Exclusif : interview de Jean-Michel COMMANDO, préparateur physique de l’équipe de France.
par Dr Didge

  • 16 May 2011
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Militaire de carrière, Jean-Michel COMMANDO est cadre technique national de la FFR en charge de la préparation physique de l’équipe de France. Un footing le matin, un œuf cru dans le ventre, c’est pour lui le meilleur moment de la journée. C’est juste après que nous le rencontrons, encore en sueur. Interview croisée.

Jean-Michel Commando, l’homme qu’il nous faut pour transformer les joueurs en guerriers.

La Boucherie : Bonjour Monsieur Commando, Marc Lièvremont a annoncé sa liste de 32 joueurs pour la prochaine coupe du monde. Vous êtes le préparateur physique de l’équipe de France, quel est votre réaction suite à la non-sélection de Sébastien Chabal ?

Jean-Michel Commando : Bon, je vous préviens tout de suite, si vous être uniquement venu me voir pour parler de Sébastien Chabal, vous pouvez repartir de suite ! Je viens de me taper mes 10 bornes et à cause de toi, j’ai pas pu faire mes fractionnés. Allez, au revoir. Et pensez à aller au coiffeur si vous voulez faire quelque chose de votre vie. Disposez !

La Boucherie : Non, attendez, je suis stagiaire, heu… S’il vous plaît, je travaille gratos pour une bande de psychopathe, surtout si c’est leur chef, c’est le pire !

Jean-Michel Commando (il se calme, visiblement touché par mes propos) : Bon, d’accord. Pose tes questions bleu-bite.

La Boucherie : Mer… merci monsieur ! Alors… quel est votre sentiment suite à l’annonce de la liste des joueurs pour la coupe du monde ?

Jean-Michel Commando : La crainte. L’angoisse.

La Boucherie : Heu, oui… (je frissonne), est ce que vous pouvez développer un peu.

Jean-Michel Commando : T’es con ou quoi, bleu-bite. T’as vu la charrette d’éclopés que Marc a sélectionné ? Huits joueurs qu’on va devoir mettre en centre de rééducation dès le début de la préparation. Et qui doit faire des miracles ? Bibi. Et je vais faire quoi, moi. Je peux transformer un mou du genou en bête de guerre, je peux améliorer l’explosivité d’un pilard ou la vitesse pure d’un ailier, mais là !!! Vous vous rendez compte que la plupart des gars sont à remettre sur pattes. Et quand je dis ça, pour certains marcher sans béquilles en septembre se serait déjà un miracle. Tu me vois en stage à pousser des fauteuils roulants. Non, là, il est allé trop loin !

La Boucherie : Prenons le cas de Barcella, y a-t-il une chance pour qu’il puisse revenir à son meilleur niveau en Nouvelle-Zélande ?

Jean-Michel Commando : T’es vraiment con, toi ! Au développer-coucher oui, c’est un des meilleurs. Mais sur un terrain de rugby, même pour courir après japonais radioactifs, il va être limite. Tu sais, p’tit, quand tu prends pendant 80 minutes 120 kg de viande tongienne lancée à la vitesse d’un scooter débridé ou que tu cours en bout de ligne après des ailiers Néo-Zélandais au bout de 20 temps de jeu, il faut avoir de la caisse pour tenir. Et pour ça, il faut du temps. Répéter les matchs de haut niveau. Il faut que le corps s’habitue. C’est autre chose que faire des haltères face à l’océan en écoutant la Pitchoulli.

Déjà en 2009, Jean-Michel Commando avait fait du bon travail avec Fabien Barcella. Oui, enfin comme ça c’est pas flagrant.

 

La Boucherie : Pourquoi ?

Jean-Michel Commando (énervé) : Pourquoi quoi ? Tu suis pas ou quoi ? Mais dis-moi, t’as les yeux rouges toi, t’as fais quoi avant de venir ? J’aime pas les mecs aux cheveux longs, tous des drogués, à fumer de la saloperie de pschitt. L’effort, y’a que ça de vrai le trouffion. Tu veux savoir pourquoi Barcella peut pas revenir ? T’as déjà joué un match de rugby de haut-niveau ? Non, je crois pas vu ta tête. Ou alors sur ta Playstation. Le corps a une mémoire des gestes et il lui faut du temps pour récupérer ses sensations et sa tonicité. Il faut aussi oublier la blessure, c’est pas facile. Alors même avec des tests physiques très bons, le joueur peut ne pas avoir le rythme d’un match dans les jambes. Et je te parle pas des ¾ !

La Boucherie : Mhhh, oui, c’est ça (je masque le fait que je n’ai rien compris en enchainant par une nouvelle question). Les cas de Mermoz et Szarzewski sont-ils préoccupants ?

Jean-Michel Commando : Tu me fatigues ! A ton avis ? Oui, même s’ils ont déjà posé les béquilles. Szarzewski a même déjà remis un short rose à fleurs. On a un peu plus d’espoir. De toute façon, c’est tout ce qui me reste, l’espoir… Sacré Marco, à trop vouloir se fâcher avec personne, il va finir par se fâcher avec tout le monde. Mais bon, on est des latins. On marche à l’émotionnel, à la peur. Et là, j’ai peur ! Donc je me dis que tout n’est pas perdu.

La Boucherie : Pourtant, il y a d’autres exemples de joueurs blessés retenus pour la coupe du Monde [Juan Martin Hernandez avec l’Argentine, Juan Smith avec les Sudafs et les Australiens avec deux joueurs, Drew Mitchell et Rocky Elsom, NDLR] ?

Jean-Michel Commando : Ouais mais eux ils en ont un ou deux, nous on a huit joueurs convalescents ou sur le billard à l’heure actuelle, ça fait le ¼ de l’effectif. Marcoussis est en passe de devenir un nouveau centre de rééducation à ce rythme là. Et les phases finales viennent juste de commencer !

La Boucherie : Quel sera le programme pour le groupe avant la coupe du monde ?

Jean-Michel Commando : Greffer à chaque joueur un squelette d’adamantium. Non,  j’ai eu l’idée de lester les béquilles de Barcella et l’atèle de Domingo. Ca les fera au moins travailler quand ils nous rejoindrons au self de Marcoussis. Mais je sais pas ce que ça donnera en situation contre les frères Francks ou Tialata.

La Boucherie : Où allez vous aller pour la préparation ?

Jean-Michel Commando : Au zoo de Thoiry.

La Boucherie : Pardon ?

Jean-Michel Commando : Ouais, c’est le seul endroit où on peut courir après des springboks et des wallabies sans se rendre ridicule.

La Boucherie : D’accord, heu… Est-ce que je peux vous poser une dernière question ?

Jean-Michel Commando : Non. Tu me fatigues, là. J’ai deux cents pompes à faire sur une main avant partir en rando.

La Boucherie : Bon, alors merci Monsieur Commando.

Jean-Michel Commando : Ouais, c’est ça, salut bleu-bite.

Le stagiaire