Casier judiciaire : Paul O’Connell
par La Boucherie

  • 09 February 2012
  • 26

Par l’Affreux Gnafron
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Ils arpentent les terrains européens depuis de nombreuses années, vous pensiez les connaître au travers des pertinentes anecdotes de Matthieu Lartot, Pierre Salviac et Christian Jeanpierre et pourtant vous vous trompiez ; vous viviez dans l’erreur et l’ignorance. La Boucherie a enquêté, au péril de sa vie, investiguant dans les rades les plus mal famés, les bouges les moins recommandables, traquant, compilant les rumeurs les plus folles afin de vous informer et pour qu’éclate la vérité. Voici pour vous, lecteurs, la véritable histoire de ces hommes qui dirigent l’Europe, ces hommes dont les décisions impactent les destinées de millions de leurs concitoyens, ceux dont le sang-froid, la clairvoyance et les qualités de leadership décident du destin des Nations : les capitaines des équipes du Tournoi des 6 Nations.

Contrairement à une opinion couramment répandue au sein du journalisme sportif (et ensuite diffusée dans l’opinion publique), le petit Paul O’Connell ne vit pas le jour le 20 Octobre 1979 à Limerick (Irlande). Selon toute vraisemblance, il ne serait pas non plus la progéniture du Diable et d’une succube (assertion qui trouve cependant de nombreux partisans en Angleterre et chez les secondes lignes irlandais nés entre 1980 et 1990).
Nous sommes ainsi en mesure d’affirmer que si notre sympathique garnement possédait bien un caractère insulaire, c’est vers une autre île plus septentrionale que devrait se tourner notre regard.

 

Enluminure médiévale relative à l’apocalypse de Paul: l’arrivée des archanges destructeurs sur Terre

 

Les registres d’Etat civil du Höfuðborgarsvæði, une région d’Islande bien connue, attestent de la naissance ce même 20 Octobre 1979 d’un certain Paulo Quenelle. Le non-respect de  la particularité islandaise qui veut que, contrairement à l’usage, il ne se voit pas affublé du patronyme familial (cf l’excellent  article wikipedia relatif à la question des noms islandais), nous incite à penser qu’il est d’emblée rejeté par sa famille. Sont-ce ses 14kg à la naissance, ses 76cm, son abondante chevelure rousse ou son regard déjà rempli de malveillance qu’il faut mettre en cause ?

Toujours est-il que  ‘ti Paulo, comme le surnomment ironiquement ses camarades, est rapidement abandonné par ses parents et trouve refuge auprès d’une ourse polaire qui passait par là (le réchauffement climatique est aussi depuis passé par là et la population d’ours islandaise en a cruellement pâti). Maman Ours prend alors en charge le nourrisson, en ayant à l’esprit qu’il pourra toujours servir de casse-croûte à ses 2 petits oursons lorsque le FMI se sera occupé de l’Islande et que la situation économique du pays se rapprochera de celle du Lesotho. Les animaux sont parfois plus prévoyants que les hommes.

Nourri au lait d’ourse et au Yop, Paulo prospère (Yop là boum !) et renforce sa musculature déjà impressionnante. La vie au grand air, la rigueur des hivers l’endurcissent et il devient un bambin athlétique malgré ses 5 ans. Un jour, alors qu’il pêche du poisson en haute mer pour nourrir sa famille d’adoption, Paulo est pris dans une tempête. Il tente courageusement de lutter contre le courant mais rien n’y fait. Les flots tumultueux l’entraînent au loin. Cinq fois, le roux coule mais grâce à sa hargne déjà légendaire (les prémices du fighting spirit diront certains) et à 5 jours d’efforts, il est recueilli à moitié mourant par un couple de pêcheurs irlandais.
Le couple, plus stérile qu’une attaque perpignanaise, voit  l’arrivée de cet étrange petit bonhomme roux comme un cadeau providentiel. Ils l’adoptent donc et irlandisent son nom en Paul O’Connell. La légende est en marche.
L’Islande ne se remettra jamais du départ de son fils prodige et ira de Charybde en Scylla : crise économique, éruption volcanique, éclosion de Bjork.

Ayant démontré des qualités naturelles pour la nage au cours de sa grande traversée, notre jeune héros se dirige tout naturellement vers la natation.
Champion d’Irlande à 13 ans, il gardera lors de la suite de sa carrière cette fantastique capacité à évoluer la bouche ouverte, mélange d’hyper-ventilation, d’invectives à l’adversaire et de dialogue avec le corps arbitral (un simple coup d’œil sur google images vous le confirmera).

