Très à quinze
par La Boucherie

  • 21 March 2012
  • 53

 

Par Pack Dequinz’,

« Tie yourself to me, and no one else… you’re not rid of me » PJ Harvey.

Nous les filles, amatrices de rugby ou non, on garde toujours dans notre musette mentale l’image de cet être de contes et d’effets que l’on pourrait appeler vulgairement prince charmant. À l’instar d’un archiduc dans nos rêveries, il possède les qualités que chacune désire pour lui en son for intérieur. Il nous arrive parfois, à nous les nanas (même les plus déshydratées comme moi, je veux dire), de trouver la représentation vivante à apposer sur cet objet ultime de nos fantasmes. Parfois bêtement en feuilletant un calendrier, ou en dégustant une coupe de glace aux trois chocolats et crème fouettée en terrasse de notre dealer préféré (en fait, pour moi ce sera une bière. Merci). Parmi mes copines de stade, les débats tournent régulièrement autour de magnifiques soldats royaux tels qu’en sont Sergio Parisse, Louis Picamoles ou bien David Marty (si si, Marty, il en faut remarquez…) . Et bien mon chevalier blanc lui, possède un tout autre visage. Une toute autre silhouette, j’ai envie de dire, un autre rôle dans le rugby à XV français du 21ème siècle. Cet être de toutes mes convoitises imaginaires et fantaisistes n’est autre que le journaliste et commentateur Rodolphe Pires.

Rodolphe, c’est le mouvement perpétuel de la bonne humeur. La voix joyeuse et passionnée ne cesse de rendre la magie encore plus présente lors des rencontres que je suis sur la pay-per-view télévision française. Il en arrive même, et ce n’était pas mince affaire, à me faire oublier que ça coûte quand même l’équivalent de quelques apéros à la bodega du coin de le suivre dans ses aventures aux pays de l’ovalie, Rodolphe…

Mais la mauvaise nouvelle de la saison m’est tombée dessus comme un Henry de Tuilagi lancé depuis vingt mètres quand un beau matin, encore enveloppée de ma nuit onirique avec Rodolphe, Twitter m’a parlé. Rodolphe retournerait à ses premières amours rugbystiques, autrement dit vers l’héritière du roi Louis « Croix-bâton-bâton-bâton ». Fini l’Union avec moi pour mon preux prince adulé,  re-bonjour la League sans moi et sur une autre chaîne, mais du câble cette fois. Ne cédant pas à la panique (je n’ai pas non plus renversé la bouteille de pastaga hein, faut relativiser…) et mettant à l’épreuve ma capacité à rebondir, j’ai pris mes premiers billets pour le stade Gilbert Brutus, antre des Dragons Catalans, l’autre personnage de premier plan de l’ovalie catalane.

Je vous plante le décor. À Perpignan, et plus généralement en Roussillon, on se préoccupe bien moins du conflit droite/gauche de la politique française que de celui opposant les quinzistes et les treizistes du pays. Et c’est peu dire que de l’écrire, parce qu’une telle opposition ne s’est jamais vue, même entre deux packs d’avants de même poids. Me voici donc engagée dans un nouveau défi de taille puisqu’au mépris des dangers (à commencer par la tonte de mon crâne et mon bannissement définitif des buvettes à mon retour à Giral) je choisis de suivre mon commentateur préféré par-delà les limites du royaume quinziste, pour aller voir si j’y suis dans cette autre nation du ballon ovale. Je vous ferai grâce, à vous amateurs et supporters de tous les bords du rugby à XV, de mes considérations d’ordre sentimental au sujet de mes couleurs catalanes aussi fièrement arborées dans ce temple du XIII que dans le chaudron usapiste qui m’a vue pousser. Je vous parlerais volontiers des buvettes de Gilbert Brutus, accueillantes à souhait avec leur blonde délicate, mais là n’est pas le sujet finalement. Je pense primordial de faire un rapide résumé historique de ce faux-jumeau du rugby à XV que nous affectionnons tant malgré ses dérives professionnelles et autres chabalades, car en la place treiziste, si professionnels et stars il y a, c’est bien sur le terrain qu’on le vérifie et non pas au nombre de caméras en gravitation autour des acteurs de la partie.

