Chris Paterson n’ira plus au chardon
par La Boucherie

  • 22 December 2011
  • 16

Par L’affreux Gnafron,

Vous serez sans doute nombreux, amis lecteurs,  à vous demander  de quel droit la Boucherie, d’ordinaire si prompte à vénérer les durs au mal, bagarreurs et autres équarrisseurs, se permet ici-même de saluer la retraite internationale de Monsieur Chris Paterson, l’anti-boucher par excellence, le gentleman cabrioleur des prés.
La réponse tient en peu de mots : l’Esprit de Noël. Et pour célébrer sa présence parmi les bouchers, rendons hommage à celui qui l’incarne si bien.

 Chris a la classe en toutes circonstances. Même en loques, n’est-ce pas?

Représentant d’un rugby aujourd’hui désuet, dans lequel les IMC des joueurs des lignes arrières ne les caractérisaient pas comme obèses, Chris Paterson débute sa carrière au RFC Gala, club amateur de Galashieds. Il en conservera, toute sa carrière durant, cette image de joueur élégant, toujours tiré à quatre épingles, évoluant avec classe à tous les postes qu’il occupera. Joueur de gala un jour, joueur de gala toujours donc.

Mais la petite ville des Borders se révèle trop étroite pour le jeune Écossais. Après une expérience professionnelle infructueuse d’une année à Glasgow (pour kilt sonne le Glasgow), il décide en 1999, alors âgé de 21 ans, de rejoindre le club d’Édimbourg. Dès lors, il ne quittera plus la capitale écossaise (hormis une parenthèse mitigée d’un an à Gloucester en 2007).

Les performances des clubs écossais se révélant pour le moins anecdotiques, c’est sous le maillot du chardon que la carrière de Chris Paterson prendra toute son ampleur. Et encore, ne venez pas chercher ici un palmarès ronflant, encombré de titres européens et mondiaux, on vous rappelle qu’il s’agit ici d’un international de rugby écossais des années 2000. Soit l’équivalent d’un footballeur suisse ou d’un handballeur canadien. Et les esprits chagrins qui viendraient nous mentionner les Calcutta Cup et autres trophées célébrant la consanguinité britannique seraient bien avisés de ne pas trop s’appesantir sur la valeur de telles récompenses.
Toujours est-il que la carrière internationale de Chris Paterson débute le 16 Octobre 1999 lors d’un match de Coupe du Monde opposant l’Ecosse à…. l’ Espagne (rugby d’une autre époque qu’on vous dit). Match remporté haut la main par les Calédoniens par le score de 48 à 0 pour la petite histoire. S’il s’agit là de la seule participation espagnole au plus haut niveau mondial (ainsi que de l’unique apparition de l’arrière lors de cette édition), cette première fut suivie de bien d’autres pour notre ami.
De 108 plus exactement. Car entre ce 16 Octobre 1999 et ce funeste 21 Décembre 2011, Paterson portera les couleurs nationales à 109 reprises (108+1 ; le compte est bon Bertrand Renard sacripant).

Evoluant indistinctement aux postes d’ouvreur, d’ailier ou d’arrière (non, nous ne citerons pas Damien Traille), l’écossais se paiera le luxe de participer à 4 Coupes du Monde. Sans aller plus loin que les quarts de finale, sélection écossaise oblige.

Et maintenant, Chris? Tu as toujours autant de nez, pour sentir les coups?

 

Mais c’est sur la scène européenne que le XV du Chardon récoltera ses plus brillants lauriers.
Le Tournoi des 6 Nations 2000 voit l’entrée de l’Italie dans la compétition européenne. Pour son premier match du Tournoi, les Transalpins reçoivent l’Ecosse, tenante du titre. Pour ne pas gâcher la fête, les Scottish laissent une victoire historique à leur hôte. Ça vous pose le niveau de l’équipe. Ils récidiveront en 2004, 2008 et 2010 contre des sélections autrement plus performantes il est vrai.
Et je vous le donne en mille, dans quel pays la Squadra récoltera-t-elle son premier succès à l’extérieur ? Chez nos inénarrables Highlanders bien entendu, lors de l’édition 2007 du Tournoi.
Malgré ces turpitudes (et la présence de McLaren au centre), Chris enquille les sélections et les points et fait parler sa précision de buteur aux quatre coins du monde ovale.
Il est élu arrière du Tournoi  en 2005 mais la porte de la sélection des Lions Britanniques reste close par Clive Woodward. Ce qui évitera d’ailleurs à Chris de prendre part au fiasco de la tournée suivante. Ce type est un visionnaire.
Homme de tous les records, il parvient à enchaîner 36 réussites consécutives au pied entre Août 2007 et Juin 2008. Oui tu as bien lu Luke, 36 succès sans un seul échec ! On connait des clubs haut-garonnais qui paieraient cher pour ce ratio.
Paterson se paie ainsi le luxe d’obtenir un 100% lors de la Coupe du Monde 2007 et parvient à concilier efficacité dans le tir et élégance naturelle dans la frappe. Point de pose abracadabrantesque ou de cérémonial laborieux pour Paterson : la simplicité est ici érigée en modèle.

La célèbre technique de tir de Chris devant Martina Haggis

Le talent de buteur de l’écossais ne doit pas occulter ses qualités de joueur. Finisseur classieux dont les seules qualités offensives lui auront permis pendant longtemps de s’affranchir du labeur défensif (cet euphémisme est également un message de soutien adressé à Jérôme Porical), il aura ainsi marqué 22 essais pour l’Ecosse, mais le dernier date de 2007 tout de même. A la lutte avec Gavin Hastings pour le titre de meilleur marqueur (la fameuse bataille d’Hastings), Paterson reste à ce jour avec ses 809 points la référence nationale (ex-aequo avec Dan Parks….. non on déconne).
On ne pourra que regretter la faiblesse des équipes au sein desquelles Paterson aura eu l’occasion d’évoluer, le grand joueur qu’il est aurait pu alors se muer en véritable légende de ce sport. Mais essaie donc de devenir une légende aux côtés de Marcus Di Rollo, Simon Webster et avec Jacobsen en pilier..

Dans un pays érigeant en princes William Wallace et Nathan Hines, il apparaissait difficile pour un joueur qui abhorrait aller au chardon d’entrer dans la légende. Et pourtant Paterson y est parvenu. En privilégiant la technique au physique, la science du placement à l’affrontement. Et ce, sans le moindre carton. Sans tomber dans la germanophobie la plus primaire, ce n’est pas Florian Fritz qui en dirait autant.

L’annonce à 33 ans de la mort internationale du Chris pourrait nous affliger d’une peine sans fond mais ce n’est pas un hasard si celui dont la science du timing, les courses chaloupées, passes impossibles et coups de pied millimétrés nous auront donné tant de plaisir se retire à l’occasion de la Journée de l’orgasme.
La classe internationale réside aussi dans ces détails.

 

Instant miaou, la part d’ombre de Chris Paterson

 

Interlude mathématique : d’après les informations disséminées dans l’article et sachant que Chris Paterson a converti 170 pénalités et 90 transformations, quel est le nombre de drops réussis par notre héros au cours de sa carrière internationale ?

Les titres auxquels vous avez échappés:
La dernière tentation de Chris
Au nom du Pater, du Son et du Saint Esprit
Le dernier Chris : roi d’Ecosse

 

Attention, cette compilation comprend des placages de Chris Paterson