 

Il nage bien le chef.

 

Compétiteur dans l’âme, Paulie le roux se révèle également être un joueur de golf de fort bon niveau (handicap de 4 lorsqu’il avait 16 ans). Entre greens, trous et bassins, il ne garde que peu de temps pour la distraction. Cabossé par la vie et enclin à la misanthropie, le jeune O’Connell exprime son mal-être en musique. C’est d’une rencontre avec le jeune rappeur irlandais Don Choa O’Callaghan que tout va débuter. Membre des Munstermen, groupe de rap gaélique, Don Choa voit en Paul le leader qui manque au groupe et lui propose de les rejoindre. Pour la première fois de sa vie, l’exilé islandais se sent intégré dans un collectif et répond favorablement à cette demande. C’est la naissance d’une belle et profonde amitié entre POC et DOC. Elle perdurera à travers les âges et sera immortalisée, bien que largement travestie, au cinéma dans Rox et Roucky.

Sous les conseils de Donncha (tout jeune champion du Monde des U19) et las d’exercer ses talents sur les greens, Paul décide plutôt d’essuyer ses talons sur l’échine de ceux qui le voudront bien. Le roux quitte le rough et se plonge avec délectation dans les rucks sa troisième carrière sportive, celle qui sera la plus aboutie.
Nous sommes alors en 1999 et la coïncidence avec le chiffre maléfique ne vous aura pas échappée.. L’Antéchrist débarque sur les terrains de rugby. Désormais, ce sera Bloody Sunday tous les dimanches. (Les légères distorsions temporelles qui peuvent apparaître au cours du paragraphe précédent sont à mettre sur le compte de la licence romanesque.)

 

Comme on dit dans le Connemara et en Auvergne: il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas.

 

La carrière en club de Paul O’Connell constitue le cauchemar de bien des présidents de Top14. Pas le moindre transfert ni la moindre mutation depuis près de 12 saisons. Pire, le géant vert (ou roux pour les daltoniens) porte au niveau senior la bannière qu’il défendait déjà en étant Junior. A savoir celle du Munster.
Pour les plus gastronomes d’entre vous, le Munster n’est pas seulement un succulent fromage de l’Est de la France. Il s’agit également d’une province irlandaise située au sud-ouest de l’île. N’en déplaise aux toulonnais, parisiens et clermontois, il apparaît évident que la qualité du rugby qui y est pratiqué dépend de son caractère méridiano-occidental.

L’espérance de vie d’un joueur de rugby est très élevée au Munster. La combinaison d’une pluviométrie élevée, d’un très fort taux hygrométrique (exprimé en Guiness) et l’absence  à peu près totale de la moindre trace de calendrier démentiel semblent expliquer cela. L’influence d’un gène roux parait cependant à exclure.

Un mémorandum de Provale sur le temps de jeu de Paul O’Connell en club ces 11 dernières années circule dans les milieux autorisés. On peut y constater qu’avec 130 matches joués soit une moyenne de 12 matches/an, on pourrait reverser sans peine Biarritz Olympique et Aviron Bayonnais en Ligue Celtique sans surcharger le calendrier. Le tout en les maintenant dans l’élite des championnats européens. Comme pour les clubs italiens, cela leur permettrait en outre d’élever leur niveau de jeu dans une ligue fermée.

Toujours est-il que Paul O’Connell a parfaitement su s’adapter au sein des Munstermen. Lui qui avait singulièrement manqué de stabilité au cours de la première partie de sa vie a pu profiter des joies intemporelles d’évoluer aux cotés de John Hayes, Ronan O’Gara ou Peter Stringer. Cette stabilité professionnelle s’est couplée d’une certaine solidité conjugale pour le chasseur de Limerick. Qu’est-ce qu’il y connaît aux femmes le Limerick Hunter ?  Réponse : rrrrien car il est avec la même depuis ses 20 ans! répondront en chœur Gavin Henson, Mike Tindall et Marc Cécilion.