Et pour cause, car la nature populaire du rugby à XIII au sens strict du terme en est son essence, c’est de là que tout part en bout du bout du 19ème siècle en Angleterre. Les clubs du nord du pays ont eu à coeur de compenser les heures de travail perdues et les frais des joueurs pour la plupart issus de la classe ouvrière. Ce qu’ont refusé de faire les clubs du sud d’Albion, manifestement un peu plus perfides avec les leurs que leurs copains du dessus. De là, a naturellement découlé une franche rupture entre les deux zones et une nouvelle fédération issue des clubs du nord a vu le jour. Afin de rendre le jeu plus rapide, certaines règles ont été modifiées en touche et en mêlée pour finalement voir le poste de troisième ligne aile supprimé, réduisant à treize le nombre de joueurs dès le tout début du début du 20ème siècle.

Alors concrètement, le rugby à XIII, comment ça se passe.

La première règle, comme pour le XV, est d’effectuer les passes à la main vers l’arrière.
La numérotation des joueurs est inversée. On compte 1 depuis l’arrière pour arriver à 13 à côté d’un pilier, la charnière étant disposée en 6 pour l’ouvreur et 7 pour le demi-deum. Jusqu’ici, c’est facile. Deux fois quarante minutes pour le temps de jeu mais un barème de points différent : 4 pour un essai, 2 pour une transformation ou une pénalité, 1 seul tout petit point pour le drop-goal.

La différence fondamentale du rugby à XIII par rapport à son ancêtre quinziste réside dans le fait qu’il y a une limitation des temps de jeu consécutifs, c’est-à-dire que la chaîne tactique de l’équipe attaquante se limitera à 5 tenus (ou placages) effectués par l’adversaire. Durant ces 5 temps, et si aucune faute n’est commise de part ou d’autre, l’équipe en possession du ballon ne perdra pas ce dernier et continuera sa progression dans la limite des 5 tenus, le joueur plaqué se relèvera rapidement et talonnera la balle vers l’arrière, en direction de ses coéquipiers prêts pour tenter une nouvelle charge. Il n’y aura au maximum que 4 joueurs dans une zone de placage : le plaqueur, le plaqué et leurs demis de tenu respectifs. Tous les autres joueurs de l’équipe attaquée se positionnant sur une ligne à 10 mètres de l’action. Ne cherchez pas de ruck ou de maul à XIII, il n’y en a pas. Pas plus que de touches en ligne. Par contre, des joueurs aplatis agitant de manière névrotique bras et jambes à l’image de la saleté de punaise anglaise qui trainait dans ma cuisine jeudi dernier… (Comment je sais qu’elle était anglaise ? Elle avait le volant à droite pardi !) Passons à la mêlée, et qu’on se le dise, il y a bien des mêlées dans le rugby league. La disposition se fait en 3-2-1 et l’entrée violente est tout bonnement interdite. C’est une manière un peu plus artistique de remettre le ballon en jeu mais ce n’est pas la phase importante de conquête que l’on connait en rugby union.

Connaissant ces quelques points d’histoire et de règlement, nous voici toutes et tous plutôt bien parés à vivre dans les meilleures conditions une première expérience de rugby à XIII. Moi, j’ai déjà mes billets pour la rencontre du week-end prochain dans l’antre des Dragons Catalans. J’ai aussi des jetons pour la buvette, je n’aime pas être prise de cours. C’est promis, je vous raconterai ça quand j’aurai le temps. Je tiens toutefois à vous rassurer, Pack je suis, Pack je reste et, même si rien n’est trop difficile quand il s’agit de mon Rodolphe (j’irais même jusqu’à suivre le catch ou les championnats du monde rallye à dos de mule s’il s’agissait du dernier sport nous liant encore), jamais, je dis bien jamais, je n’enlèverai deux canettes à mon carton de quinze. Il y a des choses qui se respectent.

Pack Dequinz’

Message personnel : Rodolphe, si tu me lis, si tu as eu suffisamment de patience pour suivre ma déclaration jusqu’au bout, sache que pour moi c’est OUI. Tu pourras me trouver non loin de la nouvelle buvette ultra-moderne qu’ils ont installée au stade Brutus. Tu sauras certainement me reconnaitre, la coupe aux lèvres et dans le maillot que j’ai subtilisé il y a peu à Jamal. À bon entendeur… santé et bon retour à XIII !