Lettre de Francis Salaïgoty à Pierre-Yves Revol
par Aguilera

  • 19 December 2010
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À la boucherie, on est un peu devin. Et celle qui se charge de lire l’avenir sur la côte basque, c’est notre amie Aguiléra. Alors, je vous décris le tableau. Nous sommes en mai 2012, l’Aviron Bayonnais est au plus mal et son président Francis Salagoïty en a gros sur le cœur. Il décide alors d’écrire au président de la ligue, Pierre-Yves Revol, et d’user de stratégie pour que la situation de son club s’améliore.

Voici ici et nulle part ailleurs, pour vous chers lecteurs de la boucherie, la lettre qu’il lui écrira…

Francis Salagoïty
Stade Jean Dauger
64100 BAYONNE

Bayonne, le 10 mai 2012

Monsieur le Président,

Je me permets de vous solliciter à l’issue de cette saison 2011-2012, et alors que notre club chéri est relégué sportivement après un match honteux contre Albi, perdu à Jean Dauger sur le score de 5-6.

Malheureusement, cette saison, nous ne pourrons compter sur la moindre relégation financière pour nous sauver puisque La Rochelle a trouvé un nouveau partenaire d’envergure nationale qui va renflouer ses comptes.

Aussi, seule votre bienveillance peut sauver notre club de l’horreur du championnat D2 et je vais tenter par cette missive de vous convaincre de l’absolue nécessité de la présence de l’Aviron en Élite.

Tout d’abord, je tiens à vous rappeler que nos finances ont toujours été saines, contrairement à celles de beaucoup d’autres clubs. Je revendique ce succès. Certes, l’apport d’Alain Afflelou y est aussi pour beaucoup, mais il faut reconnaître que sa récente mise en cause dans une sombre affaire de commissions occultes n’a pas ébranlé une minute notre équilibre financier.  Certes encore, l’Aviron a dû subir une descente de la Brigade Financière avec perquisitions et gardes à vue, mais vous savez bien que tout cela était dû à une opération immobilière un peu baroque sur le Stade Jean Dauger, montée par Bernard Laporte. Nous l’avons d’ailleurs tout de suite débarqué du Conseil d’Administration, lui et  les hommes d’affaires corses et toulonnais qu’il avait introduits au club. De toutes façons, l’avenir économique de l’Aviron est assuré par les joyeux contribuables bayonnais, que notre maire sait solliciter avec talent.

L’image populaire de l’Aviron est également essentielle. Contrairement à notre voisin bourge et bling bling, vous devinez de qui je parle, nous sommes un club modeste et bon enfant. Nous en parlions d’ailleurs récemment avec mes amis du Conseil d’Administration autour d’un jéroboam de Veuve Clicquot en fumant des cigares cubains. Nous chérissons notre bon peuple de supporteurs, qui acceptent sans broncher chaque année l’envol du prix des abonnements et le peu de considération du club à leur égard.

Vous savez bien que tout n’a pas été simple pour l’Aviron. En tant que Président, j’ai toujours souffert, je ne sais pourquoi, d’un déficit de crédibilité. Au sein de la Ligue, je n’étais pas apprécié à ma juste valeur. J’ai également eu à subir l’attitude déloyale du Président d’un club voisin, que je ne nommerai pas mais vous devinez de qui je parle. Par exemple, en 2009, quand j’ai pris connaissance du calendrier des oppositions, j’ai eu la surprise de constater que le derby avait été programmé à Anoeta le samedi 10 septembre alors que le match retour devait se jouer à Bayonne un mercredi soir en plein mois de janvier.

Me plaignant du caractère peu équitable de ce calendrier lors d’une une réunion que vous aviez organisée, je n’eus pour réponse que des rires gras. En fait, j’ai toujours eu l’impression qu’à la Ligue, le Président du club voisin, c’était Mozart, et moi Salieri, et je ne comprends toujours pas pourquoi. J’ai bien essayé de leur pourrir leur match à Anoeta par un appel au boycott, lancé par mon fils adoré sur le forum des supporteurs, mais ça n’a pas très bien marché. D’ailleurs, même mon fils est venu au match.