 

Lettre de Guy Moquet lue par Clément Poitrenaud: la version irlandaise

 

Mais c’est sa qualité de connaisseur et meneur d’hommes qui conduira Paul à prendre les rênes du Munster. A compter de 2006 et du titre européen remporté contre Biarritz, il succède ainsi à Anthony Foley au capitanat et s’affirme comme l’âme de cette équipe. Une autre HCup tombe dans l’escarcelle irlandaise en 2008 après la victoire dite ‘du cache-ballon’ contre le Stade Toulousain. Deux demi-finales perdues plus tard, l’édition 2011 sera un véritable fiasco pour Paul et ses hommes. Blessé une bonne partie de la saison, O’Connell ne peut empêcher le Munster d’être reversé en Challenge Européen. C’est la première fois en 13 éditions que le Munster n’accède pas aux quarts de finale de la plus prestigieuse compétition européenne. Vieux, usé et fatigué, subissant les impacts, Paul O’Connell semble atteint du syndrome de Jérôme Thion.

 

 

Allégorie du choc des civilisations

Il profitera de la Coupe du Monde 2011 pour répondre à ses détracteurs. Elu homme du match contre les Etats-Unis, la performance des petits hommes verts contre l’Australie constituera la seule surprise du premier tour et provoquera un bouleversement dans le tableau final. Car en parallèle de sa carrière en club, O’Connell se démène sur la scène internationale.

Sa première cape en février 2002 est inaugurée par un essai à Lansdowne Road contre les Gallois. Le diable roux récidive contre les Diables Rouges en juillet de l’année suivante. Et avec un doublé ! En Novembre 2006, O’Connell ne laissera à personne d’autre le soin de marquer le dernier essai international de Lansdowne Road avant sa démolition. Il s’agira également du dernier essai du rouquin. Autant dire une éternité pour l’homme aux 89 sélections.

Peu prolifique en essais, Paul O’Connell se révèle étrangement aussi peu loquace en matière de cartons encaissés. 5 misérables biscottes (dont une rouge) avec le Munster en près de 130 matches ! De quoi décourager Jamie Cudmore de se frotter à la rouquine du premier.

Le jeu d’O’Connell, tout en ‘pénibilités’ en fait pourtant un des meilleurs secondes lignes de combat actuels. Gros défenseur (17 placages contre les Gallois, à une unité de l’énôôôôrme O’Brien), Paul met à profit son expérience pour optimiser ses déplacements en verrouillant les abords des rucks. Et tant pis si parfois, atteint par l’arthrose due à son grand âge, il ne peut s’extirper de la zone plaqueur-plaqué aussi rapidement que le souhaiterait le corps arbitral. O’Connell plonge alors son regard d’acier dans les yeux de l’arbitre en lui promettant les mille tourments de l’enfer, agite les bras dans un simulacre d’impuissance et reste soigneusement en place pour pourrir la libération de balle. Avant de se relever et de piquer 4 ou 5 ballons en touche sur lancer adverse.

As du combat aérien, le Baron roux est un véritable stratège de la touche, reconnu et redouté pour ses performances dans ce domaine.  S’il ne subtilise pas lui-même les balles, il organise le contre et décide de l’opportunité d’en instaurer un. Lorsque Leo Cullen joue à ses côtés, on peut alors dire que le roux pille sur ses deux oreilles.

 

Paul O’Connell ne sera jamais cité pour cette fourchette mais bien pour tirage de maillot. Il sera blanchi de cette accusation odieuse.

 

Les qualités sportives et charismatiques d’O’Connell ont trouvé une apothéose avec sa sélection lors de la Tournée des Lions Britanniques en 2009. Vainqueur du Grand Chelem avec l’Irlande quelques mois plus tôt, l’Irlandais se voit confier le capitanat de la tournée sud-africaine et peut enfin occulter Brian O’Driscoll en retire un grand honneur.
La blessure et le forfait de BOD pour l’intégralité du Tournoi 2012 provoquent la nomination de POC en tant que capitaine, charge qu’il n’avait portée auparavant qu’à 8 reprises.

Adepte du régime Donnchadh (prononcez Duncan): des pains, Dublin, du Boursin, Paul ne craint pas la retraite et vient de prolonger son contrat auprès de la Fédération Irlandaise jusqu’en 2014. Si vous le voyez d’ici-là plonger avec un profond enthousiasme dans un ruck, dîtes-vous qu’il ne fait que revenir à ses premières amours et salue la mémoire de Mark Spitz, son idole de toujours.

 

Don Choa O’Callaghan a kiffé grave.