour.


Quand Jim Carrey fusionne avec Justin Bieber, c’est bien un signe que  l’apocalypse est proche.

 

De retour dans la capitale l’année suivante, le petit fantôme aura enfin l’honneur de porter la tunique ridicule du Stade Français, le temps d’une dizaine de matchs, quand Lionel Beauxis est blessé. Et là c’est la stupeur : sans être brillant, le gars est loin d’être mauvais, notamment en défense où il plaque généreusement, ce qui fait quand même un gros choc quand on est habitué au Lémurien. Malgré ça le sosie latin de Jim Carrey fait ses valises pour Exeter en fin de saison. Après une première année à nouveau discrète (8 matchs) Ignacio explose enfin cette saison : titulaire indiscutable et 3ème meilleur réalisateur du championnat anglais, il est largement responsable de la belle saison de son club. Celui qui fut donc un des héros de la Boucherie (relire les Hachoirs d’Or 2009, où il avait gagné le « Prix Marcus Di Rollo » ) est devenu un vrai petit garçon et un vrai joueur de rugby depuis : du coup, on ne vous le cache pas, est quand même vachement émus de le retrouver à ce niveau.

Ce mini-portrait est déjà beaucoup trop long mais c’est pas plus mal car il n’y a rien à dire d’une première mi-temps où des Parisiens sévèrement mous du genou s’en sortent finalement assez bien. Car les Anglais sont joueurs mais les Anglais sont également vicieux, comme à leur habitude : ainsi Felipe « Docteur Maboule » Contepomi fut ciblé tout au long du match, notamment par le talonneur Whitehead qui lui administrera un magnifique plaquage à retardement, complètement gratuit. Felipe a beau avoir plus de diplômes qu’Indiana Jones, il n’en reste pas moins un latin au sang chaud (enfin moi je trouve ça un peu raciste, mais c’est ce que les commentateurs ont dit alors on va les croire) et il se fera justice tout seul avec ses petits poings. Résultat carton jaune. On saluera quand même son sang froid sur le reste du match sachant qu’il s’est aussi pris quelques cravates et autres charges à l’épaule. Malgré cette infériorité numérique et la domination anglaise, le score n’est que de 6-9 à la mi-temps, Paris limite les dégâts.

La deuxième mi-temps va repartir sur des bases bien meilleures puisque les Parisiens se mettent enfin au boulot. Dès la 42ème minute, Dr Maboule met la pression sur la défense anglaise avec un astucieux coup de pied par dessus, dosé juste devant l’en-but anglais. Tamponné par Camara et Sackey, l’arrière Dollman relâche le ballon et Djibril aplatit dans l’en-but. Julien Dupuy, qui respire le sexe selon certaines sources sur Twitter, passe tout au pied ce soir (y compris à longue distance) et les Parisiens à porter le score à 17-12 aux alentours de l’heure de jeu. Les Roses se disent sans doute alors que l’affaire est dans le sac et relâchent un peu la pression. Du coup, les Anglais se montrent à nouveau dangereux et Naqelevuki va à l’essai en solo après un formidable concours de plaquages ratés entre Dupuy, Arias et Contepomi. On notera d’ailleurs la défense « en Poitrenaud » de l’Argentin, ce qui consiste à surveiller l’adversaire le dos tourné à l’action. Mieres rate une transfo pourtant dans ses cordes et ça fait donc 17-17.

Ça sent la fin de match à la Harlequins 2011 et d’ailleurs ce salopard de Gonzalo Camacho, qui joue désormais à Exeter, fait une grosse frayeur à la défense stadiste en perçant sur 10 mètres. Heureusement le ballon est gratté et dégagé au loin par Dupuy sur l’action qui suit. Mais les Chiefs reviennent à la charge et c’est notre ami Mieres qui aura cette fois l’occasion de crucifier son ancien club  à 3 minutes de la fin du match : à 15m en face des poteaux, il rate pourtant le drop, comme quoi s’entraîner chaque jour avec Lionel Beauxis n’est pas sans conséquences. Très souvent poissards cette saison, les Parisiens sont décidément bien chattards (©Elvis Vermeulen) sur ce match puisqu’à l’ultime minute, Julien Dupuy transperce la défense anglaise, navigue et parvient à donner son ballon au sécateur samoan Paul Williams, qui va marquer l’essai de la victoire. C’est du vol mais après tout on ne va pas se plaindre de battre des Anglais à l’anglaise.


Le drame de Julien Dupuy : à chaque fois qu’il prend l’avion, il fond en larmes pendant la démonstration des hôtesses.