De même, quand j’ai légitimement demandé le gain du match contre Perpignan sur tapis vert, car ces tricheurs d’Usapistes avaient invoqué le prétexte du virus  H1N1 pour ne pas venir à Jean Dauger, tout le monde m’a regardé avec un air de commisération qui m’a peiné.

C’est vrai que j’ai commis quelques gaffes qui ont fait rigoler, comme quand j’ai dit après un match perdu à Albi que l’Elite devrait être réduite à 12 clubs, alors que quelques mois après, nous finissions à la treizième place après un match indigne à Montauban (en fait, si nous avons perdu ce match de la relégation, c’est parce que nous savions que Montauban allait déposer le bilan puisque notre maire avait écrit à son homologue pour lui interdire de mobiliser la moindre somme en faveur de son club).

Mais vous conviendrez que j’ai compensé ces quelques carences en m’impliquant à fond dans la gestion du club. Une gestion énergique et moderne. Un business model quoi. Et dans tous les domaines :

1) Communication : j’ai su jouer d’effets d’annonces répétés pour le recrutement, à croire que la crème du rugby mondial mourait d’envie de jouer dans un club même pas européen et absolument inconnu dans l’hémisphère sud (au nord aussi, d’ailleurs). Vous avez remarqué : quand on tape « bayonnais » sur Word, ça souligne en rouge, même avec la majuscule ; ça ne le fait pas avec « Biarrot ».  Pourtant, l’Aviron est un club historique et titré même si je ne me souviens pas de l’année du dernier titre. D’ailleurs personne ne s’en souvient à Bayonne. Je crois qu’on doit être la quatrième génération à ne pas avoir connu de finale en Élite. Mais on fait comme si. Ça marche avec les supporteurs et la presse.

Et comme ça, on parle de l’Aviron. De même, j’ai rempli la presse locale avec les objectifs trois étoiles affichés chaque début de saison : qualification HCup, puis dans les quatre premiers, et même un titre de champion dans trois ans alors qu’on n’a jamais été foutus de gagner ou même de se qualifier pour la Coupe Mickey (bon, en fait, l’objectif inavoué, ça a toujours été finir devant le BO, mais même ça, on ne l’a pas fait).

A la fin des fins, notre meilleur classement a été la septième place, mais là, on a pu faire les merles devant les supporteurs.

2) Gestion de l’effectif : là, je crois que l’on peut vraiment parler de chef d’œuvre. Je pense avoir une vocation de DRH. J’ai inventé le licenciement de joueurs par SMS. J’ai institutionnalisé le turn-over des entraîneurs.

Tout ça bien sûr pour maintenir l’équipe sous pression. C’est vrai que quelquefois, je m’y perds moi-même. L’autre jour, par réflexe, j’ai appelé Richard Dourthe pour la compo de l’équipe. Bon, vous vous doutez qu’il ne m’a rien manqué. Je suis maudit jusqu’à la dix-septième génération.

Certes, la contre partie est que je dois gérer environ dix-neuf procès devant les Prud’hommes, mais mes compétences juridiques me font penser que nous allons tous les gagner.

Certains me disent que j’ai indisposé des personnalités importantes de l’Ovalie et que la réputation du club n’est pas des meilleures chez les joueurs. Et alors ?  Ce ne sont pas les joueurs étrangers blacklistés dans leurs pays qui manquent ; il y a aussi les anciennes gloires françaises qui veulent passer une pré retraite dorée au Pays  Basque.

J’ai quand même finalisé le premier transfert de l’histoire du rugby en vendant Benjamin Fall pour 500.000 €, et ça, personne ne l’avait jamais fait, même pas le magouilleur en chef du club voisin, vous voyez de qui je parle.

Vous comprenez qu’avec un tel mix d’histoire, de compétence, de professionnalisme, avec ce magnifique public, l’Aviron a une place de plein droit en Élite.

Bon, notre maintien passera forcément par la relégation d’une autre équipe. J’ai une suggestion à vous faire sur ce point, mais je préfèrerais vous en parler de vive voix. Je pense que vous aurez déjà deviné.

Veuillez agréer, monsieur le Président, etc … etc…

Aguiléra