Merci
par La Boucherie

  • 27 October 2011
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Dagonet fait partie de “la moyenne des Homo Sapiens qui se courent après la queue en attendant la mort” (Pierre Desproges).

Il est assez discret et suit son petit bonhomme de chemin. Il aime bien la nature, les tracteurs agricoles et le rugby.
Aussi, quand un match de l’équipe de France passe à la télé, il essaie de le voir car il passe un bon moment (quel que soit le résultat).

Il a du mal a comprendre ces hordes beuglantes de supporters abreuvés de joie et de bière (pour paraphraser Renaud): ben oui, c’est idiot de se grouper à 80000 dans un stade, de se maquiller ou se déguiser à l’image d’une des 2 équipes, de faire beaucoup de bruit pour pas grand chose.
Pendant ce temps là, lui, sur sa chaise, il bouge un peu quand le pack est chahuté, il se lèverait presque quand l’essai est à portée de crampon, mais il reste toujours discret.
Il se souvient bien que la coupe du monde 2007 n’avait pas été très brillante, il a raté le dernier tournoi des 6 nations, il se fout de savoir qui est Marc Lièvremont.
Il n’est pas sportif pour 2 sous.
Il n’est pas supporter des rouges à manches noires ou des jaunes à pneus bleus….
Le seul match de rugby auquel il a participé: il avait 21 ans, ceux d’en face à peine 18 mais ils jouaient en club. Il s’est prit une tôle magistrale, mais ils ont fété ça tous ensemble quand même.

Et puis vient cette fin d’année 2011…
J’ai été invité à voir le 1er match du Top 14: Aviron Bayonnais – Stade Toulousain (merci d’ailleurs à celle qui m’a invité, je ne me rappelle plus le lui avoir dit).
Le match en lui-même ne m’a pas transcendé: on y voit moins bien qu’à la télé, il n’y a pas les commentaires qui font couleur locale, la guitoune à Guytou + les stafs des équipes + la caméra de Canal+ Sport bouchent le paysage.
Par contre, j’ai vu en vrai un Elissalde, un Novès, un Poitrenaud (c’était à peu près tout ce que je reconnaissais ce soir là de la planète rugby), et j’étais content.
J’ai découvert une ambiance: le chant tribal de Bayonne est très entraînant et tout le monde le connaît (sauf moi apparemment).
Puis l’après match: on discute avec les joueurs de l’Aviron comme si on les connaissait, séance photo sans problème d’égo ni de garde du corps, j’ai même accosté un gars en costard qui parait-il a été un grand joueur par le passé…….. On n’a plus envie de partir.

J’ai profité de mes 3 semaines de vacances pour suivre les matchs de poule de l’EdF chez pôpa-maman (parce que eux, il ont une télé…).
Comme d’hab, je suis resté sur ma chaise.
Comme d’hab, je me suis bien gardé de devenir un sélectionneur de salon (comme ces grandes gueules de consultants).
Comme d’hab, j’ai vibré intérieurement pendant les matchs.
Et tant pis s’il faut se lever tôt pendant les vacances.
Puis vient le 1/4 et la 1/2: à chaque fois, je fais les 150 bornes qui me séparent de la télé pour suivre les matchs avec plus ou moins de “bôjeu”. Je m’en fous, on est qualifié, même si les “spécialistes” nous garantissent un massacre au tour suivant à chaque fois.
J’ai adoré  “tu m’emmerdes avec ta question” comme la majorité silencieuse qui rêve de pouvoir le dire au boulot.

La finale arrive à la grande surprise de tout le monde (sauf peut-être de ceux qui y croyaient).
Je me sors enfin les doigts du cul et je réserve ma place au Stade de France: c’est pas tous les jours qu’on est en finale !
Je me tape les 350 km tôt dans la nuit pour être à l’heure.
Je suis dans les premiers à l’entrée.
Je vois arriver les supporters maquillés et braillards (je les trouve rigolos).
Je rentre, je m’installe et j’observe la foule survoltée que je n’avais vu qu’à la télé jusqu’à présent. En plus, on est là pour regarder la télé, mais je ne suis plus seul sur ma chaise: on est 15000 (selon les organisateurs, la Police n’était pas sortie de l’apéro du matin).
Comme d’hab, je reste tranquille dans mon coin….

La Marseillaise : le déclic, je me lève et je chante à tue-tête avec la foule, je fais corps avec eux.
J’encourage l’EdF même si elle ne m’entend pas, je bouge avec elle, je me lève quand la marque approche, bref je suis un supporter comme les autres.
J’y ai cru jusqu’au bout, j’ai été déçu du dénouement, mais c’est le sport.
Alors les théoriciens du complot vont sûrement dire que l’on paye encore le Rainbow Warrior et Mururoa, mais c’est comme ça et puis c’est tout: il y aura toujours des perdants dans une compétition.

Alors merci à tous les compétiteurs sans qui il n’y aurait pas de compétition. Les “petits” ont démontré qu’ils n’étaient pas insignifiants face aux grandes nations du rugby.
Merci à l’EdF qui a su se relever en 1/4 et en finale pour nous sortir le grand jeu.
Merci à Poupimali qui explique avec un vocabulaire à ma portée de néophyte ce qu’est le rugby et ses règles et coutumes.
Merci à la Boucherie pour parfaire cet apprentissage (même si je ne comprends pas tout des chroniques de Vern: j’ai toujours pas imprimé la règle de la touche….)
Merci aux supporters de ce matin qui m’ont aidé à sortir de mon moule et à découvrir ce qu’est un stade qui pousse avec les 15 bonshommes dans le rectangle vert au milieu.
J’essaierai de me joindre à nouveau à ces joyeux lurons lors du tournoi des 6 nations parce que ça en vaut la peine.

Sur la route du retour, j’ai entendu à la radio Eddy Mitchell et sa dernière séance.
J’ai senti une boule se former dans la gorge et je suis passé sur le lecteur CD.
Le CD : Dires Straits, Brothers in Arms………. Encore la boule……..
C’est sûrement ce qu’on appelle avoir les boules……

Signé:

Dagonet