Les joueurs :

Roncero : Archi crâmé et même plus discret quand il s’agit de faire des fautes à la con qui pourrissent le jeu. Mais on ne lui en veut pas, il ressemble à mon voisin Totoro, c’est un peu la mascotte du club. Szarzewski : On lui a dit qu’il jouait pas avec l’Équipe de France et qu’il avait le droit d’être bon ? Sempéré fut meilleur sur sa rentrée. Slimani a été dynamique dans le jeu mais a oublié de s’accrocher au ballon quand il allait péter dans la défense. Finalement, c’est quand il n’est pas là qu’on se rend compte que David Attoub est quand même indispensable.

Le Candidat : toujours aussi régulier cette saison, même quand il est moins en vue il se maintient à un très bon niveau. Van Zyl, mi-catcheur mi-basketteur dans la grande tradition des secondes lignes sud-af, a encore été précieux dans les airs et dans le combat. Sinon toujours pas de nouvelle de Tom Palmer, passé de joueur discret mais indispensable à joueur discret mais inutile.

Sans doute touché par une extinction de voix, Parisse n’a pas été aussi bon qu’à d’habitude et n’a presque pas parlé avec l’arbitre. Gros matchs défensifs de Burban et de George Smith qui est tellement toujours parfait qu’il a sans doute été envoyé à Paris en retour de Karma après 3 ans de Leguizamon.

Julien “Krusty” Dupuy n’a pas toujours fait les bons choix (quelques sorties lentes et deux coups de pied en ballons morts) mais il a été très précis face aux perches et a eu l’inspiration décisive sur l’essai de la gagne. Un match ouinneure sans masque à oxygène. Dr Maboule n’était pas vraiment dans un bon jour dans l’animation offensive et ses montées kamikazes en défense ont créé quelques déséquilibres. Il se prend aussi un jaune évitable mais il est quand même à l’origine de l’essai de Camara.

Turinui & Paul Williams : C’est lourd et massif et ça découpe, avec une mention particulière pour le Samoan qui n’est pas dégueu avec ses mains et ses pieds non plus. Julien Arias lui est tellement mauvais défenseur qui finalement, Paul Sackey paraît excellent dans l’exercice à coté de lui. A part ça, on a pas vraiment vu les deux ailiers en attaque.

Djibril Camara : Le pionner de la lutte anti-contrôle antidopage aurait pu être déstabilisé par les récentes polémiques et revenir à ses mauvaises habitudes. Mais non, Dji Dji l’amoroso (© Ovale de Grace) a confirmé sa bonne forme récente, voire mieux : il sauve deux essais anglais tout faits (dont un en se couchant sous le ballon dans l’en-but) et en marque un aussi moche que décisif. Maintenant il n’a plus qu’à faire assassiner Poitrenaud, Buttin et Lapeyre et il peut espérer être sélectionner en Equipe de France.

Malabar : Y’en a déjà marre ? Plus de trace du sponsor de samedi dernier sur le maillot parisien. Dommage, on avait prévu tout un stock de vannes pour la saison à venir…
Les Chiefs :

Une équipe anglo-gallo-irlando-fidjo-argentine plutôt agréable à regarder mais finalement prévisible à faire du large-large, comme beaucoup d’équipes de Premiership d’ailleurs.Ignacio Mieres a été bon dans la conduite du jeu mais a raté l’occasion de faire un gros fuck à ceux qui n’ont pas cru en lui : il a même préféré leur donner raison en ratant un drop que même Rodrigo Roncero aurait passé avec un bandeau sur la tête et une jambe dans le plâtre. Le Pumas Camacho est toujours un danger sur l’aile, de même que son voisin fidjien au nom imprononçable (Naqelevuki  donc). Au passage, on a trouvé un deuxième mec qui s’appelle Sireli sur Terre. Whitehead s’est montré digne de la grande tradition des talonneurs anglais, de Brian Moore à Dylan Hartley et passant par Mark Regan. Et quelles magnifiques oreilles…

En bon chirurgien, Felipe a tenté de refaire le portrait de ce pauvre homme

La suite :

Qualifiés pour les demi-finales, les Parisiens savent déjà qu’ils se déplaceront quoiqu’il arrive, ce qui peut leur paraître injuste sachant qu’ils ont eu le meilleur bilan de toutes les équipes en phase de poule. Ce sera donc un déplacement au Twickenham Stoop contre leur bête noire, les Harlequins (3 défaites en 3 ans, 2 en H-Cup et une en finale d’Amlin la saison dernière) ou à Mayol chez les fous furieux Toulonnais, qui certes sont déjà sûrs d’aller en H-Cup, mais on imagine bien que Mourad ne cracherait pas sur une petite breloque brillante à mettre dans sa vitrine. Autant dire que c’est mal barré, mais si sur un malentendu Djibril Camara peut devenir un bon joueur de rugby, alors tout est possible.